Chapitre I·XII - Famille

De EncyclopAtys


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XII - Famille
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An 2470 de Jena
« Alors Bélénor, as-tu pu avancer comme tu voulais sur La Guerre Sacrée ces derniers mois ? Tu étais proche du bout, non ? »

Accoudé dos au rebord du bassin circulaire creusé dans l’écorce, le corps à moitié immergé dans l’eau fraîche, Bélénor sentit ses muscles se raidir. Melkiar, assis en tailleur sur l’îlot circulaire, le fixait avec intensité en attendant sa réponse. Il était totalement nu.

« Ça avance, oui. Il ne manque plus que quelques chapitres. Je suis plutôt lent, tu sais… Puis j’ai réécrit beaucoup de choses ces derniers mois.

— Depuis combien d’années travailles-tu sur les aventures du Masque Noir ? Je ne me souviens plus. Le temps file si vite.

— Depuis sept ou huit ans, je crois… Mais c’est sans compter les longs mois de pause, les réécritures et les nouveaux rêves que j’ai fait.

— Oui, bien sûr. Ma question n’était pas une critique, rassure-toi. »

Quittant Bélénor du regard, le Fyros interpella Varran, dont seuls les oreilles et le crâne dénudé émergeaient du bain.

« Sais-tu quand ton frère est censé arriver, Varran ? »

L’imposant Fyros sortit la tête de l’eau et haussa les épaules.

« Il ne devrait pas tarder. Il est allé s'entraîner avec Xynala après le déjeuner.

— Et les autres ? »

Varran jeta un regard à Bélénor qui haussa à son tour les épaules. Melkiar soupira. Tout juste rentré à Fyre quelques jours plus tôt, après une longue absence, le Fyros avait donné rendez-vous aux thermes à ses camarades. En effet, l’Armée Impériale avait été envoyée loin à l’ouest du Désert afin de repousser les tribus fyrosses insoumises, et avait pour l'occasion fait appel à quelques réservistes qualifiés. Si l’Empire Fyros avait de tout temps dû coexister avec ces rebelles, ceux-ci s'étaient montrés particulièrement calmes ces deux dernières décennies. Mais il y a peu, la tribu des Sauvages avait réussi l’exploit d’assujettir plusieurs groupes rivaux, devenant de facto le principal ennemi de l’Empire à l'intérieur même de ses frontières. Voulant marquer le coup, et rappeler aux tribus insoumises sa puissance, l’Empereur Thesop avait décidé d’envoyer ses troupes « discuter » avec les Sauvages. Melkiar étant issu de la tribu des Larmes du Dragon, la plus puissante tribu assujettie à l’Empire installée à l’ouest du Désert, mais aussi la plus grande rivale des Sauvages, on lui avait demandé de rejoindre l’expédition afin de jouer le rôle d’intermédiaire. Le jeune prodige avait accepté sans sourciller l’ordre impérial, qui était pour lui une occasion de revoir sa famille.

Sa famille… Bélénor, silencieux, fixait son ami, désormais debout et en pleine discussion avec Varran. Tous se connaissaient depuis quelques années déjà, et pourtant, Melkiar s’était toujours montré particulièrement secret. Hormis que son père, le célèbre Tigriron, était le chef des Larmes du Dragon, Bélénor ne savait pas grande chose de sa famille. Certes, son ami avait déjà fait allusion à des frères et sœurs. Pour autant, il ne les avait jamais nommés. Il gardait simplement le vague souvenir de la fois où, un peu trop alcoolisé, Melkiar avait mentionné l’existence d’une amie d’enfance originaire de sa tribu, à laquelle il tenait particulièrement. Et s’il avait donné son nom à ses amis, Bélénor l’avait oublié… Un seul nom, donc… De toute évidence, le Fyros n’aimait pas discuter de son enfance, et bien souvent, Bélénor supposa que son silence cachait quelque chose. Durant quelques secondes, il se demanda s’il était avisé de profiter des récentes retrouvailles familiales de Melkiar pour lui poser quelques questions. Mais au même moment, la voix de Tisse Apoan retentit dans les vestiaires adjacents.

« Melkiar ! »

La rouquine, dans le plus simple appareil, arriva en trombe dans la salle, sauta bras en avant par-dessus Varran et attrapa les épaules de Melkiar au vol. Tous deux chutèrent bruyamment dans l’eau et faillirent noyer un Bélénor perdu dans ses pensées. Les poumons pleins d’eau, le Fyros se retourna et attrapa les bords du bassin, bien décidé à éviter la prochaine vague. Mais au même moment, le plafond s’obscurcit. Son cœur s’arrêta lorsqu’il aperçut Garius, les jambes recroquevillées contre son torse, en lévitation au-dessus de l'eau. Le raz-de-marée qui suivit fut terrible et vida une bonne partie du bassin. Si des rires fusèrent, Melkiar, de retour sur son îlot, tenta de garder sa contenance.

« Vous êtes vraiment des enfants. Vous savez à quel point il est irresponsable de gâcher de l’eau, dit-il en essayant de ne pas sourire.

— Oui, vous êtes vraiment des gamins. »

Tous tournèrent la tête. Les jambes légèrement écartées et les mains posées sur ses hanches ciselées, Xynala toisait ses camarades d’un air narquois. Et comme eux, elle était totalement nue.

Plus qu’une norme sociale, l’acceptation de la nudité et la mixité de genre s’inscrivait dans une stratégie politique vieille de presque deux siècles. En effet, avant la fondation de l’Empire en 2275, les Fyros étaient divisés en une multitude de tribus nomades se disputant les territoires les mieux pourvus en eau et en feu. Lorsqu’après une longue campagne militaire, Dyros le Grand, le premier empereur du peuple Fyros, réussit l’exploit d’assujettir un grand nombre de ces tribus, la volonté de les unir conduisit le jeune sharükos à élaborer, avec ses conseillers, les principes connus comme les « Quatre Piliers de l'Empire » qui devinrent bientôt les valeurs partagées par tous les Fyros : la Vérité, l’Honneur, la Discipline et la Justice. Pour autant, Dyros savait qu'une simple devise ne permettrait pas de contenir la fougue de ses nouveaux sujets, plus habitués à voyager et à guerroyer qu’à vivre en paix derrière de gigantesques murailles. Alors, le sharükos misa tout sur l’armée et l’éducation. L’institution militaire naissante serait dorénavant chargée d’éduquer chaque rejeton de l’Empire, afin d’en faire un patriote convaincu d’appartenir à une même et grande famille. Dans les cités naissantes, les parents eurent l’obligation d’envoyer leurs enfants dans des écoles de quartiers, dès que ceux-ci atteignaient l’âge de trois ans. Les tribus assujetties à l’Empire mais non installées en ville reçurent l’appui de commissaires impériaux chargés d’éduquer leurs enfants. Bien sûr, beaucoup de familles vécurent très mal l’intrusion de l’Empire, tant celui-ci tentait d’élever ses lois au-dessus de certaines traditions. Pour autant, l’Empire ne chercha jamais à gommer les coutumes tribales, dès lors que celles-ci ne s’opposaient pas au grand projet impérial. Finalement, lorsque les enfants atteignaient l’âge de sept ans, ils devaient rejoindre une cité hébergeant une antenne de l’Académie Impériale, où tout était mis en place pour les accueillir. Ces enfants, soumis depuis leur tendre enfance à la rigueur militaire, étaient réunis en groupes voués à perdurer plusieurs décennies durant. Tout était fait pour que chaque individu se sente proche de ses camarades et qu’aucun jeune patriote ne soit rejeté. C’est ainsi que, sous l’égide du Pilier de la Vérité, la nudité prit une place importante dans l’éducation du peuple Fyros. Elle permit en effet de désacraliser les différences tout en célébrant leur puissance : l’Empire Fyros devrait son futur glorieux à la combinaison de ses individualités.

Xynala, toujours debout face à ses camarades, lança un regard affectueux à Melkiar. Elle ne l’avait pas revu depuis plusieurs mois, et Bélénor savait à quel point il lui avait manqué. Son bonheur faisait plaisir à voir. Un bonheur qui ne dura pas. Tisse rejoignit Melkiar sur son îlot, l’attrapa par la taille et colla sa poitrine généreuse contre son dos musculeux. Décalant sa tête sur la gauche, elle sourit à Xynala. Celle-ci perdit instantanément son air radieux. Comprenant son affliction, Bélénor tenta de capter son regard. En vain. Quelques longues et silencieuses secondes passèrent, puis Varran prit la parole.

« Bon, Melkiar, tu voulais nous dire quelque chose ? C’est pour ça que tu nous as réunis ici, non ? »

Melkiar se dégagea poliment de l’étreinte de Tisse et posa son regard sur chacun et chacune de ses camarades.

« Oui, c’est exact. Déjà, sachez que je suis content de vous revoir. Ensuite, je voulais vous parler de la situation politique à l’ouest du Désert, et de la grande guerre que mon père mène depuis plusieurs années maintenant contre les Sauvages. L’aide apportée par l’Armée Impériale nous a été d’un grand secours, certes. Pour autant, je pense que cela n’est pas suffisant. Les Sauvages sont plus organisés et puissants que jamais, et aussi bien entraînés soient les soldats de l’Empire, seuls ceux ayant grandi dans cette région sont capables de s'y battre efficacement. Le sol y est très instable, entre les sciures mouvantes et les failles camouflées. Sans compter les gigantesques rafales de vent incandescent tout droit venues des Primes Racines, qui balaient souvent ce territoire inhospitalier. De nombreux soldats ont péri durant notre expédition. De ce fait, sachez que, pour aider l’Empire et ma tribu à vaincre les Sauvages, je prévois de rejoindre ma famille dans…

— Ne pars pas ! »

Toutes et tous sursautèrent au cri du cœur poussé par Bélénor. Le Fyros regarda ses camarades d’un air hébété, puis rougit.

« Pa… Pardon, je… je ne sais pas ce qui m’a pris. »

Melkiar sourit et sauta dans le bassin à moitié vidé. Il se rapprocha de Bélénor, le serra dans ses bras et lui donna une petite tape amicale dans le dos.

« … dans quelques années, Bélénor. »

Cramoisi, le Fyros était incapable de savoir si les émotions qui le traversaient étaient liées à la gêne qu’il avait ressentie quelques secondes plus tôt ou au contact du corps nu de Melkiar. Par chance, l’attention du groupe se porta rapidement sur autre chose. On entendit détaler à toute vitesse dans le couloir menant au vestiaire, puis un cri et un craquement. Le « Aïe » qui jaillit alors fut suivi de quelques bruits de pas et d’une espèce de long frottement. C’est en glissade sur les genoux, bras écartés et anatomie exposée, que Brandille s’élança dans la salle du bassin. L’acrobate rayonnait d’allégresse.

« Oyez, oyez, amis et ami-euh ! Brandille a une nouvelle incroyable à vous annoncer ! »

Garius et Varran s'esclaffèrent et Tisse leva les yeux au plafond. Seuls Xynala, Melkiar et Bélénor semblaient réellement attendre la suite.

« Alors, alors ! Voulez-vous savoir ? Mettez-y un peu plus d’entrain, voyons !

— On t’écoute Brandille. Qu’est-ce que tu as à nous dire ? Je ne suis pas très patient, tu sais.

— Ah ! Alors je ne vais pas te faire languir plus longtemps, cher Melkiar ! »

À ces mots, Brandille s’arrêta quelques secondes. Melkiar fronça les sourcils, l’acrobate ouvrit grand ses yeux mauves, les deux camarades échangèrent un regard, et finalement, la nouvelle tomba.

« Le sharükos Thesop s’est fait assassiner ! »

Ainsi, ce ne fut plus seulement Bélénor qui poussa un cri du cœur, mais toute la bande.

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Et effectivement, l’Empereur Thesop s’était fait assassiner. Bien que le meurtre ait eu lieu à l’Agora en pleine séance publique, personne ne réussit à se saisir de l’assassin. Nul des présents n'avait su non plus expliquer comment cette personne vêtue de noir était parvenue à passer sans encombre la garde impériale pour trancher la tête du sharükos. Pourtant, pour beaucoup, il ne fallait pas chercher bien loin : tout le monde souhaitait la mort de Thesop. Depuis longtemps déjà, beaucoup suspectaient que le duel héroïque qui avait opposé Thesop le Bâtisseur au tyrannique Empereur Pyto, quarante-deux ans auparavant, n’était qu’une fable. Une propagande visant à cacher que Thesop avait en réalité tué son frère, et peut-être même leur père. Le plus surprenant dans cette histoire restait donc la longueur du règne du tyran. Comment Thesop avait-il pu se maintenir au pouvoir si longtemps, malgré les rumeurs et le sens de la justice exacerbé des Fyros ? Là résidait le principal mystère. Un mystère non résolu qui n'empêcha pas les citoyens de Fyre de jeter la dépouille de Thesop aux gingos. Dans la foulée, son nom fut effacé du Sanctuaire. Ainsi donc s’achevait le règne de Thesop le Fratricide, fils cadet d’Abylus l’Érudit et onzième sharükos du peuple Fyros. Thesop n’ayant pas eu de descendance, la couronne revenait à Krospas, le fils unique de Pyto. Âgé de dix ans lorsque son père mourut, Krospas avait passé son existence auprès de son oncle, qui ne voyait en lui qu’un outil de propagande. Aujourd’hui âgé de cinquante ans, l’Empereur légitime allait donc pouvoir reprendre son dû. En attendant son couronnement, qui n’aurait pas lieu avant plusieurs jours, les généraux de l’armée décrétèrent une grande fête nationale. Et quelques heures plus tard, la liqueur de shooki coulait déjà à flots dans les rues de Fyre.

C’est dans leur taverne préférée, située sur la Place Arispotle, que la bande de jeunes adultes se réunit en début de soirée. La place, déjà bondée en temps normal, débordait de fêtards et de badauds. Les senteurs épicées de Fyre se mélangeaient aux effluves de sueurs et aux émanations d’alcool, et le brouhaha de la foule se mêlait aux compositions festives des musiciens de rue. Bélénor, pourtant connu pour sa ponctualité, arriva plusieurs dizaines de minutes après l’heure convenue. L’air renfrogné qu’il présenta à ses camarades tranchait avec l’atmosphère jubilatoire de la cité. Varran, déjà un peu ivre, interpella le retardataire.

« Ben alors Bélénor, tu fais la gueule ? Tu vas pas me dire que t’es triste pour Thesop ? »

Brandille fit de la place à son ami qui s’affala sur le banc.

« Non, ce n’est pas ça… Ce sont mes parents. Enfin, mon père. Je crois qu’il trafiquait avec les plus proches conseillers de Thesop. Il a peur des représailles et veut qu’on déménage à Coriolis… »

Le Fyros passa ses mains dans ses cheveux acajou et posa son front contre la table.

« Finalement, c’est peut-être moi qui vais partir Melkiar… Qu’on m’apporte une shookie. »

Autour de la table, toutes et tous s’échangèrent de silencieux coups d'œil. Xynala fit signe au tavernier et Melkiar se pencha par-dessus la table pour poser une main affectueuse sur l’épaule de son camarade.

« Et ta mère, Bélénor ? Est-elle d’accord ?

— Non, elle souhaite qu’on reste, même si je la sens elle aussi inquiète, marmonna le Fyros entre ses doigts. Je m’en fiche qu’ils partent, tant qu’ils me laissent les clés et que Penala reste à mes côtés. Mais je ne veux pas partir… »

À ces mots, un brusque impact fit trembler la table. Toutes et tous se tournèrent alors vers Garius, dont le poing massif venait de laisser une empreinte dans le bois jauni. Le visage du Fyros était cramoisi de colère et d'épaisses veines marquaient désormais son crâne lisse.

« Hey Bélénor, je commence à peine à t'apprécier, alors tu vas me faire le plaisir de ne pas laisser ton père tout gâcher, d’accord ? On le déteste déjà assez comme ça. »

Bélénor regarda Garius d’un air ahuri. Il l’appréciait ? Il était vrai que leur relation avait beaucoup évolué depuis leurs premières bagarres. Pour autant, Garius n’avait jusqu’alors jamais verbalisé leur amitié. Le colosse lui sourit et Bélénor rougit légèrement. Au même moment, un serveur arriva avec un plateau portant sept pintes bien remplies.

« Souriez les jeunes ! Toi, surtout ! dit-il en pointant Bélénor de sa main libre. Aujourd’hui est un grand jour, on réfléchira à nos soucis demain ! »

Ragaillardis, les sept camarades attrapèrent une pinte, trinquèrent, et commencèrent à boire. En cette étrange journée, la shookie était particulièrement bonne. Xynala, qui venait de vider sa chope cul sec, s’affaissa légèrement contre l’épaule droite de Melkiar, à côté duquel elle était assise. D'ordinaire peu apprêtée, la Fyrosse portait une jolie combinaison rouge et s’était coiffée de plusieurs tresses mettant en valeur les reflets nacrés de sa chevelure blonde.

« De quoi parlait-on, déjà ? questionna-t-elle en jouant lascivement avec ses cheveux. Ah oui, de l’assassinat. On a plusieurs théories Bélénor. Tisse imaginait que l’assassin pouvait être un simple patriote pytoïste en colère. Je trouve ce raisonnement trop simpliste. Melkiar, à l’inverse de Tisse, à une théorie plus élaborée. N’est-ce pas Melkiar ? »

Tisse, assise à la gauche de Melkiar, fronça les sourcils, irritée autant par le ton de Xynala que par son soudain rapprochement du Fyros. Tout aussi bien apprêtée que sa camarade, elle portait pour sa part une longue robe verte rappelant la couleur de ses yeux, et dont le large décolleté était mis en valeur par sa longue chevelure rousse, reposant voluptueusement sur ses épaules. Vexée, Tisse termina sa pinte en quelques gorgées.

« Je ne crois pas que ma théorie soit plus consistante que celle de Tisse, Xynala, répondit Melkiar. De plus, les théories les plus simples sont souvent les meilleures. Je me suis demandé si l’assassin pouvait être un espion du Royaume de Matia. Nous connaissons la rivalité séculaire qui oppose le peuple Fyros au peuple Matis. Pour autant, cela fait plus de quarante ans que la Guerre de l’Aqueduc est terminée. Alors pourquoi maintenant ? Tout le monde a remarqué que ces derniers mois, Thesop avait perdu beaucoup en majesté et en férocité. Comme si quelque chose lui était arrivé. Ou comme s’il se sentait traqué. D’où l’idée de l’assassin matis. »

Heureuse du soutien apporté par Melkiar, Tisse s’affaissa elle aussi contre lui. L’alcool aidant, elle osa même poser sa main contre la cuisse dénudée du Fyros, qui pour toute réaction, termina sa pinte cul sec. Un voile sombre recouvrit aussitôt le visage de Xynala, qui se redressa et rompit le contact avec Melkiar. Bélénor croisa son regard et tenta de lui envoyer un sourire réconfortant. En vain.

« Avez-vous déjà rencontré un agent de la Karavan ? » répliqua Brandille sans prévenir.

Cette fois-ci, toutes et tous se tournèrent vers l'acrobate. Depuis le début de la conversation, Brandille semblait avoir la tête ailleurs. Melkiar, qui commençait à être ivre, laissa échapper un rire.

« Quel rapport avec Thesop, Brandille ?

— Tout et rien à la fois ! En réalité, d’aussi loin que je me souvienne, Thesop a toujours dégagé une aura étrange. À la fois terrifiante et fascinante. Une aura surnaturelle qui me rappelait celle des agents de la Karavan.

— Tu penses que Thesop était un agent de la Karavan ? ironisa Melkiar.

— Oh, moi je ne pense rien, tu sais. Je sème simplement des idées aux quatre vents… Des idées et de la pagaille, répondit Brandille d’un air narquois.

— Ce que Brandille voulait dire, je pense, c’est que Thesop pouvait être lié à la Karavan, continua Bélénor. Et qu’il bénéficiait peut-être de leurs étranges pouvoirs. Après tout, il ne serait pas étonnant que la Karavan fasse de l’ingérence… Ce ne serait pas la première fois.

— Et donc, la Karavan aurait aidé Thesop à se maintenir au pouvoir durant toutes ces années, pour finalement le laisser en pâture à son peuple ? » interrogea Varran.

Melkiar, qui avait à son tour posé sa main sur la cuisse de Tisse, tapa de son poing libre sur la table.

« Je les déteste ! Pour qui se prennent-ils ? Pour te répondre Brandille, oui, j’ai déjà rencontré des agents. Un jour, lorsque j'étais encore enfant, la Karavan s’est présentée à ma tribu. Je me souviens parfaitement de ce matin de tempête, où trois ombres descendirent du ciel orangé les mains pleines de cadeaux et les discours pleins de promesses. Je me souviens de leurs voix monocordes. Froides. Comme mortes. Comme si leurs casques noirs et épais étouffaient toute trace de vie. Ils nous ont proposé ressources et protection. En échange, nous n’avions qu'à suivre les commandements de Jena. Ils ne demandaient rien de plus. Bien sûr, mon père refusa. Enfin, il essaya… En vérité, cela ne fut pas vraiment acquis. Car oui, je me souviens de l’étrange pression psychique qu’ils ont exercée. Je me souviens du regard hésitant et désorienté de mon père. Heureusement que ma mère était là en soutien. Lorsque mon père refusa finalement, beaucoup des miens crurent à notre fin : l’un des agents, plus insistant que les autres, nous menaça de représailles. Mais mes parents tinrent bon, et en fin de compte, les trois étrangers s’élevèrent dans les cieux et repartirent vers là d'où ils étaient venus. Je déteste la Karavan, autant que les Kamis… Ils se prennent pour nos maîtres… Et cela durera, tant que nous continuerons à les nommer « Puissances » ! Car aussi longtemps que les homins s’enchaîneront à eux, aussi longtemps ils resteront des esclaves à leurs yeux ! Moi, j’ai déjà fait mon choix, ce jour-là : plutôt mourir libre que de vivre asservi ! »

Bélénor, qui commençait lui aussi à être alcoolisé, ne laissa pas passer la remarque de Melkiar.

« Melkiar, tu ne peux pas comparer la Karavan aux Kamis ! Les Kamis font partie intégrante d’Atys, ils en sont les gardiens. La Karavan, à l’inverse, veut s’approprier Atys.

— S’ils sont si différents, alors pourquoi les uns comme les autres se disent-ils envoyés de Jena ? Je sais que tu t’es épris des Kamis, Bélénor, mais rends-toi à l’évidence : les « Puissances » ne sont que les deux faces d’une même pièce.

— C’est faux Melkiar. Certains érudits s’accordent à dire que la Karavan est étrangère à Atys, et que…

— C’est ça ton argument, Bélénor ? coupa Melkiar en haussant le ton. Le caractère endémique des Kamis ferait d’eux des « gentils gardiens » ? Les gardiens d’une prison nommée Atys ? Un jour ou l’autre, nous devrons mener la « Guerre Sacrée », asséna Melkiar sur un ton sarcastique. Mais pas celle que tu as imaginée, Bélénor. La seule qui vaille : celle qui permettra à l’hominité de briser ses chaînes ! »

Piqué au vif, Bélénor s'apprêta à répliquer. Mais Brandille intervint à nouveau sans prévenir.

« Avez-vous déjà rencontré un ou une Zoraï ? »

Bélénor regarda Brandille, interloqué. Puis son amie pointa en direction du coin opposé de la taverne.

« Là-bas. »

Bélénor tourna la tête, et, la gorge pleine de shookie, manqua de s'étouffer. Un membre du peuple Zoraï était en effet attablé au comptoir, dos à eux.

« Énor, allons lui parler ! »

Sans attendre, Brandille attrapa Bélénor par la main et le tira en direction de l’inconnu. Le Fyros se laissa faire, bien que paniqué à l’idée de rencontrer un Zoraï. S’il lui était déjà arrivé d’en croiser quelques rares fois dans les rues de Fyre, il n’avait jamais eu l’occasion de discuter avec l’un d’eux en tête-à-tête. C’était d’ailleurs le cas de la grande majorité des Fyros. En effet, il était souvent difficile d’approcher le peuple Zoraï, devenu particulièrement isolationniste avec le temps. On racontait que les Zoraïs n’avaient jamais pardonné aux armées fyrosses d’avoir assiégé Zoran sur un malentendu, en 2328, croyant que la Théocratie était l’alliée du Royaume de Matia. Il faut dire que la Grande Bibliothèque de Zoran, à l’époque composée de plusieurs milliers de volumes traitant en grande majorité des Kamis, avait été entièrement détruite par l’artillerie fyrosse… Cette erreur militaire avait convaincu la Théocratie d’étendre la construction de sa Grande Muraille à toutes les frontières de la Jungle. Une Grande Muraille que les Zoraïs refusèrent d’ouvrir aux réfugiés Trykers lorsque le Royaume de Matia envahit Trykoth trente-cinq ans auparavant et réduisit en esclavage le peuple des Lacs. De quoi rendre méfiants beaucoup d’homins à l’égard des Zoraïs, donc… Bélénor, pour sa part, était bien loin de ces considérations, et souhaitait ardemment une telle rencontre. Tant qu’il en avait développé une forme de frustration. Car, à force d'écrire sur un peuple dont il n'avait jamais réellement rencontré de représentant, il craignait que sa fascination soit excessive, qu'elle confine au fétichisme racial. Lorsque les deux camarades arrivèrent au niveau du comptoir, ils comprirent que l’individu était en réalité une homine. Accoudée au bar, la Zoraï était en train de boire une soupe à l’aide d’une étrange paille. Instantanément, Bélénor tomba de passion pour sa peau bleue, mais surtout pour son masque. De forme allongée et aux cornes asymétriques, il était aussi totalement blanc. Si le Fyros était fasciné par sa forme et sa couleur, un détail l'intriguait plus que tout : sa texture. En cet instant, il aurait tout donné pour passer ses doigts sur ce visage osseux, que l'on disait être chaud et doux. Toucher ce cadeau sacré des Kamis, dont le peuple Zoraï était l’unique et chanceux propriétaire. Comprenant que son ami ne prendrait pas la parole de lui-même, Brandille prit son plus beau matéis et interpella la Zoraï. Car, si rien n'assurait qu’elle parle correctement le fyrk, la langue fyrosse, il était rare que les voyageurs ne maîtrisent pas le matéis.

« Bonjour, et désolés de vous déranger. Nous ne sommes pas habitués à croiser des Zoraïs, ici à Fyre. Nous étions donc curieux de vous rencontrer. Auriez-vous du temps à nous accorder ? »

La Zoraï baissa la tête en direction des deux jeunes et pencha son masque sur le côté. Du haut de son mètre quarante, Brandille semblait minuscule face au mètre quatre-vingt-dix de l’étrangère. Bélénor grimaça, certain que son amie avait été trop brusque. Son incapacité à lire les expressions faciales de son interlocutrice au visage osseux ne faisait d’ailleurs qu’accentuer son angoisse. Mais contre toute attente, la Zoraï retira la paille de la fente labiale de son masque et répondit en matéis.

« Bonjour. Les Fyros et les Trykers sont définitivement bien curieux. Que puis-je faire pour vous ? »

Sans plus de réserve, Brandille grimpa sur le tabouret situé à droite de la Zoraï. Bélénor, hésitant, resta debout. En temps normal, il aurait probablement fui. Mais c’était compter sans les effets désinhibants de l’alcool.

« Merci beaucoup ! Voyez-vous, mon ami ici présent est en train de finir l’écriture d’une histoire mettant en scène des Zoraïs. Pourtant, il n’a jamais rencontré l’un ou l'une des vôtres. J’imaginais que vous pourriez l’aider à rendre son récit plus crédible. Mais vous êtes certainement très occupée ! D’ailleurs, que faites-vous à Fyre ?

— Je suis en mission commerciale, répondit la Zoraï en rangeant sa paille dans la petite sacoche qui flanquait sa cuisse gauche. J'achète des matières premières nécessaires à la fabrication de bijoux protégeant de la magie. Je suis notamment à la recherche de sabots appartenant à ces rendors particulièrement rares, que l’on dit se cacher dans vos régions désertiques… Mais l’assassinat du sharükos change beaucoup de choses, et malheureusement, je vais devoir repartir d’ici peu. Un récit sur mon peuple, donc ? Intéressant. Je vous écoute, jeune Fyros. Quelles questions souhaitez-vous me poser ? »

Fidèle à lui-même, Bélénor rougit. Il était fasciné par le masque de son interlocutrice, qui semblait doté d’une légère flexibilité au niveau de la mâchoire.

« M… Merci de nous accorder un peu de votre temps. À vrai dire, je n’ai pas de questions précises. Je n’avais pas prévu de rencontrer un membre de votre peuple aujourd’hui… Je… Je suis assez pris au dépourvu.

— Alors parlez-moi de l’histoire que vous écrivez, répondit calmement la Zorai. Et je vous dirai ce qu’elle m’inspire.

— Ah… Heu… D’accord. C’est l’histoire d’un Zoraï originaire d’une tribu adoratrice des Kamis, mais réfutant l’idée que Jena soit le Kami Suprême. Une tribu farouchement opposée à la Karavan, qui décide un jour de lancer une grande expédition afin de prêcher la bonne parole et combattre les suppôts de la Karavan. C’est ce qu’ils appellent la « Guerre Sacrée ».

— Ah ? C’est original. Et qui serait donc le Kami Suprême ? questionna la Zoraï en croisant ses doigts.

— Le… Le Kami Suprême serait Atys elle-même. Ou plutôt son cœur. Je me suis inspiré d’un rêve que j’ai fait, où chaque Kami était en réalité le fragment d’une entité gigantesque terrée au centre d’Atys. Jena serait… une usurpatrice.

— Une vision intéressante, quoique très hérétique. Heureusement pour vous, les Sages de Zoran se situent bien loin de Fyre. Je vous répondrai simplement qu’il existe dans la Jungle quelques tribus aux croyances païennes, comme cela est probablement le cas dans le Désert. En ça, votre invention est cohérente. »

Le visage de Bélénor s’illumina. Ce simple commentaire revêtait pour lui une grande importance. La Zoraï continua.

« Je présume que la tribu que vous avez imaginée possède des particularités culturelles, en lien avec cette croyance hérétique ?

— Oui, tout à fait ! répondit Bélénor, désormais très enthousiaste. J’ai essayé de respecter au mieux ce que je savais de la culture de votre peuple, tout en inventant certaines choses. Par exemple, je sais que les Zoraï peignent parfois leurs masques. J’ai imaginé que cette tribu n’utilisait pas de peinture, mais des tatouages.

— Des tatouages ?! Quelle horreur. Blesser volontairement son masque est une grave offense aux Kamis. Sans compter la terrible douleur associée…

— Oui, j’en ai totalement conscience. Mais cette tribu pratiquerait justement des rites hérétiques hors norme, pour la plupart très douloureux. Chaque tatouage ajouté sur le masque serait par exemple un rite de passage honorifique. L’honneur ultime serait représenté par un tatouage intégral, celui du chef de la tribu, le Masque Noir. »

Le tabouret de Brandille bascula et Bélénor prévint de justesse la chute de son amie. La Zoraï s’était brusquement levée, sans raison apparente, et se dirigeait désormais vers la sortie d’un pas résolu. Brandille, à présent debout sur le siège branlant, haussa le ton.

« Hé ! Mais ça ne va pas ?! Qu’est-ce qui vous prend ? Je…

— Non Brandille. C’est bon. Laisse-la, s’il te plaît », l’interrompit Bélénor en lui attrapant la main.

L’équilibriste, qui s’apprêtait à renchérir, jeta un coup d'œil à son ami. Il était livide. Si Bélénor comprenait la colère de Brandille, lui seul avait pu apercevoir le regard de la Zoraï derrière les interstices de son masque. Alors qu’il faisait mention du Masque Noir, ses yeux s’étaient remplis de peur. Et s’il ne comprenait pas le pourquoi d’une telle réaction, sa plus grande interrogation n’était pas là. Car à cet instant précis, la main serrée autour du poignet de Brandille, Bélénor désirait une seule et unique chose : ne pas se confronter davantage à son interlocutrice. Il était pris d’un désir inhabituel et dérangeant. Celui de ne pas vouloir en savoir plus. Celui d’oublier, à tout jamais, cet étrange et angoissant moment, et tout son potentiel de signification. Par chance, ses camarades lui donnèrent l’occasion de passer à autre chose : Xynala venait de se lever brusquement, renversant au passage les pintes que Bélénor et Brandille avaient oubliées, et s’était précipitée vers la sortie tête baissée. Autour de la table, seuls Varran et Garius semblaient se préoccuper du départ brutal de leur amie. Melkiar et Tisse, quant à eux, étaient trop occupés à s’embrasser. Sans attendre, Bélénor s’élança en direction de la porte. Il était suivi de près par Brandille et par l’ombre de ses doutes.

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Malgré la densité de la foule, Bélénor réussit à ne pas perdre de vue Xynala. Pour autant, il dut attendre qu’ils s’éloignent des lieux de vie pour parvenir à la rattraper. Lorsqu’il arriva finalement à son niveau, à l’intersection d’une petite ruelle calme et isolée, Xynala se retourna instantanément et se jeta dans ses bras. Elle était en pleurs. À l’écart, Brandille s’assit sur un banc creusé dans une paroi d’écorce et observa ses deux amis.

« Bé… Bélénor… comment fais-tu ? Tu… Tu sembles si serein… Alors que moi… moi, je n’y arrive plus. Je pensais que ces quelques mois d’absence me permettraient de changer ma manière de le regarder, mais… mais non. C’est même l’inverse, je… je l’aime plus que jamais. Et puis Tisse… Je… Je déteste ressentir toute cette animosité, cette… cette jalousie. J'aimerais tellement passer à autre chose Bélénor. Et j’ai si peur de ne jamais y réussir… Aide-moi, je t’en prie ! »

Bélénor serra fort Xynala contre lui. Il pouvait sentir le contour de ses muscles au travers de ses vêtements. Il n’aurait jamais cru voir un jour son amie dans un tel état de détresse. Elle qui était d’ordinaire si forte. Si déterminée. Si combative. Une bouffée d’émotion le submergea et il sentit les larmes monter. Non. Il ne devait pas laisser ses émotions prendre le dessus. Pas maintenant. Ce n’est pas de ça dont Xynala avait besoin.

« Je comprends totalement ce que tu ressens Xynala, crois-moi. Et si je te semble si serein vis-à-vis de Melkiar et Tisse, c’est simplement qu’à l’inverse de toi, j’ai toujours su que je n’avais aucune chance. Melkiar aime les homines. J’aime les homins. Aussi cruelle soit cette réalité, elle a eu le mérite de m’empêcher d’espérer.

— Je suis désolée pour toi Bélénor… Je n’ai pas été assez présente lorsque tu allais mal.

— Ne t’excuse pas Xynala ! Je vais bien désormais, et notamment grâce à vous. Maintenant, je veux que tu saches que je suis là pour toi. Aussi, je veux que tu comprennes que ce que tu ressens aujourd’hui passera, tôt ou tard.

— Comment peux-tu en être certain ? questionna Xynala entre deux sanglots.

— Car tout passe, Xynala. La douleur et les épisodes compliqués. L’amour et les bons moments. »

À ces mots, Xynala resserra son emprise.

« Non Bélénor, l’amitié qui nous unit toutes et tous est éternelle, je le sais. Nous formons une grande famille.

— Je ne crois pas Xynala, répondit le Fyros en lui caressant tendrement les cheveux. Un jour, nous ne serons plus amis, c’est une certitude. Les potentielles raisons sont nombreuses : divergences idéologiques, lassitude, éloignement physique, ou tout simplement la mort. Tout passe Xynala. Tout… Désolé, je ne suis pas le meilleur en réconfort. Ce que j’essaie de te dire, c’est simplement que tu iras mieux, bientôt, et quoi qu’il advienne. Ainsi va la vie. Ainsi va le temps. »

La Fyrosse desserra son étreinte et se redressa. Si ses yeux étaient toujours embués de larmes, son accès de tristesse semblait être passé.

« Tu crois que toi et moi tomberons un jour amoureux d’un homin qui ressentira la même chose pour nous ?

— Oui, j’en suis quasiment certain. Toi et moi vivrons l’amour. Un amour tout aussi transitoire que le reste.

— Comment peux-tu rester aussi pragmatique, Bélénor ? répondit la Fyrosse en se frottant les yeux.

— C’est Brandille. À force de traîner avec elle, je vois le monde avec philosophie, répliqua-t-il sur un ton ironique.

— D’ailleurs, où est-il ? »

Bélénor se retourna. Brandille avait en effet disparu.

« Je ne sais pas. Je te l’ai dit, tout passe Xynala. Tout. Même Brandille. Ou plutôt, surtout Brandille. Car Brandille est la définition même du changement. De la vitalité. Tu ne crois pas ? »

Pour toute réponse, Xynala sourit et embrassa Bélénor sur la joue. Elle l’attrapa par la main et tous deux repartirent en direction de la taverne. Elle allait mieux. Bélénor sourit à son tour. Finalement, il n’était pas si mauvais que ça en réconfort.

Bélénor Nébius, narrateur