De EncyclopAtys
L'histoire que je vais vous raconter est basée sur une compétition traditionnelle matisse dont j'ai eu connaissance par un vieil ami qui y avait participé autrefois. J'en ai fait une histoire.
Mon ami se nommait Collix et il m'a raconté ce qu'il avait vécu pendant cette compétition, ici-même, à Matia. Mais je vais vous raconter l'histoire du point de vue d'un jeune Matis que j'ai baptisé Cillis.
Cillis avait peur. Mais, comme tous les jeunes Matis de son âge, il ne voulait pas le montrer. Pas devant tous les autres Matis rassemblés sur la place du sanctuaire de l'Autel de Jena, et encore moins devant son équipière. La machine flottante, construite dans ce matériau étrange qu'utilisait la Karavan, ronronnait et bourdonnait au-dessus de leurs têtes. Ses gardiens la regardaient d'un air impassible et surveillaient les alentours.
Prudemment, le jeune Matis jeta un coup d'œil à Nehi. Elle semblait calme et posée, ses cheveux châtains étaient attachés en queue de cheval et sa peau de lait luisait doucement au soleil du matin. Elle serrait le bâton de liaison dans sa paume levée. Sa prise était ferme et les jointures de ses phalanges saillaient légèrement.
Les deux enfants se connaissaient depuis longtemps et avaient commencé à s'entraîner à la course aussitôt après le tirage au sort, deux semaines auparavant. Il aimait bien Nehi. Il n'y avait qu'une chose qui le dérangeait chez elle : lorsqu'il regardait la fillette, plus grande que lui d'une tête, il ressentait une étrange pression dans sa poitrine. Comme si quelque chose voulait sortir de lui, mais ne le pouvait pas. Elle était une bonne équipière pour la course et malgré ses jambes plus longues, elle s'adaptait à sa vitesse et faisait attention à ne pas trop tirer sur le bâton de liaison. Le bâton lisse en bois sombre, long d'environ trois coudées, qui ne facilitait pas vraiment la traversée de la forêt.
Comme elle écoutait attentivement les paroles de l'Intendant d'Yrkanis, l'attention de Cillis se porta aussi sur celui-ci.
« Homins ! dit l'Intendant d'une voix forte.
« Fiers Matis ! Une fois encore, un cycle achève sa boucle d'éternel retour. Et une fois encore, nous nous retrouvons ici pour célébrer ce jour et assister à la traditionnelle Course dans l'Hiver. »
Des applaudissements discrets ponctuèrent ses paroles et çà et là se firent entendre des acclamations.
Mais pas celles des coureurs. Ils étaient tous tendus et certains semblaient nerveux comme des yubos d'une semaine. Cillis espérait que les autres n'attribueraient pas ses tremblements à l'émotion, mais au froid qui s'insinuait lentement à travers sa fine veste. L'Intendant poursuivit :
« Comme à chaque changement de cycle depuis notre arrivée dans les Nouvelles Terres, de nombreux jeunes Matis se retrouvent ici aujourd'hui pour éprouver leur force, leur courage, leur habileté, leur honneur et leur ténacité. Et pour montrer à nous tous Matis, qu'ils font partie des meilleurs que notre peuple puisse produire. »
Des cris de joie éclatèrent alors parmi les homins rassemblés. Cillis, dans l'ambiance ainsi créée, voyait chaque applaudissement dissiper un peu de sa peur.
Vlan !
Une boule de neige s'abattit sur l'arrière de sa tête. Le jeune Matis se retourna et vit Bunis, l'arrogant rejeton du Lieutenant de la Garde Royale, qui essuyait lentement et avec suffisance sa main droite sur son pourpoint. Son équipier, Cordesi, souriait comme sourient les gingos en regardant Cillis. Nehi se retourna également et fixa froidement les deux Matis.
« De toute façon, cette équipe de fillettes n'arrivera même pas jusqu'aux Graines Vertes », siffla Bunis.
Et tout autour de lui, d'autres coureurs ricanaient derrière leurs mains.
Avant que Cillis n'ait pu répondre, la voix de l'Intendant retentit à nouveau :
« Les vingt équipes présentes vont commencer dans quelques minutes leur Course dans l'Hiver. Elles n'auront pas toutes la vie facile et toutes seront tous mises à l'épreuve. Comme toujours, des éclaireurs expérimentés sont déjà postés partout dans les bois qui rendront compte des actions et du comportement des coureurs. Lesquels ne sont soumis qu'à une seule règle : nul ne doit être blessé ! Pour le reste, les coureurs ont le droit de faire tout ce qui peut les avantager. Cette année encore, la course, au départ d'Yrkanis, passera par Natae puis Davae pour se terminer à Avalae. Là, mon collègue vous accueillera et, après avoir entendu les rapports des éclaireurs, il désignera les vainqueurs. »
Cillis regarda à nouveau Nehi. Elle était mince et musclée, plus jeune que lui d'un été et pourtant de plus haute taille. Elle tapait du pied sur place, comme beaucoup des enfants qui patientaient, les bottes légères n'étant pas faites pour la neige. Les orteils de Cillis fourmillaient aussi légèrement, mais il ne voulait pas passer pour un bébé yubo. La tradition voulait que la course se dispute en tenue légère de réfugié. C'est à dire celle des premiers messagers entre les villes encore en construction, longtemps auparavant, lorsque les matériaux nécessaires à la confection de tissus plus solides ne pouvaient encore être collectés.
« Tous à la porte de la ville, maintenant ! » cria l'Intendant.
« Allez homins ! Que votre course commence ! »
Sur l'appel de l'Intendant, une première équipe se lança : deux fillettes tenant fermement le bâton entre elles se mirent à courir sur la route. C'était le signe qu'elles ne courraient pas pour gagner mais qu'elle souhaitaient seulement terminer la course. Car l'itinéraire empruntant la route balisée était à la fois plus facile et plus long que celui, direct, qui passait par la forêt au sol recouvert d'une épaisse couche de neige qui rendait la course difficile.
Trois équipes encore devaient prendre le départ avant Cellis et sa partenaire. Elle lui adressa un sourire qui lui réchauffa le cœur. Mais il vit alors que Nehi aussi était terriblement nerveuse : l'excitation brillait dans ses yeux et de petits nuages sortaient de ses lèvres au rythme rapide de sa respiration.
« Alors, qu'en penses-tu ? dit-elle, La forêt ou la route ? »
Un peu surpris par la question et mortifié qu'elle puisse le prendre pour un lâche, Cillis resta un instant sans voix. Et sa réponse ne fut pas aussi assurée qu'elle aurait dû :
« Hein ? La f… forêt… LA FORÊT ! Bien sûr ! »
Nehi continuait à lui sourire et semblait satisfaite. Avait-elle vraiment pensé qu'il choisirait la voie de la facilité ? Il n'était certes pas aussi grand et fort que Bunis, mais il était sûr de pouvoir traverser la forêt.
Derrière eux, Cordesi chuchota quelque chose à l'oreille de son équipier bien bâti, lequel éclata de rire. Cillis jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et vit ce dernier faire disparaître quelque chose dans la poche de son pantalon. Lorsque Bunis remarqua son regard, sa bouche dévoila une rangée de grandes dents dans un sourire narquois.
« Tu sais, petit. Pas de règles, sauf une. Attention à ne pas lâcher votre bâton. »
Du plat de la main, il poussa Cillis dans le dos et le fit avancer d'un pas, de sorte que son bras et celui de Nehi se tendirent soudain sur le bâton. Or, si l'un des coureurs lâchait le bâton le reliant à son équipier cela était considéré comme une maladresse, voire une "tricherie" : une partie du défi consistait à courir ensemble.
C'était maintenant au tour de Cillis et de Nehi de prendre le départ. Dans quelques instants, ils commenceraient eux aussi leur course. Les mains du jeune Matis commençaient à se couvrir de sueur alors que son souffle s'élevait devant lui en un nuage épais, comme celui d'un bodoc excité.
« Allez Homins! Votre course commence maintenant ! »
Comme ils s'y étaient entraînés, ils partirent tous deux la jambe droite en premier et s'efforcèrent d'imprimer un rythme régulier à leurs mouvements. Aussitôt franchie la porte de la ville, ils bifurquèrent vers la forêt, prenant la direction de l'Arène Matis et suivant les traces de leurs prédécesseurs. Il n'était pas facile de garder le rythme dans la neige. Le cœur de Cillis battait à tout rompre. Malgré leur entraînement et le froid, ils furent rapidement en sueur, mais tous deux continuèrent à se hâter sous les grosses racines et entre les arbres en faisant s'éparpiller devant eux maints yubos effarés. La paroi austère et lisse de l'immense construction de bois connue sous le nom d'Arène Matis fut bientôt en vue et le soleil matinal scintilla sur les stalactites glacés qui y étaient suspendus. Les enfants se faufilèrent entre les arches de racines à hauteur d'homin qui encerclaient l'énorme structure et passèrent devant son entrée avant de continuer en direction de Natae.
À peine avaient-ils parcouru quelques centaines de mètres et atteint le bord de la falaise qu'ils aperçurent des corps élancés de prédateurs se faufilant avec agilité dans le sous-bois. Les enfants stoppèrent net leur course.
« Bon sang, chuchota Nehi, si la meute nous repère, seule Jena pourra nous sauver. »
Son regard violet trahissait la peur et Cillis était sûr que son amie pouvait clairement lire dans ses yeux verts ce que lui-même pensait à ce moment-là. Prudemment, il fit un pas en arrière.
« Au secours ! Quelqu'un m'entend ?! AU SECOURS !!! »
La voix grave d'un homin, quelque part devant eux. Les jeunes Matis se regardèrent, effrayés.
« Les ragus ont encerclé quelqu'un là-bas. » dit Cillis d'une voix tremblante.
Nehi se contenta d'acquiescer silencieusement. Dans son regard se lisait une question inexprimée. Les pensées du garçon se bousculèrent. Il porta la main à ses cheveux teints en vert et et en tripota nerveusement une longue mèche. Nehi se mordilla la lèvre inférieure. Leurs genoux à tous deux tremblaient sous le froid, l'effort et la peur. Puis Nehi fit un pas en avant. Cillis la regarda avec surprise. Elle hocha la tête.
D'un même mouvement, les deux adolescents se précipitèrent. En criant et en hurlant.
Cillis attrapa une branche au sol et l'agita violemment au-dessus de sa tête. Les ragus sursautèrent et s'éparpillèrent d'abord dans une fuite instinctive, mais ils se remettraient vite de leur frayeur et leur meute était certainement plus forte que les enfants.
« Hého ! Les Kamis soient remerciés. Aidez-moi. Remontez-moi !!! »
La voix venait de plus bas sur la falaise. Ils s'avancèrent prudemment pour regarder par-dessus le bord. À environ trois mètres en dessous, un homin était accroupi sur une étroite corniche accrochée à la falaise. L'homin roux et vigoureux leva les yeux vers les enfants et le soulagement se lut sur ses traits durs et anguleux. Il se mit prudemment sur ses pieds. Sa peau était brune et tannée par les intempéries, mais ses yeux brillaient d'un éclat jaune, doré comme l'ambre. Il portait la tenue des messagers de la Guilde Impériale de Pyr.
« Un Fyros ? » s'exclama Nehi.
Ils dévisagèrent l'homin qui leur souriait nerveusement.
« Oui. Ça t'étonne, hein ? Mais où sont vos parents ? Ils s'occupent de ces sales bêtes ? » demanda-t-il sur un ton étonnamment désinvolte.
— Hum… Non. Nos parents sont à Yrkanis. » répondit Cillis.
Nehi lui donna un coup de coude dans les côtes et le garçon allait protester lorsqu'il vit l'expression sur le visage du Fyros. Celle du désespoir.
« Quoi ? Mais… Comment je suis censé retourner là-haut alors ? Et que ferez-vous quand les bêtes reviendront ? »
Les enfants se jetèrent un coup d'œil.
« Nous devons l'aider. » dit Cillis.
Il regarda son amie dans les yeux et son estomac se serra. Elle acquiesça de la tête. Cillis lâcha alors le bâton.
« Qu'est-ce que tu fais ?
— Personne ne nous voit, et tu es plus forte que moi. Baisse le bâton vers lui pour qu'il puisse se hisser dessus. Je te tiens. »
Une expression étrange se dessina brièvement sur le visage de Nehi, puis elle hocha résolument la tête et s'allongea sur le ventre. Cillis saisit ses jambes et se tira en arrière de toute sa force et de tout son poids. Le bâton atteignit de justesse les mains tendues du Fyros. L'homin s'élança d'un coup sec au dessus des épaules de Nehi qui serrait les dents. Elle sentit la prise de Cillis sur ses chevilles se resserrer encore, mais glissa légèrement vers l'avant.
« Ne lâche pas ! » s'exclama le Fyros, dont les pieds pendaient maintenant au-dessus du précipice.
Plaçant une main sur l'autre, il se hissa lentement sur la paroi de bois glacée.
Nehi qui se sentait déjà glisser sur le sol enneigé, entendit Cillis lâcher entre ses dents serrées :
« Je glisse ! »
« Allez, ils ne peuvent pas être bien loin ! On va les rattraper ! »
L'appel assourdi parvint aux oreilles de Cillis depuis la forêt. Bunis !
Cillis tourna la tête et vit à quelque distance courir leurs deux concurrents. Le plus fort traînait littéralement son équipier plus menu dans la neige.
« Bunis ! Cordesi ! Aidez-nous ! Ici !! »
Au cri de Cillis les deux coureurs s'arrêtèrent et regardèrent autour d'eux. Cordesi le repéra en premier et commença immédiatement à sprinter dans sa direction. Mais il fut rapidement rappelé à l'ordre : Bunis le tira dans la direction opposée. Le cœur de Cillis s'arrêta presque de battre. Il ne pouvait pas le croire. Bunis, ce fils de gingo ! Un juron sauvage, familier de son père, lui échappa et un grand « Ooh !! » s'éleva de la falaise.
« Arrêtez-vous les enfants ! S'il vous plaît ! »
Nehi gémit. Les muscles de ses bras minces saillaient comme des cordes tendues, près de rompre.
C'est alors que Cillis entendit le grognement derrière lui. Il aperçut un mouvement rapide dans le sous-bois à sa gauche puis, peu après, un autre sa droite, accompagné d'un aboiement guttural.
« Ils reviennent !
— Jena, on ne va pas y arriver, gémit Nehi, il est trop lourd.
— Tenez bon, les enfants. Vous y êtes presque. Encore un petit effort. »
Les mots sortaient nerveux de la bouche du Fyros, le souffle court.
Cillis grimaça en percevant à nouveau un mouvement près de lui : un grand ragus efflanqué s'approchait, un grognement rauque s'échappant de sa gueule.
Les oreilles collées au crâne, l'animal se recroquevilla sur ses pattes arrière et se prépara à bondir sur sa proie sans défense. Cillis lâcha la jambe droite de Nehi. Ils glissèrent un peu vers l'avant et son amie ainsi que le Fyros poussèrent un cri de terreur presque à l'unisson. Cillis saisit la branche qui se trouvait encore près de lui dans la neige et la lança sur la bête bondissante. Avec fracas, la branche heurta le crâne du ragus, qui fut propulsé par son propre élan au-delà du bord de la falaise. Enveloppé d'un nuage de neige, le prédateur tomba en hurlant en direction du Fyros qui s'écarta in extremis pour ne pas être emporté par l'animal qui gigotait dans sa chute. Nehi laissa échapper un grognement de douleur. Une fois encore, tous trois glissèrent un peu plus loin. La cage thoracique de la fillette était maintenant presque entièrement suspendue au-dessus du précipice. Si l'un d'eux perdait l'équilibre, ce serait la fin.
Un deuxième et un troisième ragus apparurent, et le tumulte autour des homins indiquait qu'au moins cinq autres de ces prédateurs se rapprochaient. Le garçon, désespéré, agita frénétiquement la branche autour de lui, empêchant ainsi les animaux de lui sauter dessus, au moins temporairement. Mais ils ne tiendraient pas longtemps. Une courte prière à Jena se forma dans la tête de Cillis. Elle fut entendue.
Quelque chose claqua en frappant les arbres derrière la tête du garçon et une avalanche de neige gronda, ensevelissant presque une partie de la meute de ragus. Les animaux effrayés s'égaillèrent aussitôt dans le sous-bois proche. Une autre explosion se fit entendre tout près de l'un des ragus et l'animal poussa un bref hurlement avant de s'enfuir.
Des cris et des appels sauvages résonnaient dans la forêt. À travers les arbres, un groupe d'enfants brandissant des branches et des bâtons arrivait en courant. Bunis, en tête, utilisait son bâton comme une massue pour frapper les prédateurs. Il poussa un grand cri de triomphe lorsque les ragus s'éloignèrent. Puis il s'approcha de Cillis, laissa tomber son bâton et saisit la jambe droite de Nehi. Deux autres garçons se laissèrent tomber dans la neige de chaque côté de Nehi et saisirent chacun un bras du Fyros. Pendant que deux filles tiraient de toutes leurs forces Nehi par son gilet, ils firent ensemble passer l'homin par-dessus le bord du précipice avant de tomber assis dans la neige.
Ils étaient allongés l'un près de l'autre, respirant difficilement. Cillis regardait le ciel d'où la couronne de Jena, la grande planète aux anneaux, semblait le contempler. Quand tout à coup, Cordesi entra dans son champ de vision :
« Hé, vous deux ! Vous êtes bien installés là ? » dit-il en souriant.
Cillis remarqua alors que le bras de Bunis était posé sur sa poitrine. Surpris, il le repoussa et se redressa brusquement. Nehi s'accroupit à sa gauche et lui sourit. Le garçon pouvait clairement sentir le sang lui monter aux oreilles et la chaleur lui monter au visage. Les deux filles qui avaient aidé Nehi gloussèrent et Cordesi éclata de rire.
Puis, d'un seul coup, Cillis fut tiré vers le haut et des bras puissants s'enroulèrent autour de son corps.
« La bénédiction des Kamis soit sur vous les enfants ! »
Le Fyros assit Cillis sur ses épaules et se mit à danser de façon exubérante et à tourner sur place, tout en applaudissant et en criant dans sa propre langue. Nehi riait et Bunis se tenait le ventre en riant. Cependant, Cillis ne remarqua pas grand chose de tout ça. Il avait envie de se jeter dans le précipice… juste pour échapper à cet embarras.
« Mais assez pour alerter d'autres équipes. » ajouta-t-il avec un sourire.
Bunis admit qu'il avait pû paraître méprisable en emmenant ainsi son partenaire loin des appels au secours. Mais il avait bien vu les ragus rôdant dans la forêt et avait compris qu'à eux deux seuls, ils n'avaient aucune chance d'apporter une aide efficace. C'est pourquoi ils explorèrent alors la forêt aux alentours à la recherche d'autres équipes pour les assister.
L'Intendant de la cité vint à leur rencontre et exigea de savoir ce qui s'était passé, comment il se faisait qu'aucune équipe n'était arrivée à Davae depuis si longtemps et qu'un groupe aussi nombreux se présentait maintenant. Les enfants se mirent immédiatement à lui répondre, babillant tous à la fois. Mais le Fyros roux leva bientôt les mains en signe d'apaisement avant de demander le silence d'une voix forte et d'enchaîner :
« Ces enfants m'ont sauvé la vie aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir ce jour honoré ce qu'il m'ont dit être une tradition de votre peuple. »
Il rapporta brièvement, avec des mots appropriés, ce qui s'était passé et souligna le courage des enfants. Il mentionna particulièrement Nehi, qui l'avait tenu si vaillamment et si longuement. L'Intendant écouta attentivement et finit par hocher la tête. Puis il fouilla dans son gilet et se tourna vers les enfants :
« Voici les rubans rouges. Tous ceux qui veulent continuer vers Avalae doivent s'en procurer un le plus tôt possible. »
Cillis s'agita sur l'épaule du Fyros, lequel le déposa rapidement au sol. Nehi avait déjà tendu le bâton à l'Hôte d'Accueil de la cité et maintenant le ruban rouge de Davae y flottait. Cillis saisit le bâton et s'immobilisa. Près d'eux, Bunis et Cordesi reçurent ensuite leur ruban. Puis les deux fillettes et enfin la paire de garçons. Et c'est unis que les jeunes Matis quittèrent Davae pour effectuer en groupe le reste du parcours.
« Matis ! Regardez ces enfants qui ont terminé la Course dans l'Hiver. Ils ont tous prouvé qu'ils avaient de l'endurance, de la force et du courage. Mais certains d'entre eux ont accompli quelque chose de spécial en cette année bénie. »
Il fit une courte pause pour faire signe au groupe entourant Cillis et Nehi. Le visage rougi par l'excitation, les enfants s'avancèrent. La voix de l'Intendant tonna alors sur l'assemblée :
« Ces enfants ont lâché leur bâton ! »
Sur ces mots le silence se fit dans la foule. Cillis était choquée. Nehi, Bunis et les autres semblaient eux aussi abasourdis.
« Ils ont brisé une tradition de la course. Ce sont tous des "truqueurs". »
Il a regardé chacun des enfants d'un air sévère avant d'élever à nouveau la voix.
« Cependant, ils ont fait ce qu'il fallait ! Ils ont agi dans l'esprit de la course. Ils en ont compris le sens. Une vie a été sauvée parce que ces enfants ont placé l'important et le juste au-dessus des simples règles du jeu et qu'ils ont compris la valeur de la coopération. »
Les applaudissements fusèrent de nouveau, tous les enfants furent hissés sur les épaules et la vraie fête put enfin commencer.
Au milieu du brouhaha de la foule, Cillis trouva ses parents et courut vers eux. Sa mère l'embrassa avec effusion et si un père devait jamais se tenir debout plus fièrement que le sien, son gilet exploserait sûrement. Une main se posa alors sur l'épaule de Cillis. Se retournant, il découvrit Nehi accompagnée du messager fyros.
« Maintenant, vous deux, je dois continuer et accomplir ma mission, dit ce dernier. Je vous dois la vie, c'est vous qui m'avez trouvé et vous avez eu le courage de m'aider. Je vous en remercie. Que les Kamis vous protègent. Et si un jour vous venez à Pyr, demandez Collix Becoubs. C'est moi, et vous serez toujours les bienvenus dans ma maison, toujours. »