De EncyclopAtys
“Freldo Cuirinia engloutit le fruit du cactus. Le jus clair coulait des commissures de ses lèvres roses et charnues. Le regard vert de Corolle Fumaroli suivit un instant la goutte scintillante qui glissait lentement le long du cou, avant de se perdre dans les plis du col de la riche wiva du noble hilare.
— « Pourquoi riez vous ainsi, Ser ? »
Freldo avala bruyamment une bouchée avant de se tourner vers la Matis :
— « Parce que je mange ces fruits comme un Fyros ! Les mains ne se salissent pas quand elles ne font pas le travail des dents disent-ils !»
Corolle se figea un instant, droite comme un dorotea. Elle ne pouvait s'empêcher de regarder les dents du matis qui semblèrent pousser soudain comme celles d'un gingo affamé.
— « Nos botanistes ont depuis longtemps créé des variétés de ces plantes du désert... sans épines. Nous pouvons donc nous enorgueillir de pouvoir manger leurs fruits sans souiller nos mains, ni de leur jus en les mangeant , ni de notre sang en les cueillant... »
— « Et vous Corolle ? Savez-vous goûter ces fruits sans vous souiller ? »
La jeune noble matis regardait Fredo fixement. Son teint de nacre tranchait sur la parok noire qu'elle portait. Un fourreau vide pendait sur sa hanche droite et sa main se portait sans cesse vers lui, signe de sa nervosité et du professionnalisme des gardes de Freldo.
Ce dernier sourit en accompagnant du regard le geste de Corolle vers l'arme absente.
— « Ces fyros...Ils ne sont pas sots...mais à des lieues d'appréhender notre savoir, notre culture, la force de notre civilisation. C'est pourquoi ils nous détestent : parce qu'ils ne nous comprennent pas... Mais vous n'êtes pas venue me parler des barbares, Serae ? N'est ce pas ? »
Corolle sourit en songeant aux paroles de sa mère :
« Une fleur ne s'ouvre que quand elle est prête ! J'ai vu des pétales colorés toute l'année ! C'est la plante qui choisit l'instant, pas la saison... Ne te laisse pas influencer par les aiguillons de l'hiver, les teintes de l'automne, la chaleur de l'été ou les promesses du printemps... Ecorce ! Soit écorce. Mais si ton cœur te dit de t'ouvrir alors déploie tes charmes. Il existe un arbre qui ne fleurit qu'en hiver chez les fyros...Adapte toi, et tu seras forte... »
Corolle souriait...
Elle finit par parler sans émotion.
— « Le Roi est fort mécontent, ses vassaux sont mandés. Aucun noble n'a bougé lors de l'attaque des maraudeurs... Mangez, Freldo, mangez, ces fruits sans épines dont vous vous gavez, les botanistes matis leur ont ôté les piquants, Yrkanis vous privera bientôt de leur douceur... »
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Deux gardes et une porte ouvragée se tenaient entre la Reine Lea et la Chambre royale.— « Navré ma Reine, le Roi nous a donné l'ordre de ne laisser entrer personne. »
— « Mais je suis la Reine ! »
— « Il a demandé que personne n'entre...fut-ce la Reine en personne. »
Lea regarda chacun des gardes dans les yeux, mais aucun ne broncha. Les colères du Roi étaient rares mais elles pouvaient coûter la vie, celles de la Reine étaient courantes sans ne menacer que la prestance. La Reine disparut dans l'ombre du couloir, mais les gardes entendirent le bruissement de sa robe durant une éternité...
Éternité...
Le Roi était assis sur le lit, presque nu, un tatouage éphémère marquait sa poitrine.
Un kirosta rouge agonisant, sous l'étreinte d'une racine verte...un peu estompée, elle ressemblait à une homine cambrée.
Yrkanis tenait un pendentif entre ses doigts et murmurait, fixant une forme évanescente devant lui.
« Jena ! Kainae ! »
Le Roi lança le talisman sur le sol et la forme tressauta avant de se préciser.
Jena ! Jena se tenait là devant le Roi des matis. Assise... les jambes croisées, immobile, elle lui souriait. Lumineuse, irradiant une lumière qui frappa le cœur du fils de Yasson comme le tir de son père marqua l'emplacement de la capitale des matis.
Elle était si belle ! Puissante !
Yrkanis la désirait, suivant chacun de ses gestes, ne s'en lassant jamais...
Chaque jour, le Roi s'enfermait, pour la regarder: Elle, Kainae ! La Déesse...
Nul autre que lui ne l'avait vue et il en retirait une certaine jouissance.
Elle semblait parler vers la fin...Que disait-elle ?
Quelle langue parlait-elle ? Le Mateis ? Chaque soir , Yrkanis, pendu aux lèvres de Jena tentait de le déterminer...
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Le Roi s'était levé tôt.Il portait son armure de bataille. Assis sur le trône, il écoutait depuis plusieurs heures le rapport de ses plus fidèles soldats.
Les maraudeurs s'étaient manifestés, conduits par une certaine Akilia et avaient pénétré les Jardins Majestueux. Peu nombreux cette fois ils avaient poussé loin dans les territoires matis sans être inquiétés. Une poignée certes, mais qui savait ce que l'étrange fyros des Anciennes Terres réservait aux Matis ? Elle avait été repoussée par des réfugiés, des anonymes...
Yrkanis, Roi des Forêts, était en colère. Les Nobles n'avaient pas bougés. Peu étaient présents ce jour là. Siniello Anindi faisait face.
— « Na Karan, je dispose déjà d'un certain nombre d'homins à même de vous servir. Ils l'ont déjà fait à maintes reprises et ils ne reculeront pas devant cette menace ! »
— « Qui sont-ils Ser Anindi ? »
— « Des réfugiés, mon Roi ! »
Alors vous êtes plus perspicace que je ne l'aurais cru, Siniello Anindi ! Faites mander tous les chefs de guildes matis de ces réfugiés le plus vite possible. Dites leur que le Roi les appelle..."
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Chroniques des temps du Roi Yrkanis, par Cuiccio Perinia, Historien Royal