Trois semaines ! Trois semaines avaient passé, et toujours aucune nouvelle !
Mais même avant cela, Orphie avait semblé… différente. Perdue dans ses réflexions, ne quittant pas son bureau. Elle n'avait autorisé que quelques visites dont une ou deux d'homins inconnus.
Et quand elle avait fini par en sortir, ç'avait été pour demander qu'on lui prépare de quoi partir dans la kitinière du Bois d'Almati. Seule.
Apocamus avait tempêté, crié, raisonné, cajolé, essayant par la force et la douceur de la convaincre de ne pas entreprendre seule un tel voyage. Mais elle avait eu le dernier mot et désigné Melga Folgore pour la remplacer durant son absence qui, avait-elle assuré, ne se prolongerait pas au-delà de deux semaines.
Et trois semaines avaient passé.
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Extraits du journal de Melga Folgore, jamais publiés[3]
- Winderly 16, CA2 2612
Apocamus est inconsolable. Il assure toujours correctement ses fonctions d'Instructeur, mais il est plus sévère et exigeant qu'auparavant avec les équipes qu'il entraîne.
Orphie… Orphie, mais pourquoi a-t-il fallu que tu y ailles, et seule en plus ? Pourquoi t'intéresser à Tepsen ? Parce qu'on a retrouvé son cube d'ambre dans la kitinière ? Si j'avais été au courant, je t'aurais retenue. Pardonne moi.
Tu as laissé un grand vide, et l'ambiance est morose dans le camp. Les Rangers accusent le coup, moi le premier.
- Winderly 22, CA2 2612
Aujourd'hui, nous avons reçu Daeronn Cegrips venu nous faire part de ses conclusions après premières analyses du dard de kirosta trouvé près du corps sans vie d'Orphie. Bien évidemment, il affirme qu'aucun kitin d'une telle noirceur n'a jamais été vu sur Atys, que ce soit sur ou sous l'Écorce.
Certains Rangers veulent retourner dans les profondeurs de la kitinière à la recherche du kitin que ce dard armait. J'ai beau leur dire que, son sceau Ranger de premier ordre n'ayant pas suffi à protéger Orphie, ils ne savent donc pas ce qui les attend, ils persistent dans leur volonté d'y aller voir. C'est pure folie : une telle recherche aboutira seulement à nous faire déplorer d'autres morts. Je suis fatigué de tout cela.
- Winderly 25, CA2 2612
Les affaires courantes se sont accumulées. Orphie les avait un peu négligées pour s'adonner à ses recherches. J'ai beaucoup à faire.
“Contexte
Fragment trouvé dans la kitinière du Bois d'Almati, à coté du corps sans vie d'Orphie Dradius.Analyse
Un œil averti reconnaîtra rapidement dans ce fragment un tronçon fuselé de l'abdomen d'un kirosta, caractérisé par une terminaison bifide composée d'un cornicule et d'un dard.
L'abdomen d'un kirosta est constitué de quatre segments :
- premier segment, relié au thorax, ascendant ;
- second segment, positionné verticalement, descendant et très étranglé à sa jonction avec le troisième ;
- troisième et quatrième segments, horizontaux, dardés entre ses longues pattes par l'insecte.
Le fragment comporte les segments 2 à 4, ainsi que les appendices au complet. Il s'agit donc d'un abdomen qui a été tranché entre les deux premiers segments. La taille de l'abdomen est relativement modeste pour un kirosta, entre celles des abdomens des kirostas « irrités » et « enragés ».
La couleur de l'échantillon est totalement singulière et fascinante, d'un noir qui ne réfléchit aucune lumière, émettant seulement ça et là des lueurs vermillion formant taches ou lignes, selon l'angle d'observation. Cette couleur n'a jamais été observée jusqu'alors, sauf peut être chez les varinx indigènes des Primes Racines ou les gibbaïs.
Hypothèse première : ce kirosta serait un spécimen mutant, sélectionné par sa ruche pour sa couleur favorisant le camouflage dans les lieux sombres.Décomposition accélérée
Trois jours après avoir été rapporté à l'Académie, le fragment a commencé à dégager une odeur très nauséabonde et des moisissures noires se sont formées à la surface de la chitine. Après cinq jours son état s'était encore dégradé : la chitine était désormais molle. Aussi ai-je ordonné le tronçonnage de l'échantillon en trois parties (les trois segments) et la stabilisation de chacune en l'état dans une stance de Daïsha [4]. J'ai en outre prélevé quelques échantillons de moisissures aux fins d'analyses ultérieures.
Hypothèse seconde : ce kirosta serait un spécimen malade, atteint par un agent pathogène puissant entraînant une nécrose sévère.Conclusion
Cette dernière hypothèse m'a semblé, vu la rapidité de la dégradation, la plus plausible. Mais c'est aussi la plus prometteuse : l'identification du pathogène en question pourrait en effet s'avérer décisive dans la lutte des Homins contre les populations kitines. C'est pourquoi une nouvelle étude a d'ores et déjà été lancée pour, à l'aide des échantillons prélevés, retrouver sa trace dans la nature.
Daeronn Cegrips,
Maître de la Chaire de la Connaissance
Entomologiste