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Un monde qui s'effondre
Le 3 Winderly, 1er CA 2537
Atys toute entière venait de seffondrer autour de Nymphéa, la Trykette de la Garde des Dragons Noirs.
Elle était là, à genoux devant les bains de Pyr, ses jambes trop vacillantes pour supporter le poids de son petit corps de trykette. Les flots de larmes qui inondaient son visage l’empêchaient de voir ce qu’il se passait autour d’elle, de voir Amatsu qui s’éloignait résolument. Mais son cœur le sentait, le ressentait avec une telle force que s’en était insupportable. C’était comme un coup d’épée en plein cœur, comme un déferlement de rois cloppers fondant sur elle, détruisant tout sur son passage, leurs pinces tranchantes s’acharnant sur elle comme pour lui arracher le cœur millimètre par millimètre.
Mais le tryker continuait sa route et Nymphéa ressentait comme un profond déchirement à chaque pas qu’il faisait, à chaque pas qui l’emmenait vers une autre vie, loin d’elle. Elle resta ainsi un moment, comme terrassée par un adversaire contre lequel elle ne pouvait pas lutter. Son aimé était parti peut-être à jamais. Elle avait voulu le garder rien que pour elle, chassant Melowen dans les couches les plus profondes des Primes, loin du cœur de celui qu’elle aimait tant et elle avait tout perdu.
Quel sens avait sa vie désormais ?
Elle se releva et avança lentement. Elle ne voyait rien, autour d'elle, il n’y avait rien d’autre que du vide, le néant. Un monde sans lui à ses côtés ; sans sa main tendue vers elle ; sans son sourire ; sans ses mots doux. Elle erra ainsi dans Pyr, telle une rescapée d’un massacre se demandant avec stupeur pourquoi elle avait été épargnée, homine fragile et seule au milieu de la grande ville grouillant de monde, frissonnant de froid sous le soleil brûlant du désert.
Elle entendait sa propre voix crier des « Amatsu ! » désespérés, comme un écho aux cris de détresse de son cœur.
Elle s’arrêta sur la place des marchands, ne semblant rien voir autour d’elle, aveuglée par la violente douleur qui la transperçait. Elle ne vit pas que, à une dizaine de mètres derrière elle, Amatsu la regardait sans broncher, ne répondant pas à ses appels de désespoir. Shellyna. Elle devait parler à son ami. Peut-être l’aiderait-elle à y voir plus clair ? Amatsu lui en voulait, ne semblant même pas comprendre à quel point elle avait peur, à chaque fois qu’il partait, que son chemin croise de nouveau celui de Melowen.
Complètement perdue, elle sortit une perle de sève pour Thesos et la brisa. Elle devait y rejoindre Shellyna un peu plus tard, avec de la chance, la trykette des Lames sera déjà là. La danseuse au regard éteint disparut de la place, transportée par la magie des kamis non loin de la taverne de Thesos.
L’été dardait de ses rayons brûlants la petite oasis de Thesos. Nulle âme ne rôdait près du téléporteur en cette heure avancée de l’après-midi, laissant aux sentinelles kamis la lourde tâche de garder les lieux. Tout près de là, les eaux salvatrices étendaient leur manteau de vie, scintillant de mille feux sous les rayons étouffants du soleil. Quelques oiseaux, défiant la chaleur torride, pépiaient gaiement, colportant par voie aérienne leur joie de vivre. Mais Nymphéa était insensible à tout cela.
Quelque chose semblait mort en elle. Son regard fit un instant un tour d’horizon, comme surpris de voir que le monde continuait à tourner malgré ce qu’il lui arrivait. Elle avança sans s’en rendre vraiment compte vers la taverne, se raccrochant à l’espoir que son amie serait déjà là. Cette dernière se rendit tout de suite compte que quelque chose n’allait pas. Nul sourire sur le visage pâle de la Trykette ; nulle invitation à danser pour la saluer ; rien, à part un ruisselet de larmes qui roulait sur les joues de Nymphéa, telle une cascade que rien ne peut arrêter.
Les mots hésitèrent longtemps avant de sortir. Comme si le simple fait de les taire avait pu renier la réalité, l’anéantir, la changer. Enfin, elle lâcha :
Compréhensive, Shellyna s’approcha doucement et prit son amie dans ses bras, la laissant pleurer librement. Au bout de quelques minutes, elle lui proposa de s’assoir et alla lui chercher un remontant.
Alors, Nymphéa déversa en bloc tout ce qu’elle avait sur le cœur et partagea avec Shellyna toutes ses angoisses et sa détresse.
La Trykette soupira.
Elle saisit la pinte devant elle et en but la moitié d’un trait.
Shellyna écoutait attentivement, sirotant son lait au miel.
Nymphéa tremblait malgré la chaleur environnante.
Nymphéa regarda longuement Shellyna.
Shellyna s’apprêtait à répondre quand une toux volontaire se fit entendre.