La réponse à la question d'un Prince

De EncyclopAtys

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Il y a parfois des questions simples qui vous traversent sans trouver de réponse et qui hantent votre esprit longtemps avant que vous ne puissiez vous en défaire. Je dois l'une d'elle au Prince Yrkanis dont la naïveté de ses jeunes années su tenir en échec mon savoir botanique.

Le Prince ne comptait alors pas plus d'années que je n'ai de doigts, et son père avait fait de moi son précepteur en même temps que l'architecte organique de son Royaume. Le souvenir de cet après-midi-là m'apparait clairement, et je me revois encore, penché sur une jeune pousse de la serre que mes arrosages réguliers ne semblaient pas rassasier.

Le cou étiré, en équilibre sur la pointe de ses pieds, Yrkanis observait la Rotoa qui poussait dans un angle de la pièce. Liria et moi tentions alors d'acclimater sans succès ces plantes aux frondaisons de la forêt, et l'une d'elle résistait un peu mieux que les autres.

« Elle n'a pas de feuilles ? »

A peine distrait de mes interrogations botaniques, je gagnai machinalement du temps :

« Hmm ? »
« La Rotoa. Elle n'a pas de feuilles ? », reprit le jeune garçon.

Sans relever la tête de mon travail, je crois avoir répondu :

« C'est une plante qui pousse dans les Primes Racines. Elle ne sait pas capter la lumière, donc elle n'a pas besoin de feuilles. »
« Ah. »

Sous mes mains, les petites feuilles de l'irena craquaient, desséchées comme au soleil du Désert Ardent, et malgré le petit lac formé à ses pieds.

« Et les fleurs, elles se mangent ? »
« Les fleurs ? Non. Elles sentent bon. Personne ne mange ces fleurs, certains disent même qu'elles seraient toxiques. »
« Et c'est vrai ? »
« Non, je ne crois pas. »

Le Prince réfléchit un instant puis reprit :

« Et les armas, ils mangent les fleurs de Rotoa ? »
« Ni les armas, ni aucun autre. Elles ne sont pas comestibles et vous seriez malade mon Prince. » Dis-je un peu abruptement, ma patience s'érodant. »
« Alors les épines, à quoi servent-elles ? »

Muni d'un petit couteau, je retournais l'humus autour de la jeune pousse qui refusait de s'abreuver, afin de mieux faire pénétrer l'eau jusqu'à ses racines. Le temps pressait, plus une seule feuille du petit arbuste n'arborait de vert, remplacé par un jaune terne de mauvais augure.

« Si personne ne veut manger les fleurs, à quoi servent les épines ? », reprit-il.
« Les Rotoas n'ont pas d'épines mon Prince. Et je dois vraiment me concentrer sur ce... »
« Si elles en ont ! Celle-là en a. Là. »

A présent totalement déconcentré et intrigué, je me levai pour rejoindre le jeune Yrkanis. De son petit doigt tendu, il grattait la terre autour de l'une des racines. Cachées sous l'humus, de petites excroissances pointues défendaient les ramifications souterraines de la plante ; et je m'étonnai de ne jamais y avoir prêté attention.

L'enfant se tut un moment, plongé dans ses réflexions et dans son observation de la Rotoa, avant de reprendre d'un ton décidé :

« De toute façon, ce n'est pas logique : personne ne pourrait attaquer depuis le sol, le danger vient toujours d'au-dessus. »
« C'est tout à fait vrai. »
« Mais alors, les épines, à quoi servent-elles ? »

Debout auprès de l'enfant, je contemplai cette curieuse plante un moment, avant de répondre, vaincu :

« Je ne sais pas. Je n'en ai aucune idée mon Prince. »
« Ah. » Répondit Yrkanis, avant d'aller s'intéresser à une autre des protégées de la serre. »

Si le Prince sembla se satisfaire de ma réponse, ce ne fut pas mon cas. Cette question continua de me suivre des années durant et mes connaissances furent longtemps mises en échec par ces petites épines qui ne semblaient servir à rien.

Notes personnelles en matière de botanique et d'horticulture, par Lenardi Bravichi entre 2487 et 2491.