C Le mektoub qui pleurait

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C Le mektoub qui pleurait
Révisé le 2015-04-15
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Le mektoub qui pleurait

Par Ci-Quang Juani :

Mes amis asseyez-vous je vous en prie et écoutez l’intrigante histoire que j’ai à vous conter. Je la tiens d’une personne que j’ai aimée autrefois mais que malheureusement je n’ai pas revue depuis des cycles.

Avant que les Kitins ne dévastent l’écorce, l’éleveur de mektoubs Zhai-Fo Quan et sa famille vivaient dans les anciennes terres Zorais.

C’était un homin qui ne connaissait que la richesse financière tant il était délaissé sur le plan affectif. En fait, la seule préoccupation de sa vie était sa fille Lio. Malheureusement, comme pour renforcer encore sa colère et sa sempiternelle amertume, Lio avait été sévèrement blessée par un Messab effrayé quand elle n’était encore qu’une enfant. Sa jambe avait été cassée à plusieurs endroits et elle ne fut jamais vraiment complètement guérie. A cause de cette blessure, elle ne fut jamais capable de jouer et de courir comme les autres enfants et elle passa donc la majeure partie de son temps avec les mektoubs de son père.

Pourtant, un jour, alors qu’elle se rendait aux abreuvoirs, elle aperçut un minuscule mektoub blanc, tout tremblotant et recouvert de sang, qui se tenait debout, seul au milieu du troupeau. Quand Lio essaya de s’en approcher, il tenta de s’enfuir mais il ne pouvait pas aller bien loin car il boitait énormément. La jeune fille rentra chez elle aussi vite qu’elle le pouvait pour raconter à son père cette étrange rencontre. Une fois mis au courant, ils revinrent ensemble aux abreuvoirs.

Il était là, un peu à l’écart des autres mektoubs, et il tremblait encore. Quan courut vers lui et l’attrapa à l’aide d’une corde afin de l’examiner de plus près.

« Il est sévèrement blessé ; Je ne pense qu’il puisse survivre. Nous devrions abréger ses souffrances. » Marmonna-t-il.

Mais Lio l’entendit et se jeta aux pieds de son père en l’implorant de ne pas le tuer. « Regarde-moi papa, je ne peux pas courir comme les autres et pourtant je peux vivre. Je t’en prie ne le tue pas, laisse-moi le garder et m’occuper de lui. Il a besoin de quelqu’un qui comprenne sa douleur et c’est mon cas ! », pleura-t-elle.

Zhai-Fo, dont le cœur ne pouvait être touché que par sa fille, accepta finalement, et il donna à sa fille la corde qui tenait le petit mektoub blanc.

« Je t’appellerai Xia-Lu Xuangi et je prendrai soin de toi mon ami » murmura-t-elle joyeusement à son oreille.

A partir de ce jour Lio ne se sépara plus de Xia-Lu Xuangi et la joie illuminait ses journées.

Son père, par contre, ne s’attacha jamais à ce petit mektoub qui mangeait autant que les autres tout en étant incapable de travailler. Toutefois, il le gardait pour le bonheur de sa fille, et le jour où il la vit chevaucher le petit Xia-Lu Xuangi il ne put s’empêcher de sourire.

Malheureusement, les bonnes choses ont toujours une fin, et la rumeur d’une menace aussi puissante qu’inconnue arriva : des insectes géants capables de tout tuer, les homins comme les animaux, sans jamais éprouver de pitié. Beaucoup de gens des environs fuirent vers de plus grandes cités mais Zhai-Fo Quan ne voulait pas croire en ce danger car il aurait alors à abandonner tout ce qu’il possédait. Alors il resta et sa famille en fit autant.

Le jour arriva pourtant où des homins recouverts de sang passèrent près de leur maison et hurlant, hystériquement, que des immenses insectes massacraient tout le monde !

Choqués, ils rassemblèrent ce qui leur semblait essentiel et préparèrent des montures afin de partir au plus vite. Mais quand Quan vit sa fille en train de seller Xia-Lu Xuangi, il lui dit méchamment : « Tu ne prendras pas ce foutu mektoub estropié ! Il n’ira pas assez vite et nous devons fuir sur le champ ! » Lio pleura et cria qu’elle ne voulait pas laisser son meilleur ami ici, mais son père répondit avec encore plus de colère qu’elle s’en faisait trop pour un vulgaire Mektoub.

Quan vérifia que sa femme et ses deux fils étaient prêts puis il attrapa Lio et l’installa sur sa propre monture. Malgré les vives protestations de la jeune fille, ils chevauchèrent à vive allure jusqu’à la cité la plus proche, dans l’espoir d’y trouver la paix et la tranquillité. Lio ne pouvait s’empêcher de pleurer mais elle parvint quand même à se défaire de l’emprise de son père et à regarder derrière eux.

Et là, dans un nuage de poussière, le regard déterminé, elle vit Xia-Lu Xuangi galopant plus vite encore que jamais. Il était certes un peu en retard mais il suivait presque et la jeune fille ne savait plus à présent si elle devait en pleurer ou en rire.

A un endroit, la route était bloquée par un arbre qui avait dû tomber, et ils durent descendre de Mektoub pour les faire dépasser l’obstacle. Lio profita de la situation pour courir rejoindre son petit mektoub blanc. Elle pleura et le serra de toutes ses forces et lui dit à quel point elle était désolée d’avoir dû le laisser sur place. Soudain, un immense insecte sortit de derrière les arbres à peine quelques mètres de Xia-Lu et Lio. Tous hurlèrent de terreur et reculèrent, à part Lio qui ne l’avait pas encore vu. Mais le petit mektoub blanc sentit le danger et d’un geste rapide il poussa la jeune fille vers sa famille. Quan saisit alors sa fille et l’éloigna du monstre, pas à pas.

Sa fille ne pleura pas, tant elle était pétrifiée de terreur, mais la dernière fois qu’elle vit son petit mektoub blanc, il se cabrait, prêt à affronter le Kitin, tout en la regardant d’un œil rempli de larmes.

Depuis ce jour, Quan fut pauvre en dappers mais riche en amour, car il avait enfin compris ce que l’amour et l’amitié étaient capables de faire.