Ce récit correspond aux souvenirs des ressortissants d'Avalae, d'Avendale, de Jen-Laï et de Thesos.

Non, elle ne subirait pas le même funeste destin ! Il n'en était pas question... Ils n'auraient qu'à trouver quelqu'un d'autre pour tenir ce rôle. Jamais elle n'accepterait de devenir gardienne des Arcanes. Jamais ! Akantha était offusquée. Elle venait de déposer sa démission auprès de Lingi-Chon Vao. Elle finit de rassembler ses affaires et pris la direction de la grande porte de Jen-Laï. Sa main tremblait tandis qu'elle affichait le compte-rendu qui allait apporter la lumière sur les raisons de son départ. Puis elle prit ses sacs et quitta Jen-Laï sans se retourner. Ce n'est qu'alors que les échos s'estompèrent dans son esprit.

Première partie : Le Festival du Folklore Zoraï

Le Tria, Folially 3, 1er CA 2553, Jen-Laï était en ébullition. Le Festival du Folklore Zoraï allait commencer. Tous les assistants de la Conservatrice Lingi-Chon Vao allaient et venaient un cube d'ambre ou un parchemin à la main. Je croisais Jezeba Dumuzi tôt dans la matinée. Lorsque je le saluais il me dit qu'il avait quelque chose à remettre à la Conservatrice, quelque chose qui devait être divulgué lors du Festival. Il sortit des Archives pour chercher Lingi-Chon Vao. Il ne devait jamais la trouver.

Lingi-Chon Vao se présenta face à l'assistance. Elle pris place à la tribune improvisée sous la grande porte de Jen-Laï, entourée de quelques membres de l'Académie Monastique Zoraï. Elle remercia les homins présents qui pour certains étaient venus de loin pour assister aux festivités. Pour inaugurer cet évènement qui lui tenait particulièrement à cœur, la Conservatrice Dynastique leva les bras cérémonieusement et prononça cette oraison :

Lorsque le soleil se lève, un nouveau jour naît
Semblable au précédent, mais pourtant si différent
Des herbivores, qui hier encore paissaient près d'ici
Ont disparu a jamais, happés par la nuit
Des boutons qui étaient plein de promesses
S'épanouissent aujourd'hui, souriant d'allégresse
Des homins pleurent, d'autres chantent gaiement
Et ce sera ainsi jusqu'au soleil couchant.
La Vie change en permanence et pour le voir
Écouter et regarder il faut savoir
Homines et homins qui ce soir êtes ici
Vous qui voyez le monde jour après nuit
Vous qui savez écouter le présent
Vous qui vivez dans l'instant
Prolongez l'Histoire de votre vie
Apprenez et célébrez l'Histoire de notre Pays !
Le Festival du Folklore Zoraï vient de débuter
Venez y fêter le souvenir du Passé
Plongez avec nous dans ce qui fait nos racines
Mêlons présent et passé, amis homins et homines !
Assis devant la porte de Jen-Laï
Laissons entrer dans notre cœur le passé Zoraï
Et pour cela écoutons à présent
De beaux contes, poèmes et chants !

Ce fut ensuite au tour de l’Éveillée Ki'atal de conter aux homins présents l'origine du peuple Zoraï :

Il y a bien longtemps, alors que les kami riaient de voir leurs graines acquérir leur propre volonté et leur propre conscience du vide et de la création... alors que les gibbaï s'ébattaient joyeusement dans une jungle encore grandement préservée et que la Goo s'insinuait mystérieusement sur l'Écorce Sacrée... une tribu nomade à la peau bleue et aux yeux sombres établit son campement auprès d'un arbre majestueux. Cet arbre avait du être encore plus beau quelques saison plus tôt mais la Goo avait déjà drainé une partie de sa force vitale.
Le Chef de la tribu se nommait Cho et , selon la tradition, s'il en est chez nous autres, Zoraïs, il fut subitement pris d'une envie de faire un somme sous les branches protectrices de l'arbre. Il s'étendit donc à sa base, alors qu'au loin il voyait danser les flammes du feu de camp que ses frères avaient allumé. La nuit enveloppait peu à peu Atys et le Pays des rêves appelait les nomades en son sein.
Soudain Cho ressentit un grand apaisement, comme si son corps était absorbé par les racines de l'arbre centenaire. Il n'était plus très jeune, et il se dit que Jena le rappelait sans doute à elle, et dans sa glorieuse magnanimité lui faisait connaître la Voie qui le mènerait à son royaume.
Atys l'enveloppait tout entier et il sentait une telle plénitude l'envahir que son cœur irradiait de bien être. Alors qu'il se laissait happer par la quiétude de son ascendance atyssienne, il cru entendre une voix d'enfant. Luttant pour quitter le doux contact de l'écorce protectrice, il releva la tête et scruta la nuit. Un bruissement agita les buissons, non loin de lui et une forme étrange en sortit.
Cho fixa la créature dans les yeux et tout son corps se réchauffa graduellement. On aurait dit un petit animal cornu au pelage clair et dont les yeux limpides semblaient refléter toute la Création de Jena. Dans un rire cristallin, il frôla Cho puis se cacha derrière l'arbre centenaire. Cho comprit alors qu'il lui fallait préserver chacun des arbres de la jungle du fléau qui menaçait de s'étendre chaque jour un peu plus.
La voix d'enfant retentit à nouveau aux oreilles de Cho : "Kami Faim !" Cho porta aussitôt la main à son cœur pour montrer qu'il avait lui aussi faim d'amour : "Cho aspire aussi à mériter ton amour divin Kami !" Cho s'agenouilla devant le kami, sa tête à la hauteur de celle de la créature, et toute peine le quitta car il sentait par chaque pore de son être qu'il venait de prendre sa place dans le Grand Dessein de la Création. Il fut soulagé et heureux et des larmes de sérénité roulèrent sur ses joues.
De retour parmi les siens, Cho leur fit part de la nuit transcendantale qu'il venait de vivre. Il leur dit qu'à leur tour il leur faudrait protéger la végétation d'Atys et honorer l'Écorce sacrée, sa génitrice Jena et ses gardiens les kamis.
Autour de l'arbre consacré, cette tribu éleva le premier temple Zoraï où pendant très longtemps furent vénérés Jena et les Kamis. Autour de ce lieu mystique, la première cité-temple fut érigée, elle prit le nom de Zoran. C'est ainsi que le peuple Zoraï quitta le nomadisme et trouva sa Voie dans le Grand Dessein de la Création.

Une fois le conte terminé, l'Oratrice laissa la parole à Uma et Sumsum qui récitèrent un poème sur le masque de parenté :

Notre masque n'est pas un mystère
Il ne fait pas de nous des gens austères
Il n'est pas dur de le porter
C'est notre emblème, notre fierté
Si d'aventure on vous demande
Ce que cache cette face blanche
Dites qu'elle ne cache rien à ceux
Qui ont de l'amour dans les yeux
Et que les sceptiques se reprennent
Qu'ils nous écoutent et nous comprennent
Nous ne cacherons jamais notre amour
Pour les Kamis, et ce toujours.

Alors que les homins applaudissaient et que la fête battait son plein, un cri fendit la foule. C'était la voix de la Conservatrice. Il s'en suivit un grand moment de confusion où homins, assistants, gardes courraient pour localiser Lingi-Chon Vao qui continuait de crier. Ils finirent par la retrouver, penchée sur la dépouille d'un de ses assistants. Le corps de celui-ci était couvert de marques sanglantes et des cubes d'ambre brisés jonchaient l'écorce à côté de lui. Lorsque je m'approchais je l'identifiais immédiatement comme étant Jezeba Dumuzi.

Tandis que je regagnais le bâtiment des Archives de Jen-Laï, encore sonnée par la découverte du corps de Jezeba, les homins courageux, que Lingi-Chon Vao avait envoyés enquêter auprès des Fyros de la Jungle, approchaient du Camp des Tuteurs.

Les Tuteurs étaient méfiants mais l'un deux avait été sauvé par certains des homins présents alors qu'il avait été enlevé par des bandits Matis l'année précédente. Acceptant d'aider les homins, les Tuteurs les mirent en garde. Selon eux, l'Empire avait commis bien trop de fautes contre Atys, ce serait la raison pour laquelle les Fyros de la Jungle se méfieraient de leurs frères du Désert. Ayant appris qui étaient les Tuteurs, nos valeureux enquêteurs se mirent en quête des Flammes de la Jungle, une tribu Fyros de la Jungle vénérant le Grand Varinx, une incarnation animale et sauvage de Ma-Duk et lui reconnaissant une contrepartie de brutalité et de vengeance, le Grand Égorgeur.

Lorsqu'ils rencontrèrent les représentantes des Flammes de la Jungle, les enquêteurs leur racontèrent ce qu'ils savaient et elles les mirent en garde contre la secte disparue du Culte du Grand Dragon et contre toute forme de manipulation de la Goo ou d'autres poisons. Cela les fit penser à un conte traditionnel dans leur tribu et elles en firent profiter les enquêteurs fourbus.

Il y a de nombreuses saisons, un petit clan de chasseurs survivait difficilement dans les Dunes du désert. Leurs armes étaient primitives, leur stratégie de chasse inexistante et bien souvent le gibier qu'ils convoitaient finissait dévoré par les varinx.
- Jour après jour les varinx nous volent nos proies. Nos familles sont affamés, il faut que cela cesse !" disait l'un d'eux.
- Les varinx prennent leur part. Même quand ils ne sont pas là nous peinons à attraper quoi que ce soit. Nos techniques sont mauvaises, nous ferions mieux d'apprendre des varinx plutôt que de les jalouser !
- Mektouberies ! il n'y a rien à tirer de ces sales bêtes sauf une chose : Il faut dominer pour survivre ! Et j'ai exactement ce qu'il faut pour ça ! J'ai rencontré des marchands étrangers cet après-midi: ils m'ont vendu un poison dont nous pouvons enduire nos lances et qui améliorera considérablement nos résultats
- Du poison ?! mais la viande va être immangeable ! et au moindre accident les conséquences vont être terribles !
- Je préfère encore courir ce risque que mourir de faim ! De plus une fois la viande cuite, le poison sera détruit
- Si tu tiens à devenir un démon du désert, libre à toi ! c'est en apprenant de la nature que nous nous en sortirons, pas en la détruisant à l'aide de produits malsains et dangereux !
- Et bien vas-y, pars apprendre de tes amis varinx ... va te faire dévorer par eux ! nous verrons bien qui est encore vivant dans un cycle !
Le lendemain les partisans de chacun des deux chasseurs se séparèrent.
Un petit groupe partit observer les varinx pendant tout un cycle.
Leur tâche ne fut pas facile et plus d'une fois ils se firent attaquer.
Petit à petit néanmoins ils acquirent un certain instinct du désert, leurs esprits se fondant à celui des varinx et à travers lui à Ma Duk. De maigre au début, leur chasse a fini par croitre.
Quant au deuxième groupe qui avait choisi le poison ...
Le second groupe commença à utiliser le poison et malgré une technique désastreuse la chasse fut fructueuse. Toutefois, bien souvent la proie blessée s'échappait et allait mourir hors de portée des chasseurs.
Pour chaque proie récoltée, deux ou trois autres finissaient par pourrir dans un coin reculé du désert. Les varinx ne touchaient pas à ces proies, sentant bien qu'elles étaient contaminées. Au début le second groupe mangea à sa faim, mais bientôt les proies se firent rares !
Les varinx ne trouvant plus de proies saines sont devenus très agressifs, rodant à proximité du camps des Fyros. Si bien qu'un jour les varinx finirent par attaquer les chasseurs. Armés de leurs lances empoisonnées, les chasseurs blessèrent de nombreux varinx mais le poison eut un effet inattendu : au lieu de les affaiblir le poison provoqua une rage folle chez les prédateurs, décuplant leur force et leur férocité. Le groupe de chasseurs fut décimé, une poignée à peine parvenant à s'enfuir loin des varinx.
Le poison s'insinua au plus profond des varinx, contaminant leur âme, déchirant leur lien à Ma Duk et à l'écorce : ils finirent par mourir, agonisant longuement. Certains disent que ce jour là, de l'âme tourmentée des varinx le Grand Égorgeur est né.

Tandis que les homins méditaient sur le conte qu'ils venaient d'entendre, Ki'atal vint leur transmettre une invitation de la Conservatrice Lingi-Chon Vao. L'enquête allait se poursuivre le Prima, Floris 13, 1er CA 2553. Alors que tout le monde se dispersait, les proches de Jezeba Dumuzi partagèrent leur peine. Pendant ce temps-là, à Jen-Laï, la tête plongée dans les transcriptions manuscrites que Jezeba avait utilisées pour élaborer ses cubes d'ambre, je commençais à comprendre qui était à l'origine de son assassinat.


Derrière l'un des feuillets, apparaissait encore l'annonce affichée sur ordre de Lingi-Chon Vao : « Jezeba Dumuzi, un assistant archiviste de Jen-Laï a été assassiné ! Un examen de sa dépouille montre que des symboles mystérieux ont été dessinés sur sa peau avec son propre sang, certainement dans le cadre d'un rituel. Des cubes d'ambres concernant la communauté Fyros du Pays Malade semblent à l'origine de ce meurtre sordide... Dans leur quête pour débusquer les tueurs, de courageux homins parcourent le Pays Malade pour faire toute la lumière sur un pan méconnu de la culture Zoraï. »

Seconde Partie : Enlèvements

Alors que je sortais des Archives de Jen-Laï pour aller réveiller ma Maîtresse, la Conservatrice Lingi-Chon Vao, et lui faire part de mes découvertes, mon destin bascula. Je n'eus pas le temps de me défendre de l'assaillant qui m'attendait en bas de chez moi. Il pénétra dans mon esprit, annihilant toute ma volonté. Je ne pus aussitôt plus maîtriser mon corps, ni même ma voix. Il en avait le contrôle total. La terreur qui m'emplit cette nuit là ne m'a pas encore complètement quittée à l'heure où j'écris ces lignes. Je me souviens de tout ce que j'ai fait sous hypnose comme si je regardais un lucio. Une fois parmi les autres Fyros enlevés, dans le Camp de nos ravisseurs au cœur du Nœud de la Démence, j'assistais impuissante à la mutilation de certaines d'entre nous. Soudain, des kitins attaquèrent le Camp. Une main griffue m'attrapa alors par le bras avant que je réalise que le lien hypnotique avait été rompu. Valandrine courrait à toute vitesse, m'entraînant avec elle. Je jetais un dernier regard en arrière et m'aperçut horrifiée que les kitins tombaient tous morts sans même que nos ravisseurs ne les touchent.

Le Prima, Floris 13, 1er CA 2553 l'ambiance était terne à Jen-Laï. L'enquête piétinait. Ki'atal, entourée des enquêteurs volontaires, attendait la Conservatrice Dynastique. Lorsque Lingi-Chon Vao arriva, elle les remercia pour leur présence et les informa du fait que le meurtre de Jezeba était en fait un sacrifice rituel. Elle leur lit également un passage du Livre du Dragon retrouvé sur l'un des cubes brisés  :

Dans les entrailles d'Atys, au plus profond de son coeur, il se repose, inconnu de tous et de tous les homins, mais il reste quelque chose qui le cherche et le trouve en coulant comme de la goo dans les veines de la planète pour raviver sa flamme éternelle.
Cette rivière peut être de sang ou de sève pour nourrir notre roi ardent pour le ranimer et hâter la destruction d'Atys avant qu'une secte ne l'emporte et soit suffisamment puissante pour s'opposer à lui.
Saluons le dragon. En son nom nous tuons.

Les homins présents furent horrifiés en entendant ces mots. Les suppositions fusaient. Il devenait évident que la secte disparue du Culte du Grand Dragon était mêlée à cette affaire... Alors que les enquêteurs attendaient mon arrivée pour en apprendre plus de ma bouche, un Garde de Jen-Laï vint donner l'alerte : des enlèvements avaient eu lieu dans tout le Pays Malade et toutes les tribus Fyros de la Jungle étaient touchées.

Les enquêteurs nous retrouvèrent au Camp d'observation de kitins, Valandrine et moi. Nous ne perçûmes pas tout de suite leur présence tant nous étions terrorisées. Des voix emplissaient toujours notre tête et nous ne pouvions rien dire d'autre que "Les démons..." Des homins soignèrent Valandrine qui était blessée et nous firent boire. Puis les enquêteurs reprirent leur route pour débusquer nos ravisseurs et sauver les autres Fyros de la Jungle enlevés.

Le Camp du Culte ne fut pas long à trouver pour les courageux homins mais ce qui les y attendait allait rudement les éprouver. Des victimes enlevées dans les tribus Fyros de la Jungle étaient sous le contrôle des Initiés du Culte du Grand Dragon et elles attaquèrent les enquêteurs qui ne purent faire autrement que de se défendre. Les victimes tombaient mais les Initiés du Culte aussi. Finalement quelques victimes purent être sauvées. Alors qu'il ne restait plus qu'un Initié du Culte debout, celui-ci hypnotisa des kitins de la région qui fondirent sur les enquêteurs à son commandement. Les homins ne faiblirent pas et vinrent ainsi à bout de plusieurs vagues de kitins. Mais alors qu'ils s'apprêtaient à atteindre l'initié du Culte, celui-ci disparut, laissant derrière lui le cube volé à Jezeba Dumuzi.

De retour à Jen-Laï les homins firent leur rapport à la Conservatrice et lui remirent le cube d'ambre retrouvé. J'accompagnais Lingi-Chon Vao aux Archives où nous nous penchâmes sur le cube de Jezeba. Lorsque nous eûmes fini de le déchiffrer, nous en fîmes distribuer une copie à chacun des homins présents : Les Arcanes de Coriolis ou l’histoire du Culte du Grand Dragon.

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