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Mes larmes

rapporté par Liandra d'Alanowë
La Nouvelle Feuille d'Atys, Prima, Fallenor 7, 3e CA 2525 [1]

    Elle était toujours affalée dans la Haute Salle. Ici s’étaient réunis les haut dignitaires du Cercle, sous l’égide de Sokkar Aniro 1er. De bons et mauvais souvenirs la retenaient encore ici... Depuis le matin, Liandra d'Alanowë, Commandeur des Forces Armées de Sokkarie, était prostrée aux pieds du siège du Maître du Haut Conseil.

    Elle n’avait plus mis les pieds dans cette salle depuis plusieurs jours. Cela faisait déjà un moment que la haute instance du Cercle ne fonctionnait plus. A son réveil, un pressentiment horrible la tenait. Elle avait l’estomac noué, et s’était précipitée vers la salle du Haut Conseil, vétue de simplement de sa chemise de nuit. Les quelques gardes qui restaient encore étaient d’abord restés abasourdis de voir leur commandant en chef courir ainsi dans les couloirs, puis l’avaient suivie. Arrivée devant les majestueuses portes de la salle du conseil, elle les avait ouvert brutalement, les envoyant claquer contre le mur. Elle le vit, assis sur son trône.

    Le sentiment de soulagement qui avait commencé à naître en elle fit rapidemment place à l’horreur quand elle s’apercut qu’il ne bougeait pas. Les gardes arrivèrent et s’arrêtèrent net derrière elle. La stupeur, le désarroi, l’horreur se lisaient sur leurs visages. Le groupe restat quelques minutes dans cette posture. Dans d’autres circonstances un éventuel spectateur aurait pu trouver la scène comique ; la folle echevelée suivie de ses fous aux masques grimacants. Liandra avait alors commencé par s’approcher lentement de Sokkar, les soldats restant cloués sur le seuil, comme figés. Ces quelques mètres lui parurent à la fois terriblement longs tout en étant trop courts, chaque pas franchi la rapprochait d’une sinistre réalité à laquelle elle refusait de croire. Elle vit d’abord son bras qui pendait, ses doigts longs et fin crispés sur un objet. Puis son regard remontat, d’abord sur la poitrine que nul souffle ne faisait bouger, puis sur son visage. Ses yeux rivés sur ceux sans vie de son Grand Maître elle s’approchat jusqu’à pouvoir le toucher. Toute cruauté avait disparue de son regard, dans la mort son visage n’était qu’un masque de souffrance. Devant lui était posé un coffret, ouvert, sur lequelle trônait une feuille. Elle se pencha et prit sa main froide dans la sienne. Celle-ci était serrée sûr une fiole. Elle dessera lentement ses doigts et prit le petit flacon dans sa main. Il était simple, sans ornements ni sceau. Si insignifiant dans sa simplicité, alors que son contenu avait été si lourd de circonstances. Le laissant tomber à terre, elle referma ses doigts sur la main froide de son Maître, et prit la feuille.

Par égard pour le rang que fut celui de vos Pères, je vous offre ma Clémence.
Le déshonneur par mon Verbe où la mort par votre main.
Adieu, Y.


    Longtemps ils étaient restés dans l’attente de ce que serait leur avenir une fois dépouillés de la légitimité du Roi Jinovitch. La réponse était arrivée sous la forme d’une petite boîte qui ne leur offrait que la mort où le déshonneur.

    Elle resta un long moment les yeux rivés sur la missive. Ses jambes défaillirent alors, et elle se laissa tomber aux pieds de Sokkar en gémissant telle une bête à l’agonie, serrant sa main contre sa joue. A la vue de ce spectacle les gardes fuyerent tour à tour, la laissant seule avec son désespoir.

    C’est ainsi que l’avait trouvé Saleni. Sergent de la garde et coeur noble, il était accourut dès que la nouvelle lui fut parvenue. Elle avait livré de nombreuses batailles avec lui, et un lien fort les unissait, de ceux qui n’unissent que les guerriers qui ensembles ont combattu et n’ont évité la mort que grâce à la fidélité qu’ils éprouvent les uns envers les autres. Il se laissa tomber à genoux, et ses larmes coulèrent sur son visage marqué par les cicatrices et la vieillesse.

    Plongée dans son mutisme Liandra ne le vit pas avant qu’il ne l’appelle plusieurs fois par son nom. Elle leva ses yeux rougis par la peine vers lui, et lui parlat d’une voix rauque et monocorde.

Sergent, faites placer des tonneaux d’huile partout dans le palais et crevez les. Que des braseros soient posés sur chacun d’entre eux.

    Sans mot dire Saleni se leva et sorti d’un pas lourd...

    ...La journée touchait à sa fin quand les soldats amenèrent les derniers tonneaux dans la salle du Grand Conseil. La plupart avaient fui lorsque la nouvelle de la mort de Sokkar Aniro 1er s’était propagée. Seuls étaient restés une poignée de fidèles. Les mêmes qui se tenaient devant elle, semblant attendre quelque chose, Saleni à leur tête. Il se racla la gorge et commença à parler comme lorsqu’il lui faisait un rapport.

Commandeur, les préparatifs sont finis. J’ai pris l’initiative de faire vider le palais. J’ai de plus chargé votre serviteur de préparer vos affaires. Elles vous attendent dans la cour. Votre armure d’apparat est ici, j’ai pensé que vous souhaiteriez vous en vêtir.

    Elle se leva alors, lentement, comme si en cette seule journée le poids de toute une vie s’était abbatu sûr ses épaules. Laissant glisser lentemant la main du défunt, elle s’adressa à ses quelques fidèles soldats :

Ceci est mon dernier ordre. Allez à l’entrée et empêchez quiconque de passer, jusqu’à ce que les flammes finissent de consummer cette partie de nos vies. Lorsque tout ne sera plus que cendres, vous serez libérés de toutes obligations. Rompez Sokkariens!

    Ils s’en allèrent, Saleni à leur tête. Une fois sortis, elle commenca de revêtir la lourde parok noire, cadeau d’un maître à sa fidèle officier.

    Lorqu’elle eut finit, elle se pencha sur la dépouille de Sokkar et posa un baiser sur ses lèvres, tel un ultime adieu. Puis elle pris sa main et en retira délicatemment l’anneau ducal. Empochant la fatale missive, elle fit le tour de la pièce, renversant les braseros sur l’huile qui s’était déversée des tonneaux eventrés. Elle fit de même sur le chemin qui la menait à la grande porte, et claqua les lourds battants derrière elle. Le feu consummait déjà les cîmes de leur palais-arbre. Au matin, tout ne serait plus que cendres.

    Prenant les rênes de ses mektoubs, elle s’en allat seule dans la nuit, comme elle était arrivée...

    ... Sur la terrasse d’un palais situé au coeur de la ville, un homin contemple l’incendie qui ravage l’ancien fief de Sokkar Aniro 1er.

— Ainsi, tout est consommé.

Puis son regard se porta vers le sud, plus précisemment Davae.

— Mais il y en a encore....

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