De EncyclopAtys
Une vision du Grand Tout
Extrait du journal de Kalean Mac Ferty:
(…)
Les kamis m’avaient demandé de traquer un kirosta et d’en venir à bout. Cela m’étonna beaucoup, cette tâche dépassait mes compétences de chasse et les kamis le savaient.
Avaient-ils décidé de m’envoyer à la mort ?
Voulaient-ils me tester ?
Je m’exécutais donc, et dénichais un de ces affreux monstres. Après un combat acharné, où je dus user de toutes mes bottes secrètes pour survivre, je finis par prendre l’avantage. Dans un ultime effort, ma masse électrique s’écrasa avec fracas contre la carapace du kirosta, qui s’affaissa sous le choc. Le kitin chancelant dévorait ses dernières secondes de vie.
C’est alors que, dans un dernier soubresaut, l’immonde créature me transperça la cuisse de son dard, avant de s’écrouler. La douleur provoquée par le poison du kitin se propagea instantanément dans tout mon corps, me foudroyant sur place. Mes dernières forces m’abandonnant, je m’effondrais aux cotés de la carcasse puante de la bête.
Allongé sur le sol, je sentais la sève s’écouler de mes membres tandis que la vie m’échappait. Tout me semblait soudainement si lointain, je percevais à peine ma propre douleur. Les yeux rivés au ciel, mon regard se perdait dans l’infini.
Le poison qui s’écoulait dans mes veines semblait m’ouvrir les portes d’un autre monde. Je sentis mon esprit se libérer de son carcan de chair, s’élever au dessus de ce corps inanimé pour entamer un long voyage vers le firmament.
J’eus alors le sentiment d’entrer en communion avec la planète-arbre.
Je ressentais une profonde paix intérieure, pourtant tout autour de moi s’agitait avec une frénésie indescriptible. Les arbres surgissaient du sol, puis dépérissaient plus vite que les champignons les plus éphémères. Les astres traversaient le ciel comme des bolides, voltigeant en un ballet de traînées lumineuses.
Je vis alors les branches de la Canopée croître et se déployer au dessus de la région des Lacs.
Semblables à d’immenses tentacules, les branchages s’étendaient au dessus de nos terres, resserrant leur étreinte mortelle comme un piège qui se referme sur sa proie. Les rameaux de cette couverture végétale s’entremêlaient inexorablement, occultant chaque recoin du ciel.
Aeden Aqueous plongeait dans un crépuscule sans retour. Je vis ses étendues fertiles s’étioler, ses eaux limpides se ternir à jamais. Tout n’était plus que désolation, à l’image des Landes Obscures. La lumière du jour, qui se frayait à grand-peine un passage vers le sol, délaissa peu à peu ces terres condamnées.
Les énormes branchages avaient enserré notre écorce natale jusqu’à former une voûte opaque, emprisonnant la Terre des Lacs dans une obscurité sans fin.
Je flottais dans la pénombre de ce qui fut jadis la terre des Trykers. Ses lacs azurés avaient cédé place à quelques nappes de sève et autres marais sordides. Ses villes prospères n’étaient plus que ruines assiégées par les kitins. Sa faune et sa flore luxuriante avaient disparues au profit des créatures étranges qui peuplent les mondes souterrains.
C’est alors que je ressentis un appel, à la fois vague et irrésistible.
Une force instinctive me conduisit au travers des dédales obscurs de la strate, jusqu’à ce qu’apparaisse au loin une fine colonne lumineuse. Au pied de ce puit de lumière se tenait une entité merveilleuse, au corps fin et translucide. Un kami. Les rayons irisés qui irradiaient de son corps formaient un halo féerique, qui semblait propager des ondes d’une puissance infinie.
Sans mot dire, le kami m’indiqua une fissure de la voûte qui laissait filtrer la lueur du jour.
Alors que mon attention était captivée par cette source de lumière, je me sentis guidé vers elle. Mon être était soudainement transporté, comme happé par ce flot lumineux et propulsé vers la surface. Je m’élevais dans les airs à une vitesse prodigieuse, traversant la faille qui s’ouvrait à moi comme une porte vers un monde nouveau, rempli d’espoir. Franchissant les derniers obstacles, j’atteignais enfin la couche supérieure de l’écorce…
Lorsqu’une clarté éblouissante m’aveugla.
C’est alors que je sentis la vie et la souffrance renaître en moi, par vagues successives, comme une complainte lancinante. Mes compagnons entouraient ma dépouille, me priant de renaître à la vie. Lorsque j’ouvris les yeux, j’aperçus leurs visages inquiets. La carcasse du kirosta gisait à coté de moi.
(…)
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