Lumière sur/Chroniques/Mois/16

De EncyclopAtys

Chrysalide un texte de La fuite d'Yrkanis en 2506 après le meurtre de Yasson par Jinovitch, racontée par Baldi Dalia, un témoin de la scène :

La Forêt s'éveillait à peine, jupon de brume et gilet de coton blanc. Ainsi brodé de dentelles délicates, de molletons immaculés et d'ourlets soyeux, Mystia, par ses atours, annonçait sans détours l'hiver et le froid. Le charretier souffla dans ses mains ankylosées pour se donner une contenance plus que par nécessité. Les nombreuses pelletées de fumier avaient suffi à les réchauffer et c'était, pour l'heure, de courage dont avait besoin Lebi Cabelo, et d'un peu de temps avant de prendre les rênes et diriger son attelage vers la Grande Serre de Jino. Haletant, aussi rougeaud qu'un Matis puisse l'être, il finit par grimper sur le siège. Le grincement de l'appareil fut aussitôt étouffé par le sifflement aigu de Lebi , et le claquement des lanières de cuir sur le flanc des mektoub. Les bêtes renâclèrent, avant de s'élancer sur ce chemin si connu qu'elles auraient pu le parcourir sans leur maître. Ce dernier n'y aurait rien trouvé à redire d'ailleurs, plus tendu que le frein qu'il desserra presque à regret.

Des vapeurs épaisses, bleu pâle, s'élevaient en volutes du chargement, molles, presque lascives, se tordant au rythme des cahots incessants du tombereau. Comme le capitaine absent des vaisseaux fantômes d'autrefois, Lebi semblait flotter sous une nappe de ciel gazeux et glisser sur les crêtes blanches des vagues d'une mer boréale. Dos et trompes émergeant des brumes, monstres imaginaires des cartes maritimes Tryker, les mektoub n'existaient plus, le conducteur matis serrait les rênes comme le marin serre un gouvernail, l'œil vide et l'esprit au loin. «Capitaine !» songea-t-il, se retournant presque.

Quelque chose scintilla, rappelant l'esprit vagabond, stoppé net au bout d'un fil que l'on tend brusquement. Lumière blanche furtive, mirage. C'est d'abord le corps qui réagit. Les poils se hérissent, le cœur bondit. Jena...