de:Der Weg des Weisen en:The Way of the Sage es:El Camino de los Sabios fr:La voie du Sage


Un jour, au cours d’une discussion avec Be’pock, nous en vînmes à parler de Supplice.
Avec sa permission, je vais vous répèter ce qu’il m’a dit alors, car je pense que cela constitue un beau conte pour cette belle soirée.
J’ai donné un nom à ce conte : « La voie du Sage ».

Supplice, ce Sage zoraï, de quels supplices souffrait-il ? Il ne s’en était jamais ouvertement plaint. Pire, il refoulait toutes ses épreuves derrière un masque impassible. Mais au fond de lui, il savait ce qu’il avait dû surmonter, du moins en partie. Ce n’était pas que des miracles kamis qui l’avaient changé, c’était aussi sa propre volonté. C’était un travail infatigable de maîtrise de soi, une autodiscipline permanente s’appuyant sur celles que lui imposaient sa foi et son peuple, considérant qu’une discipline permet plus de grandir et gagner sans cesse des points d’expérience. C’était parfois fatigant, voire décourageant, alors, il se recueillait, regardait les étoiles, et méditait. Voici à quoi il rêvait.

Il regardait le ciel au-delà de la canopée. Il regardait le ciel la nuit, quand la plus grosse des boules de lumière n’éclairait pas l’Écorce. Alors, le regard et l’âme de Supplice se promenaient parmi les étoiles.

« Et si chaque homin était comme un éclat d’ambre lumineux ? Et si chaque homin avait au fond de lui une lumière, sa vérité. Pas celle du voisin ! Non, la sienne ! Une étoile unique semblable à aucune autre.
« Bien sûr, chaque lumière engendre une ombre qui lui est propre. Bien sûr, aucune de ces étoiles ne peut éclairer seule notre monde. Je le sais, je l’ai découvert au fond de moi et au contact de mes frères. Pourtant, ensemble, elles peuvent créer des constellations, et ces dernières peuvent guider le voyageur perdu.
« J’ai vu tant d’homins avec leur soleil et leur ombre. Je n’étais pas toujours d’accord avec eux, et eux avec moi, mais je savais qu’ils ne se mentaient pas au fond d’eux-mêmes. Je sais. J’ai vécu ça. Sage, on m’a nommé, mais sagement, il m’est arrivé de douter de ma vérité, car parfois quand un nuage passe, ou qu’une autre lumière jaillit, le doute s’installe. Alors, pourquoi jugerais-je les autres homins, même ceux qui me combattent ?
« Je me contente d’être un guide dans la nuit, mais le voyageur, c’est l’autre. Et comme moi aussi je voyage, je regarde aussi les lumières des autres, car elles peuvent m’inspirer pour aller plus loin. Ensemble, nous ferons une belle constellation. »

 

Voilà le souhait secret et le cadeau rêvé de Supplice pour cette fête. Soyons comme les étoiles, petites lumières toujours présentes, même la nuit !
Be’pock, d’où avez-vous tiré ce conte ? lui demandai-je.
Et il me raconta en détail son aventure :

J’étais jeune débutant dans le métier d’acteur, quand ma maîtresse me dit que le Sage Supplice avait besoin de quelqu’un pour l’aider à ranger son appartement. Elle insista en disant que c'était une bonne occasion pour étudier l’âme zoraï. L’appartement du vieux Sage était sobre comme une cellule d’ermite, mais ces cubes d’ambre destinés à ses leçons s’entassaient et méritaient un peu d’organisation pour ne pas s’effondrer et s’éparpiller partout dans la pièce. À la fin du rangement, je découvris une parure de joyaux qui traînait dans un coin. C’était un diadème, et je le tendis à Supplice. Il le regarda un bref instant, puis me le rendit en me disant : « Garde-le en souvenir de moi. » Depuis lors, je l’ai précieusement conservé. Puisqu’il est composé d’ambre, ce bijou avait mémorisé des stances de sa vie comme celle que je vous ai citée. Une autre que je pourrais vous conter est plus intime et concerne son âme profonde. Je sais qu’il ne m’en voudra pas si je dévoile un peu cette partie, car il croit que toute expérience vécue doit être partagée pour dévoiler un chemin à suivre ou à éviter afin qu’émerge une voie meilleure à travers toute jungle à parcourir.

« Je n’aime pas les combats, les fêtes tonitruantes, et toutes ces manifestations qui émeuvent mes frères. J’aime le silence de la solitude. J’aime m’asseoir au pied d’un arbre, souvent un batao, et observer tout ce qui existe. J’aime la lumière qui révèle ce que cache la nuit, mais je n’aime pas être ébloui par une lumière aveuglante qui obscurcit encore plus que la nuit.
« Alors, quand tout est calme autour de moi, je me regarde sentir et penser, pour mieux savoir qui et comment je suis. Je m’imagine au centre de ma pensée et je réfléchis mes émotions sur la face intérieure de mon kwai, pour mieux les comprendre et ainsi mieux les utiliser. »

Sache cependant que ce ne sont là que mes interprétations de ce que j'ai cru comprendre de ce que Supplice avait gravé dans son diadème qui lui-même n'a enregistré qu'une interprétation d'un état d'âme du Sage à un moment donné.

 



Ces paroles du Sage Supplice, recueillies par Be'pock, ont été rapportées par Lutrykin lors de la Veillée des contes d'Atysoël 2621. (HRP : Noël 2022)


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