La salle des Archives | Le nouvel Exode | Le nouvel Exode (3ème partie) |
Le nouvel Exode (3ème partie)
Le 24 Mystia, 4ème CA 2540.
Zorglor buvait lentement son bol de lait de messab, rêvassant silencieusement, lorsqu'une silhouette passa, marchant rapidement.
Les quelques clients rassemblés près du bar tournèrent la tête vers le nouvel arrivant, un tryker blond. Amatsu O'Nehly. Celui-ci passa à proximité du bar, remarquant à peine les quelques réfugiés, et se dirigea vers le petit bosquet, quelques pas plus loin, où deux trykettes avaient passé la nuit.
Zorglor avait instinctivement tourné la tête vers le bar, se plongeant dans l'étude détaillée du règlement de l'établissement, affiché sur un poteau, et écrit à la fois en Atysien et dans les quatre langues homines, l'air très concentré et indifférent aux exclamations de joie venant de derrière les bamboos. Il ne leva pas plus les yeux lorsque des éclats de voix retentirent, et qu'Amatsu réapparut, repassa à proximité du bar sans un regard pour les homins et s'éloigna, le visage fermé.
Quelques instants de flottement suivirent. Les clients et M. Val se regardaient, l'air intrigué et gêné, quand, de derrière le bosquet, Nymphéa sortit, le visage blême, tenant Maheany dans ses bras, marchant d'un pas incertain jusqu'au bord de l'eau, où elle s'assit, recroquevillée, tournant le dos aux autres réfugiés. Ceux-ci regardaient ailleurs, visiblement gênés.
Zorglor regarda Nymphéa, hésitant, se sentant perdu, retenu dans son instinct de se précipiter vers elle par une foule de pensées contradictoires. Finalement, ce fut M. Val qui s'approcha de l'homine, et se pencha vers elle, essayant de la réconforter. La trykette leva ses yeux verts pleins de larmes et commença à expliquer ce qui s'était passé, d'une voix altérée. Après quelques mots de réconfort, le fyros, gêné, se releva et murmura :
Nymphéa lui fit un petit signe de la main, sans bouger. M. Val s'éloigna, puis rentra dans le bar par la petite porte et disparut. Zorglor était resté figé à proximité, n'osant pas bouger, se contentant de regarder et d'écouter l'échange entre le fyros et la trykette. Il se sentait toujours déchiré entre son désir de se précipiter au côté de Nymphéa, de l'aider à retrouver le sourire, à faire disparaitre ce poids et ce regard affligé, et sa crainte de l'importuner, de la dégoûter, d'être maladroit. Il aurait presque souhaité ne pas avoir été là... Le tryker gardait ses yeux fixés sur l'homine immobile, toujours recroquevillée sur la berge. Après quelques instants qui lui semblèrent une éternité, il s'avança doucement, ne sachant ni que dire, ni que faire, mais incapable de tergiverser plus longtemps.
Le pas hésitant, Zorglor s'approcha de l'homine immobile et murmura doucement :
Celle-ci tressaillit, passa rapidement la main sur ses yeux et leva la tête vers Zorglor, qui avait presque instinctivement fait un pas en arrière.
Le tryker s'interrompit, se sentant stupide.
Zorglor hocha doucement la tête, ne sachant que répondre.
L'homin s'approcha lentement, s'agenouillant à côté de la trykette, le visage grave mais essayant d'arborer un sourire apaisant.
Nymphéa étouffa un sanglot et gémit
Le tryker hocha doucement la tête.
Nymphéa sembla hésiter un instant.
Zorglor hocha doucement la tête, cherchant ses mots
Le tryker laissa sa phrase en suspens, puis fit un sourire rassurant à l'homine.
Nymphéa hocha la tête, se passant à nouveau la main sur les yeux et murmura :
La trykette ne termina pas sa phrase et soupira.
Zorglor hocha la tête, sourit, puis se pencha pour prendre délicatement l'enfant endormi dans les bras de sa mère. Celle-ci regarda le tryker se relever, tenant le bébé, puis murmura d'une voix douce :
La Trykette aux couettes violettes resta un moment face au lac, seule avec sa détresse. Elle avait mis tant d’espoir en le retour d’Amatsu ! C’était l’idée d’être de nouveau réunis qui l’avait soutenue jusque-là ! Elle s’était naïvement imaginée que le jour où il la rejoindrait, sa seule présence effacerait tous ses soucis et toutes ses craintes. Ses bras protecteurs, ses mots doux, ses caresses. Tout serait redevenu si simple !
Amatsu était revenu mais il n’avait pas su apaiser ses craintes. Tout n’avait été que reproches, et celui sur qui elle comptait tant avait su la poignarder en plein cœur de ses paroles blessantes, elle qui était déjà si fragile en ces temps troublés.
Nymphéa essuya rageusement les larmes qui lui chatouillaient les joues et laissa le vent emporter son murmure de détresse :
Des scènes passées quasi oubliées lui revinrent en mémoire. Dans toutes, Amatsu montrait un autre visage que celui du mari aimant : celui d’un homin volage, d’une froideur cruelle en son égard. Un frisson la parcourut tandis que l’écho des paroles de son amie Shellyna résonnait dans sa tête.
Comment pourrais-je faire cela ? Je l’aime.
Elle entendit au loin un rire d’enfant et se retourna vers le bar. Zorglor faisait tournoyer Maheany dans ses bras et le bébé riait aux éclats. Cela l’émut et la fit sourire à la fois. Une envie irrésistible la prit : celle d’aller vers eux et de les serrer dans ses bras.
Elle se leva, essuya de nouveau ses larmes et rejoignit le couple insolite, se promettant de laisser ses soucis de côté pour ce soir et de retrouver pour un instant son insouciance de trykette
Un peu étonné, Zorglor demanda :
Reprenant Maheany dans ses bras, elle entraîna le tryker aux cheveux violets au bord de l’eau.
Zorglor hocha la tête.
Nymphéa sourit, rêveuse.
Elle contempla quelques instants encore la racine verticale avant de laisser son regard glisser vers la petite île adjacente.
Le Tryker sourit et, pour toute réponse, entra dans l’eau. Nymphéa le rejoignit, nageant sur le dos en maintenant le bébé sur son ventre. Bientôt, ils furent de l’autre côté et s’assirent sur la sciure, tous deux trempés. Maheany, repue après un biberon conséquent, ne tarda pas à s’endormir sous une légère couverture.
Soudain, malicieuse, Nymphéa lâcha :
Et sans laisser à Zorglor le temps de réagir, elle se rua vers le lac en riant.
Le tryker plongea à son tour dans le lac, essayant de rattraper Nymphéa qui, à son habitude, ne put s’empêcher de faire des pirouettes dans l’eau, même en pleine course. Il la rattrapa au niveau de la racine - dont elle fit deux fois le tour -, et entama le retour en tête, sous les cris de protestation de la trykette qui oublia toute fantaisie aquatique pour redoubler de vitesse.
Nymphéa sortit de l’eau en courant, riant, sans voir le sourire en coin de Zorglor qui avait subtilement freiné sa course afin de la laisser le doubler, et se rapprocha de l’endroit où Maheany dormait paisiblement. Sautillant sur place, elle attendit le tryker en chantonnant :
Nymphéa réfléchit un instant avant de répondre, un grand sourire sur le visage :
Et sans plus attendre, elle poussa le tryker à la renverse, voulant le rouler dans la sciure. Celui-ci contrattaqua en la faisant tomber à son tour, et bientôt, tous deux roulèrent pêle-mêle dans la sciure, riant aux éclats, insouciants et joyeux pour la première fois depuis longtemps.
Au bout d’un long moment, autant épuisés l’un que l’autre, ils se demandèrent mutuellement grâce, et une trêve fut signée dans un sourire de connivence. Après un bon bain pour leur redonner allure homine, tous deux revinrent s’asseoir près du bébé, aussi trempés l’un que l’autre.
Nymphéa tira sur une couette pour mieux voir et, souriante, conclut :
Et elle sortit sa boîte de précieux fruits caramélisés, en offrant un à Zorglor qui ne se fit pas prier pour accepter ! Bientôt, le silence recouvrit la petite île, tandis que les deux trykers dégustaient quelques fruits, les yeux mi-clos, laissant échapper par moment des « hmmmm » de gourmandise.
Nymphéa sourit et tourna la tête.
Zorglor regarda l'homine et hocha la tête.
La trykette s'interrompit quelques instants, rêveuse, alors que Zorglor continuait d'écouter.
Nymphéa continua pendant un moment, un sourire aux lèvres, à raconter les histoires des nuits enfantines à Fairhaven, les petites joies et les petites frayeurs formant le quotidien des jeunes trykers, l'homin écoutant toujours paisiblement.
Nymphéa tourna soudain la tête, souriant malicieusement :
L'homine se rapprocha subrepticement de Zorglor, et soudain, d'un geste vif, porta une main à sa chevelure et dénoua prestement un des liens du tryker qui protesta.
Un petit rire malicieux lui répondit.
La bataille qui s'ensuivit fut brève et ponctuée d'éclats de rire. Quand les deux trykers se redressèrent, les cheveux verts et libérés de leurs couettes de Nymphéa ruisselaient en cascade sur ses épaules tandis que les cheveux de Zorglor étaient tous dénoués et en vrac, les liens de couleur éparpillés tout autour d'eux.
Nymphéa rit gaiement et renoua expertement ses couettes. Zorglor fit la moue.
La trykette sourit sans répondre puis s'installa derrière l'homin et commença à rattacher les mèches une par une, récupérant les liens dans la sciure. Le tryker resta silencieux, regardant au loin et souriant.
L'homine sourit longuement, puis murmura doucement :
Zorglor hocha la tête en souriant. La trykette le regarda, puis s'approcha légèrement et se pencha vers l'homin en murmurant :
Elle déposa un léger baiser sur la joue du tryker, qui rougit dans la pénombre et ne répondit rien. L'homine se releva et se dirigea vers l'endroit où Maheany dormait.
Reprenant délicatement Maheany dans ses bras, la trykette s'éloigna, laissant Zorglor songeur, les yeux fermés, souriant.
Les jours passaient sur l’île de Val, ponctués d’attente, d’inquiétudes et de petites joies.
Nymphéa passait de plus en plus de temps en compagnie de Zorglor. Maheany, son bébé de six mois, appréciait sa compagnie autant qu’elle et lui tendait les bras dès qu’elle le voyait. Le tryker aux cheveux violets prenait de plus en plus d’importance dans la vie de Nymphéa mais elle était trop attachée à Amatsu pour s’en rendre compte.
Deux semaines plus tard, Amatsu réapparut avec les enfants. Il était blessé et fatigué mais aussi visiblement soulagé d’être enfin arrivé. Azalée, Atryna, Yarrow, Tiaré et Makao se précipitèrent vers les bras tendus de leur mère dans un cri de joie. Zorglor, qui se tenait alors aux côtés de Nymphéa, Maheany dans les bras, posa délicatement le bébé près de sa mère et s’éclipsa discrètement, sous le regard perplexe d’Amatsu. Les échos des retrouvailles entre les enfants et leur mère résonnèrent longtemps à travers l’île jusqu’à ce que, épuisés par le long et périlleux voyage, les petits finissent par s’endormir paisiblement.
Ce fut alors que la confrontation commença.
Le cœur de la trykette était partagé entre le bonheur de retrouver son homin et le sombre pressentiment que sa vie allait de nouveau être ponctuée de tempêtes au gré des humeurs et des actions de son aimé. Et puis, il y avait autre chose qui la mettait mal à l’aise, mais elle ignorait quoi. Sortant de son sac son nécessaire de soins, Nymphéa commença à soigner les blessures d’Amatsu. Ce dernier ne quittait pas du regard la trykette, comme s’il cherchait à la sonder.
La question sembla surprendre l’homine.
Elle sourit.
Amatsu ne répondit rien, se laissant soigner, l’air songeur.
Le tryker raconta le long et périlleux voyage qu’il avait dû entreprendre avec les enfants à travers les Primes racines, à cause de l’incroyable négligence de Nymphéa. Celle-ci protesta avec véhémence, le ton monta rapidement. Ce qui aurait pu être des retrouvailles joyeuses sombra rapidement dans le chaos. Furieux, Amatsu partit dormir auprès de ses enfants, laissant Nymphéa seule et désemparée au bord du lac.
Zorglor, depuis le bar de Val, entendit les éclats de voix. Osant tourner la tête vers elles, il vit Amatsu partir d’un air décidé, laissant Nymphéa seule au bord de l’eau. Il hésita longuement mais ne bougea pas.