La fonte du Roi

De EncyclopAtys

de:Die Schmelze des Königs en:The King's melting fr:La fonte du Roi

Nous étions en train de nous réchauffer autour d’un feu de camp, quand Gyaz'Alt le devin vint s’asseoir à nos côtés.
Comme souvent, il avait abusé des racines de psykopla, et après quelque temps passé à écouter nos récits, il se mit à raconter une de ses visions.
Une histoire peut-être vraie, ou peut-être pas… Tout dépend de votre confiance dans ses prophéties.
Voici ce qu’il nous conta ce soir-là.

« À cette époque-là, règne sur les Matis un roi au cœur de glace.
Il est si froid que l’ambiance à la cour est polaire.
Et que ses sujets se montrent frileux à l’idée de rire et de vivre.
La reine désespère de ce mari hivernal.
Elle fait venir jongleurs, conteurs et amuseurs pour réchauffer l’ambiance.
Mais rien n’y fait, il n’y a jamais le moindre sourire sur les lèvres glacées de son royal époux.
Pire, il prend l’habitude de faire couper la tête de ceux qui tentent de le dérider.
Et bientôt, ne souffle qu’un vent solitaire dans le palais déserté.
Rien de grave, car à cette période comme aujourd’hui, la Karavan ramène les raccourcis.
Mais qui apprécie de se faire ainsi remercier ?
Arrive alors du désert un ardent conteur fyros.
La démarche flamboyante, les yeux brûlants d’une flamme rieuse.
Rien ne peut tempérer son enthousiasme à conter à la table royale !
Il commence une première histoire, dans un style haut en couleur.
Et miracle…
Le roi ne lui coupe pas la tête.
La reine et les courtisans lui font signe de continuer !
Alors il conte, encore et encore, jusqu’à ce que le jour se lève.
Nuit après nuit, devant le roi qui doucement se dégèle, il raconte.
Il enflamme, il embrase, et avec toute sa passion bouillonnante.
On voit peu à peu le Karan s’illuminer.
Dans le Royaume tout le monde revit.
On chante, on danse, on crie : il a souri !
Le cœur du Roi n’est plus de glace, le conteur fyros l’a réchauffé. »

À ce stade du récit, Gyaz'Alt se tut, comme si tout était dit.
Je lui fis remarquer que ses visions du futur manquaient d’une chute pour se prétendre conte ou chronique.
Pas besoin de voir l’avenir pour trouver une parabole zoraïe…
Il secoua le masque, comme navré, et me répondit :

« À quoi bon raconter la colère brûlante de la Reine lorsqu’elle comprit l’affaire ?
Quel intérêt de narrer la fuite du Karan et de son conteur loin du triste trône d’un royaume éteint et d’un couple sans amour ?
Tout ce qui compte, comme dans toute bonne histoire, c’est tout ce qui n’est pas dit.
Et pour ton Atysoël, cela suffit : tout finit bien, et le printemps revient ! »



Ce conte de Gyaz'Alt a été rapporté par Wieny lors de la Veillée des contes d'Atysoël 2616. (HRP : Noël 2021)