Nennorae la Blanche

De EncyclopAtys

de:Nennorae die Weiße
en:Nennorae White
fr:Nennorae la Blanche

Il était une fois, bien avant que la Karavan fonde l'Eglise de Jena et permette aux homins de revivre, une jeune Matis. Sa peau était d'une blancheur de neige immaculée qui faisait ressortir ses traits fins et sans défaut. Sa chevelure noire et ses lèvres rouges parachevaient ce chef-d’œuvre de la nature. Sa blanche peau l'avait faite surnommer Alekin-Nennorae. Le Karin était alors proche de sa période de floraison et tous les yeux se tournaient vers Alekin-Nennorae.

Mais elle avait aussi des ennemis.

Parmi les autres prétendantes, Dame Chiabre était la plus vile et ne reculait devant rien pour devenir Karae. Dame Chiabre possédait un miroir magique qui désignait sans se tromper l'homin adéquat quand on l'interrogeait. Le plus grand plaisir de Dame Chiabre était de se regarder tous les jours dans le miroir et de lui demander :

« Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ? »

Pendant longtemps, le miroir n'avait reflété que son visage. Mais à présent, elle voyait apparaître la peau blanche et lumineuse d'Alekin-Nennorae. Les jours passaient et toujours le miroir montrait la jeune Matisse. Dame Chiabre fit alors appeler en secret la garde en qui elle avait le plus confiance. Elle lui promit de la faire devenir maîtresse des espions royaux dès son arrivée au pouvoir en échange de la disparition d'Alekin-Nennorae. Et peu de temps après, la garde kidnappa Alekin-Nennorae et l'emporta loin, là où la forêt était la plus sombre. La jeune Matisse comprit que sa dernière heure était arrivée mais sa fierté de Matis lui permit de regarder la garde en face. Sous ce regard qui la fixait et cette beauté si désarmante, la garde ne put aller jusqu'au bout. Désignant le cœur de la forêt, elle lui dit :

« Cours loin ! Dans cette direction. Des rumeurs disent qu'on y trouve d'autres homins. Pars et ne reviens jamais. »

Alekin-Nennorae se mit à marcher, s'enfonçant toujours plus profondément dans la forêt sombre. Après quelques jours de marche, elle trouva une petite hutte où tout était beaucoup plus petit que ce qu'elle connaissait. Sur une petite table, il y avait sept petites assiettes avec sept petits verres et sept petits couverts. Alekin-Nennorae avait très faim. Elle goûta une bouchée de chaque assiette et but une gorgée de chaque verre. Puis elle se coucha dans l'un des sept petits hamacs et s'endormit. Au soir, les habitants de la maison revinrent : sept petites personnes amusantes qui passaient leurs journées à forer de l'ambre et d'autres matières. Quel ne fut pas leur étonnement en voyant que quelqu'un avait mangé leur repas et bu leur byrh. Des chamailleries commençèrent à éclater mais le plus petit éleva la voix leur rappelant un des principes qui guidait leur vie : le partage. Et chacun se contenta de sa part.

Puis vint l'heure de se coucher… La stupéfaction qui les saisit en voyant Alekin-Nennorae est difficile à décrire. Jamais ils n'avaient vu une homine avec une peau si blanche, des cheveux si noirs et des lèvres si rouges. Ils restèrent là, aucun n'osant s'approcher de peur de la réveiller en sursaut. Ainsi, lorsque Alekin-Nennorae ouvrit les yeux peu après sur ces petits homins, elle se demanda si elle ne rêvait pas. Leurs questions la bousculèrent un moment mais l'entrain et la bonne humeur de ses hôtes charma bientôt la fugitive. Chacun à son tour raconta son histoire et elle apprit que ces petits homins étaient des Trykers et qu'ils vivaient dans une région lacustre qu'ils aimaient explorer à la recherche de nouveaux matériaux à extraire leur permettant de construire de nouveaux objets.

Alekin-Nennorae avait trouvé un nouveau foyer.

Sa fierté de Matisse ne la retint pas d'apprendre à tenir leur maison et le soir, quand les Trykers rentraient, ils s'asseyaient tous autour du feu, se racontaient des histoires tout en buvant un peu de byrh. La vie était belle. Mais, loin de là, lorsque Dame Chiabre demanda à nouveau au miroir qui était la plus belle, celui-ci répondit :

« Dame Chiabre, vous êtes la plus belle ici, mais Alekin-Nennorae qui vit au-delà de la forêt, chez les Trykers, est mille fois plus belle que vous. »

Le visage de la dame se déforma sous l'effet de la colère et elle échafauda un nouveau plan pour tuer Alekin-Nennorae. Puisqu'elle ne pouvait faire confiance à personne, elle décida d'agir elle-même. En bonne Matisse, elle connaissait les poisons, comment les préparer et comment les utiliser. Aussi, sur des salins si rouges que personne ne pourrait y résister, elle appliqua le poison le plus virulent qu'elle connaissait. Puis, déguisée en colporteuse, elle se mit en route vers Trykoth à travers la forêt profonde.

Alekin-Nennorae vit la colporteuse venir à elle sans méfiance et lui offrit son hospitalité sans reconnaître sa rivale sous le grimage. Et c'est sans arrière-pensée qu'elle prit avec reconnaissance les salins qui lui rappelaient son enfance heureuse. Mais quand elle mordit dedans, sa graine de vie s'éteignit et elle tomba morte. Dame Chiabre savoura son triomphe et lorsqu'elle interrogea à nouveau son miroir le soir venu, c'est son propre reflet qu'elle put de nouveau admirer longuement. La tristesse des Trykers en trouvant la belle homine sans vie fut immense, mais malgré toute leur ingéniosité, ils ne purent déterminer la cause de sa mort. Comme la beauté d'Alekin-Nennorae perdurait même dans la mort, ils la placèrent dans un cercueil d'ambre qu'ils déposèrent sur une colline à la lumière des étoiles, sous la surveillance de l'un d'eux.

On aurait dit qu'elle ne faisait que dormir.

Pendant ce temps, le Karin voyait se rapprocher un mariage avec Dame Chiabre et cela le poussait à prolonger de plus en plus ses promenades en mektoub, dans l'espoir retrouver celle qui avait volé son cœur. Un soir, alors qu'il s'était enfoncé très profond dans la forêt, il vit une lueur trembler à la lumière des étoiles sur une colline au loin. Alekin-Nennorae était là, allongée dans son cercueil d'ambre, plus belle que jamais. Un petit homin semblait la veiller prêt à la défendre contre tout et tous. Le Karin leva la main en signe de paix :

« Je viens en paix. J'ai cherché Alekin-Nennorae si longtemps. Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé ?' »

Le tryker raconta la joie de l'avoir côtoyée et la peine de l'avoir perdue.

« Mon amour pour elle sera plus fort que la mort. Jena saura nous réunir. »

Son amour était pur et sa peine immense. C'est alors qu'Elle arriva et posa la main sur son épaule.

« Ta peine est grande, tout comme la beauté de cette homine. Jures-tu de la chérir ?
Oui ! Oh oui, je le ferai. Je jure de la protéger et de ne jamais lui faire manquer de rien.
Alors… Qu'il en soit ainsi ! »

Une main se leva au-dessus du cercueil d'ambre durant quelques secondes, puis s'abaissa et disparut.

Alekin-Nennorae ouvrit les yeux et sourit au Karin.

Et quand Dame Chiabre ce soir-là demanda au miroir qui était la plus belle, il répondit :

« Alekin-Nennorae est mille fois plus belle que vous et à jamais. »

Une présence sembla se superposer alors à l'image d'Alekin-Nennorae… avant que le miroir n'explose en milliers de morceaux. Le karin épousa Alekin-Nennorae sous les feux d'artifice des Trykers et ils furent heureux jusqu'à ce que Jena les rappelle à Elle.



Ce conte a été dit par Lutrykin, lors de la Veillée des contes d'Atysoël 2616. (HRP : Noël 2021)