De EncyclopAtys
“Les événements rapportés ici, comme tant d'autres consignés dans mes archives, sont advenus voici longtemps et je ne peux pas garantir que tout ce qui suit décrive exactement leur déroulement. Comme, toutefois, je tenais à l'époque mes registres avec diligence, j'espère que vous le trouverez utile, ou, à tout le moins, intéressant.
一━══ ⧼⧽ ══━一Alors que je me dirigeais vers la bataille à venir, les parois de mon casque Kara-Parok faisait résonner ma prière : « Ô Jena, garde toutes nos graines dans Tes Mains et laisse Ton Souffle renforcer nos âmes. Donne-nous la force de survivre à ce danger pour continuer à Te servir. »
« Ces Maraudeurs sont vraiment superbement équipés et entraînés », telle est la pensée qui me traversa l'esprit comme j'examinais les premières fortifications érigées par leurs soins sur les pentes constituant la rampe d'accès à la Source Cachée. En quelques jours à peine, les troupes ennemies avaient réussi à construire et à fortifier de formidables défenses.
La rampe s'élevant depuis de la région du Tertre de la Dissidence était bloquée par deux tours et un grand nombre de soldats en armure noire montaient la garde sur la voie menant à la steppe.
Je me suis retournée pour regarder les visages de mes compagnons d'armes. Notre groupe se composait d'environ trente à quarante homins, moitié Matis moitié Trykers, avec les quelques rares Fyros et (encore plus rares) Zoraï qui avaient choisi de se battre à nos côtés. La plupart semblaient sûrs d'eux et courageux, mais je savais que certains, comme moi, avaient du mal à garder leur confiance à la vue des forces ennemies et cachaient leur peur sous leur casque.
Nous étions peu nombreux. Peut-être trop peu. J'ai espéré et prié pour avoir la force de faire face à nos ennemis.
Nous avions des informations selon lesquelles une attaque parallèle à la nôtre, lancée depuis le Désert Ardent par les Zoraï et les Fyros, allait avoir lieu, mais je ne savais pas si ces contingents étaient plus fournis que la petite force Matis qui s'était rassemblée ce jour-là. Il est vrai que cette troupe rassemblait des homins vraiment courageux et des grands guerriers, mais nous étions tout de même cruellement peu nombreux.
Quelques-uns qui étaient prêts à affronter l'ennemi et à faire de leur mieux pour défendre leur liberté durement acquise.
Cette pensée m'a donné la force que je cherchais et j'ai marché la tête haute. Nous avions affronté les kitins et nous avions vaincu. Nous avions affronté pire que cela.
J'avais horreur de combattre d'autres homins, mais pour protéger mon peuple et les homins des Nouvelles Terres, je devais le faire. J'avais prêté serment au roi Yrkanis et je le tiendrai.
Lentement, notre petit groupe de guerriers a traversé la plaine devant les falaises abruptes qui ceinturaient le plateau d'altitude où se tenait l'ennemi. Nous avons vu leur force, leur puissance… et j'ai frissonné.
Ils nous voyaient aussi.
Ils ont raillé, ri et nous ont nargués.
Ils ont pointé du doigt la petite troupe pathétique de guerriers que les Nouvelles Terres avaient levée. Non, cela ne pourrait jamais être une menace sérieuse pour leur armée.
Debout sur un affleurement rocheux, Rocho di Anichio, le chef des Bagnards renégats, sourit froidement. Cette bande de loqueteux n'aurait aucune chance contre ses guerriers entraînés et ceux de ses alliés. Son regard se porta sur la plaine située sous les contreforts de la Source Cachée et sur les quelques trente homins qui s'approchaient de sa position.
Souriant, il observa leur pathétique première tentative d'attaque. Ils étaient aussi indisciplinés qu'un troupeau de yubos paniqués. Sauvages et impétueux, les combattants chargeaient sans réfléchir en laissant leurs mages loin derrière, se mettant ainsi hors de portée de toute tentative de soins. Il avait presque envie de rire. C'était incroyablement embarrassant pour "Son Altesse Yrkanis", le bâtard, que de telles vermines soient sa seule ligne de défense.
Il vit les guerriers atteindre puis frapper férocement let troupes de Maraudeurs. Et oui, ils réussirent même à ouvrir une petite brèche dans les rangs de l'infanterie. Mais pour les mages de combat bien entraînés, ici sur les falaises, ils n'étaient rien de plus que quelques mouches à écraser.
Des projectiles d'acide bouillonnant sifflaient et se répandaient sur le champ de bataille. Un froid glacial s'échappait des mains des autres mages, enveloppant les attaquants dans une glace aussi épaisse que les jambes d'un shala. Ah, il aimait regarder les mages à l'œuvre. Comment leurs mouvements assidûment pratiqués et disciplinés canalisaient la sève et invoquaient les éléments par son entremise. Pas un mot ne passait leurs lèvres, leurs seuls mouvements suffisaient à tuer.
Oui, il aimait ça. Mais il aimait encore plus le combat rapproché. Là aussi, c'étaient les mouvements qui décidaient de la vie et de la mort, mais leur danse était totalement différente.
Un guerrier se lança et réussit à percer les rangs de ses défenseurs. La magie libérée pour le protéger des sorts mauvais perlait, comme de l'eau, sur la bulle invisible qui l'entourait. Oui, il avait entendu parler de ça. Certains homins pouvaient temporairement annuler toute magie proche d'eux en concentrant la sève qu'ils portaient.
Voyons combien de temps celui-ci tiendrait. Car une telle aura n'offrait en revanche aucune protection contre les épées et les coups de pistolet.
Alors que le combat se rapprochait, il reconnut les lignes épurées d'une armure féminine.
Une Matisse, à en juger par sa silhouette. Portant une armure de couleur ambre finement travaillée. Elle se rua le long de la pente puis se dirigea vers sa position avec une grâce légère. Elle esquiva habilement les épées de plusieurs guerriers et évita la plupart des balles des fusiliers. Certaines ricochèrent ou se fichèrent dans son armure. Elle visait probablement à distraire les mages, ou même à les tuer, afin que ses compagnons en contrebas puissent approcher plus aisément la mêlée. De fait, elle parvint à s'approcher à quelques pas de lui et un mage périt sous les coups de son épée. Mais tout fut fini pour elle peu après. Elle n'avait aucune chance, ou presque, de réussir.
Plusieurs mages tournèrent leurs sorts contre elle et elle est tomba bientôt, dans un cri, sous l'assaut soudain d'énergie mortelle.
Calmement, il s'approcha pour l'observer.
Elle gisait, molle, traversée seulement de spasmes légers. Jusqu'alors, son casque et son armure étaient demeurés quasi inentamés, mais le puissant sort d'onde de choc qui l'avait frappée pour finir avait dû briser tous les os de son corps alors que son aura protectrice s'affaiblissait avant de disparaître tout à fait.
Un mince filet de sang suintait de son casque. À l'agonie, elle toussa alors qu'il se penchait sur elle pour tenter de distinguer quelque chose à travers les fentes de son casque. Des yeux ambrés, pleins de rage et de douleur, étincelaient à l'intérieur. Elle avait probablement reconnu le sceau d'officier qu'arborait son armure et les couleurs de sa tribu.
« Toi… Sale bâtard ! Tu es à moi ! » cracha-t-elle dans un flot de sang.
Une soudaine vague d'amusement déclencha son rire devant le visage ravagé de la jeune homine.
« Ha ! Ha ! Ha ! Pour l'instant, ton corps mourant appartient à mes soldats, petite Matisse. Ne vois-tu que ta pathétique troupe n'a aucune chance ? dit-il, railleur.
— Je t'aurai… un jour. Je le jure… par le Souffle du Dragon ! » fut la réponse étouffée, chargée de souffrance, qui sortit du casque.
— Jure tant que tu veux. Tu as déjà perdu. »
Il donna un coup de pied vicieux dans son flanc frissonnant et se retourna pour observer encore le champ de bataille et faire face à ses troupes.
En riant, il s'exclama : « Regardez camarades. C'est tout ce que le grand royaume a à offrir contre vous ! Pas étonnant qu'il ait été si facile d'attaquer et dévaliser les marchands juste sous son nez ! »
Ses soldats riaient et applaudissaient. À leurs pieds gisaient les corps déchiquetés des quelques imbéciles qui s'étaient opposés à eux.
Ah, comme il appréciait ces moments. C'était une bonne idée de s'allier avec Akilia et les autres. Bien qu'il se méfiât de ce Zoraï à la tête de gland.
Un scintillement dans l'air tira son regard vers le sol. La Matisse avait disparu.
Elle était donc allée se réfugier dans les bras de Jena qui l'avait ranimée au sanctuaire, là-bas, loin au sud. Bah, qu'il en soit ainsi.
Un à un, les autres guerriers tombés disparurent, eux aussi, du sol gorgé de sang.
Il aurait été surpris qu'ils soient assez stupides pour réessayer.
Je suis revenue à moi au sanctuaire de la Karavan qui, dans le Tertre de la Dissidence, surplombe le vortex le reliant aux Primes Racines.
Tout mon corps me faisait souffrir et même la bénédiction de Jena ne parvenait pas à me faire oublier l'horreur des dernières minutes. En gémissant, je me suis levée et j'ai hasardé quelques pas chancelants ; j'ai pris une grande inspiration et l'odeur de moisi et d'amertume des Primes Racine exhalée par l'énorme brèche dans l'écorce derrière moi m'a piqué le nez. Cela m'a aidé à me vider la tête.
En commençant à bouger, j'ai eu l'impression que certains de mes os et de mes muscles étaient encore en train de se ressouder. Ma santé n'était certainement pas à son apogée. Je me suis détendue du mieux que j'ai pu et j'ai laissé le rythme de la course dissiper les dernières douleurs et vertiges qui me saisissaient, comme chaque fois que je je recourais à la bénédiction restauratrice de la Déesse. Loin devant moi, je voyais d'autres homins retourner au pas de course vers le lieu de la bataille.
Tous savaient que s'ils échouaient, le royaume serait voué au désastre.
Nous nous sommes à nouveau rassemblés au pied du chemin étroit et escarpé menant au plateau. Nos attaques précédentes, sauvages et non coordonnées, avaient certes causé une brèche dans les défenses des Maraudeurs, mais maints d'entre eux garnissaient encore les tours ou se dissimulaient dans le terrain impraticable derrière celles-ci.
Cette fois, nous avons procédé de manière plus coordonnée. Lentement et avec détermination, nous avons éliminés un à un les divers groupes de défenseurs et, même si parfois j'étais victime des sorts de l'ennemi, un camarade était toujours là pour me remettre sur pied grâce à sa magie. Le combat était difficile, mais finalement nous avons atteint le haut de la rampe et avons pu pénétrer plus profondément dans la région.
Au loin, j'aperçus quelques homins en fuite et je suis sûre d'avoir reconnu parmi eux l'armure rouge de mon tourmenteur précédent. Le lâche avait manifestement préféré battre en retraite, plutôt que de nous affronter. Me frapper quand j'étais à terre et à sa merci. Méprisable. Et s'allier avec les Maraudeurs, un acte odieux de trahison.
J'ai suivi les autres homins alors qu'il couraient plus avant dans la steppe, prête pour un combat soutenu et compliqué. Les kitins mauvais arpentaient toujours l'herbe sèche et cuttlers et autres torbaks guettaient toujours à l'abri des buissons ou masqués par les dunes. Mais notre petit groupe a continué son chemin sans se décourager.
Finalement, cependant, nous sommes tombés sur un spectacle qui nous a coupé le souffle.
Les Maraudeurs avaient vraiment fait un travail effrayant. Autour du Poste-Frontière de la Gorge de Berello, d'autres tours fortifiées avaient été érigées, des étables avaient été construites et des huttes grossières se dressaient les unes à côté des autres, où une armée entière nous attendait de pied ferme.
C'est ce à quoi nous étions confrontés.
Des guerriers supérieurs en nombre, au moins trois contre un des nôtres.
Un murmure parcourut nos rangs. Comment pourrions-nous jamais vaincre une si énorme armée ?
Mais il était trop tard pour toute délibération.
Une escouade se détacha du gros de l'armée pour se précipiter sur nous. Nous n'eûmes d'autre choix que de nous défendre.
La bataille fut féroce. Les unités de Maraudeurs se jetaient sur nous par vagues successives.
Mais nous sommes restés inébranlables. Nous avons tenu notre position et avons même avancé peu à peu, au ralenti.
C'était là sans conteste le fruit d'une intervention divine. Jena a guidé nos mains, nous a donné force et courage et plus d'une fois durant le combat, j'ai crié ma foi en Jena, en mon roi et en ma patrie : « Jena Ayie ! Yrkanis Ayie ! Matia Ayie ! »
Puis soudain, les rangs de l'ennemi se sont gonflés. Leur nombre menaçait de nous submerger. Nous combattîmes alors avec un courage décuplé par le désespoir. Au milieu du grand camp, cernés de guerriers ennemis. Les armures de ceux fraîchement arrivés portaient la marque de Sirgio le Scélérat, le bandit dont le camp se dresse à mi-chemin du Désert Ardent. Lui et ses cohortes avaient rejoint les autres Maraudeurs dans cette bataille. Mais, il fallait s'y attendre. Les opportunistes ne sont jamais loin de là où il y a du profit à faire.
Un coup d'épée manqua de peu mon ventre, et ma contre-attaque fut parée par le vif guerrier Tryker que j'affrontais. Dans la mêlée, je vis alors comme à un éclair de chaleur traverser l'espace au-dessus des collines barrant au loin la steppe. Puis une boule d'énergie bleue incandescente traça son chemin dans le ciel en un arc haut et crépitant. Elle explosa bientôt au milieu d'un groupe de fusiliers maraudeurs retranchés derrière les hauts plis d'écorce sèche ceinturant l'avant-poste. La foudre passa de l'un à l'autre et plus loin encore. Trépignant, les homins tombaient au sol alors que derrière eux, quelques silhouettes sauvages escaladaient la pente. Armes verrouillées et sauvagement absorbées dans la danse de la magie.
« Ce sont les Fyros et les Zoraï ! » m'exclamai-je. Une courte acclamation s'éleva parmi les homins qui se battaient pour Matia.
Avec un courage renouvelé, nous nous sommes jetés à nouveau dans la bataille. Les Maraudeurs étaient désespérés. Mais, surgirent alors parmi eux plusieurs animaux modifiés. Qui atteignaient des tailles énormes et se montraient beaucoup plus agressifs que leurs cousins normaux.
Le diabolique alchimiste Muang Hoi-Gi avait fait cause commune avec les ennemis des nations homines ! Ses abominations prirent maints d'entre nous au dépourvu et ce n'est pas sans mal que parvînmes à nous en rendre victorieux.
Les grands gingos enragés élevés par l'étrange Fyra nommé Mezix se lancèrent eux aussi dans la bataille. Mais ils n'étaient pas aussi nombreux que l'on aurait pu s'y attendre. Le raid sur le camp de Mezix, quelques semaines auparavant, avait probablement contribué à réduire leur nombre.
De temps en temps, j'entendais le cri de guerre féroce de tel ou tel ennemi homin : « Akilia ! » . Elle était donc là, elle aussi, quelque part. Puis, dans le vacarme de la bataille, j'ai entendu des cris de colère et des malédictions visant l'alchimiste zoraï. Comme je l'ai su plus tard, Muang avait quitté l'alliance lorsque il lui était apparu que les combattants des nations des Nouvelles Terres prenaient le dessus. Akilia elle-même était censée avoir dit quelque chose sur le fait que cette bataille était un test.
Pour quoi faire ?
Une fois de plus, la question autorise toutes les spéculations.
一━══ ⧼⧽ ══━一Pour finir, les homins reconquirent la région de la Source Cachée.
La menace de l'ennemi du passé était une fois de plus écartée. La bataille avait été gagnée, mais la guerre était bien loin d'être terminée.
L'ex-Sénateur Zelion, traître à l'Empire Fyros, tomba peu après entre les mains de l'armée Fyros. Apparemment, ses alliés n'avaient plus besoin de lui.
Cependant, je suis demeurée convaincue que l'Empire abritait, quelque part, un autre traître.
Rocho Valerio et ses Bagnards étaient un problème auquel le royaume Matis allait devoir faire face. Muang menaçait toujours tous les homins, et l'étrange Nung Horongi avait été livré aux Trykers, car plusieurs indices leur suggéraient son implication dans l'assassinat du gouverneur Still Wyler.
Les mois et années de Jena à venir ne seraient certainement pas faciles pour les homins des Nouvelles Terres. Mais, comme les trente courageux guerriers ayant tenu tête ce jour-là à une force supérieure, les quatre peuples des Nouvelles Terres se battraient pour la maîtrise de leur destin !Lylanea Vicciona, Ranger, Barde des Quatre Nations