Retour au portrait de Zakharias


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L'arrivée au camp

Zakharias

Le soleil brûlant dardait ses derniers rayons et déjà la nuit s'installait sur le campement de la Garde Noire. Comme chaque soir, une légère brise soufflait, et comme chaque soir, les animaux les uns après les autres se taisaient. Le calme de la nuit s'installait peu à peu.

Soudain, une ombre se dessina à l'horizon. Elle se rapprochait, grandissant un peu plus à chaque instant. Elle semblait apeurée, comme pourchassée par une horde de démons. Mais pourtant elle était seule.

L'ombre s'avançait, elle n'était plus qu'à une dizaine de mètres du campement. Sa silhouette commençait à se distinguer plus nettement. Il s'agissait d'un Matis, vêtu de guenilles déchirées. Son visage était parsemé de bleus et de blessures et ses jambes couvertes de sang coagulé par la chaleur. Sur son torse à moitié nu, on pouvait voir des traces de griffures et de piqûres. Bien qu'il ne devait pas avoir plus de dix-huit ou dix-neuf ans, le jeune homme semblait en faire plus de quarante.

L'étranger pénétra dans le campement, sa respiration était saccadée, ses jambe flagellaient et son teint était pâle comme l'ivoire. Alors, il prononça c'est quelques mots :

- A l'aide, à...

Et il s'écroula sur le sable encore brûlant.

Kadraan

Kadraan s’était isolé dans son baraquement et tentait tant bien que mal de dormir un peu. La nuit, précoce en cette saison, étirait déjà son voile sombre sur les vastes déserts Fyros. Ce soir, il avait prévu d’accompagner une patrouille de la garde en direction du sud où des mouvements suspects venaient d’être signalés par une tribu locale. Dans le meilleur des cas il ne rentrerait qu’au petit matin, accompagnant les premières lueurs de l’aube. Il se retournait sur sa couche, pestant contre le sommeil qui ne parvenait pas à prendre le dessus sur le bouillonnement de ces pensées quand soudainement on vint tambouriner à sa porte.

- Commandant ! Commandant ! Cria une voix derrière la chambranle. Venez vite !

Kadraan se leva d’un bond et agrippa aussitôt le pommeau de son épée avant de jaillir de sa chambre comme une furie.

- Que se passe t-il ? Par Jena ! Le cor n’a pas sonné !

Le Libre de garde qui avait manqué d’être renversé par la soudaine irruption de son commandant hors de la chambre, s’empressa de retenir le chef des Libres.

- Non... Non, rassurez vous commandant, nous ne sommes pas attaqué ! lâcha t-il précipitamment. Un homme, un Matis est arrivé au camp. Il est blessé...

Kadraan se calma aussitôt.

- Un Matis ? Nom d’un... Que peu faire un matis seul dans le désert à des kilomètres du comptoir marchand le plus proche ? Conduisez moi à lui, vite !

Kadraan accompagna le Libre jusqu'à l’entrée du camp ou une petite troupe de soldat s’était rassemblée.

- Laissez le respirer ! Hurla Kadraan. Ecartez vous !

Il se pencha sur le blessé et écarta précautionneusement les lambeaux de tissus pour inspecter les blessures.

- Humm... Elles sont profondes et suintent déjà de mauvaise sève... Emmenez cet homin dans ma chambre, il n’y a pas de temps à perdre ! Ordonna t-il, et allez cherchez Leiloo ! Il n’y a qu’elle qu’y puisse encore faire quelque chose...

Leiloo

Leiloo fut conduite à la chambre du commandant en chef des libres frontaliers. A peine entrée, elle se dirigea vers le chevet du blessé. Sans un mot, elle commença à examiner le Matis. Son visage n'exprimait aucun sentiment, ni ne laissait paraître le moindre indice quand à la santé du guerrier.

- Qu'a t'il bien pu arriver à cet Homin? Il est incroyablement résistant, beaucoup seraient mort s'ils avaient connu ne serait-ce que la moitié de ses blessures. Je vais faire mon possible... Apportez de l'eau.

La nuit fut longue. Pendant de longues heures, la chambrée de Kadraan fut baignée des couleurs des incantations de Leiloo. Tantôt vertes, tantôt bleues, ou rouges. Puis... plus rien. Un murmure passa parmi les hommes qui patientaient dehors. Ceux qui s'étaient endormis se réveillèrent au son des chuchottements de leurs compagnons. Tous voulaient savoir ce qu'il se passait, mais seul Kadraan était resté avec Leiloo et le guerrier Matis. Soudain la porte s'ouvrit, et Kadraan apparu, la jeune Tryker dans les bras.

Kadraan

- Elle est juste épuisée, déclara t-il simplement au spectacle des visages décomposés de ces hommes. Le Matis est quant à lui hors de danger.

Kadraan tendit le corps assoupit de Leiloo à Noewyr, le capitaine de la Garde Noire.

- Va coucher la petite, mon ami, elle aura bien mérité son repos !

Il se retourna vers ses hommes.

- Préparez un bol d'eau et une coupe de fruit sec pour le Matis. Et postez deux gardes devant la porte de la chambre. Que l'on aille me chercher dès qu'il sera reveillé...

Zakharias

Les paupières du jeune Matis s'ouvrirent l'une après l'autre. Après que ses yeux se soient accoutumés à la lumière du jour , il observa attentivement l'endroit où il se trouvait. Comment était-il arrivait là ? Et quel était cet endroit ? Il n'en savait rien. Pire encore, il était incapable de se souvenir des jours précédents. Il se rappellait de la cause de sa fuite, d'ailleurs il entendait encore cette voix dans sa tête "Cours, Zakharias, cours !", et puis plus rien, à part son arrivée, blessé, dans ce campement Fyros.

Il passa la main sur son visage et son torse et sentit que ses blessures avaient toutes cicatrisées. Il se redressa et s'assit au bord du lit. Il aperçut alors un bol d'eau posé sur une petite table à proximité. Il l'attrapa et but d'un seul trait. Juste à côté, il vit une coupe remplie de fruit sec. Il s'en empara et avala son contenu. Depuis quand n'avait-il pas mangé ? Il n'en savait rien.

Après s'être rassasié, il trouva des vêtements pliés au bord du lit. Ses hôtes semblaient être accueillants et avoir pensé à tout. Habillé, il fit quelques pas dans la chambre puis se décida à sortir dehors.

Kadraan

Kadraan arpentait le chemin de garde de la palissade, les yeux fixés vers un désert encore obscurcit de ténèbres. Le jour n’allait certainement pas tarder à poindre se dit le Commandant des Libres après une rapide estimation du temps écoulé depuis l’arrivée du Matis.

Le pas rapide d’un garde foulant la sciure dans sa direction le sortit de ses pensées.

- L’étranger s’est réveillé ? demanda t-il en descendant la petite échelle du mur de guet.
- Oui commandant. Il vient tout juste de sortir de sa chambre et nous lui avons demandé d’attendre votre venue.
- Très bien. Je vais le rencontrer...


Kadraan réajusta l’épaisse ceinture autour de sa taille et vérifia l’attache de son arme avant de pénétrer dans la pièce où attendait l’inconnu.

- Je suis ravi de constater que vous êtes dans un bien meilleur état que lorsque nous vous avons ramassé, dit Kadraan en apercevant le Matis debout dans un coin de la salle. Je suis Kadraan Gor, Commandant en chef des Libres Frontaliers. J’ose espérer que vous allez pouvoir nous éclairer sur les raisons de votre présence parmi nous ajouta t-il en se présentant face au jeune homin.

Zakharias

Dans un premier temps, le jeune homin fut déstabilisé par l'homme qui se tenait devant lui. Il était si imposant, il avait l'air si puissant... et pourtant la gentillesse et la bienveillance se lisaient sur son visage. Après un instant de silence, il se décida à répondre à son interlocuteur :

- Avant de vous raconter les mésaventures qui m'ont conduites jusqu'à vous, je tiens à vous remercier de votre hospitalité. Sans votre aide, je ne serais sûrement plus de ce monde, même si hier, ma seule volonté était de mourir...

Zakharias baissa la tête un instant, laissa passer un bref silence puis continua :

- Mon nom est Zakharias Sary. Il y a encore quelques jours, je vivais dans un petit village Matis loin de ce désert. Et... il y a encore quelques jours... j'avais des parents...

Des images de ce matin là revinrent alors à son esprit. Il secoua la tête, se ressaisit et poursuivit :

- Un matin, alors que tout le village dormait encore, je fus réveillé par des cris, des cris qui m'étaient familiers, des cris qui nous sont à tous familiers : les Kitins nous attaquaient. Lorsqu'on sonna l'alerte, la sève se glaça dans mon corps. J'entendis mon père descendre quatre à quatre les marches de l'escalier. Il attrapa le fourreau de son épée et sortit de la maison pour défendre le village avec les autres hommes. Je savais que moi aussi je devais prendre les armes et combattre mais mes membres refuser de bouger, tout mon corps était cloué au lit. C'est alors que je vis ma mère descendre l'escalier et s'approcher de moi. Elle était calme, sereine. Elle vint se coller contre moi et me prit dans ses bras...

Une larme commença à couler sur la joue du jeune homin.

- Nous sommes restés ainsi, terrorisés par les cris des Kitins et les hurlements des Homins. Et puis les hurlements se firent de plus en plus rare. Alors ma mère se risqua à jeter un coup d'oeil par la fenêtre... Elle se retourna vers moi et m'ordonna de passer par la porte de derrière et de fuir, de fuir le plus loin possible. Sans un mot, j'executa ses ordres. Par chance, ce côté de la ville était encore désert. J'avais l'opportunité de survivre. Mais je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'oeil dans mon dos... Et je le vis..... étendu au sol..... Mon... mon père......... Je me précipita vers lui, priant Jena pour qu'il soit encore en vie, mais les Kitins l'avaient tué ! Les larmes ruisselèrent sur mon visage... J'étais en danger mais je ne pouvais me résigner à abandonner mon père ! Alors j'entendis ma mère crier "Cours, Zakharias, cours !" puis... puis le bruit de la chaire transpercée...... Je tourna la tête... et... et je la vis, empalée... sur la patte d'un Kitin...... J'étais seul à présent... Je n'avais plus de raison de vivre... Et pourtant... je détourna la tête de mes géniteurs et... et me mis à courir... à courir de toutes mes forces... Je ne sais pas combien de temps j'ai couru ni combien de kilomètres j'ai parcouru... La seule chose dont je me souvienne... c'est de mon arrivée ici...

Le jeune homin s'assit et pris sa tête dans ses bras. Il éclata en sanglots.

- Je... je... je n'ai plus de maison... plus... plus de parents... plus d'...d'amis... Je n'ai plus rien... Seulement... seulement des cauchemars...

Kadraan

Kadraan resta un instant immobile, le visage grave.

Pendant plusieurs secondes il ne put s'empêcher de se ressasser intérieurement le récit du Zakharias, re-visualisant les images boulversantes qu'il venait de faire naître dans son esprit. La machoîre serrée, il reporta finalement son regard dans les yeux du jeune Matis et soupira.

- Tu as quel âge, petit ? S' il reste des survivants dans ton village il est du devoir des Libres de les secourir. Dans tous les cas nous devons nous rendre sur place prévenir et protéger les populations avoisinantes. Et ... il hésita ... accorder une sépulture décente à ceux qui sont tombés ...

Kadraan jura intérieurement. Des mouvements Kitins avaient été signalés sporadiquement ces dernières semaines mais voilà bien longtemps que les insectoïdes n'avaient pas massacré un village entier. Les temps s'annonçaient bien sombres, pensa t-il.

- Si tu as de la famille ailleurs, nous essaierons de te ramener jusqu'a elle dès que l'occasion s'en présentera. Je ne peux pas de donner de date précise, nous risquons d'avoir fort à faire dans les jours et les semaines à venir.

En attendant, nous t'offrons l'hospitalité bien volontier. Si tu le souhaites, tu pourra également emprunter la prochaîne caravane pour la ville qui devrait faire escale dans nos murs d'ici deux ou trois jours. Ce n'est pas un choix de roi mais c'est tout ce que je peux te proposer.

Dès demain, quinze de mes hommes partiront vers ton village pour prendre les premières dispositions. J'aimerais pouvoir en envoyer davantage mais nous sommes déjà en sous effectif et nous devons lutter sur plusieurs fronts ... Libre à toi des les accompagner si tu le souhaites mais ils ne pourront garantir ta protection.

Kadraan posa une main sur l'épaule du jeune homin en hochant la tête et il lui adressa un regard d'encouragement.

- Le choix t'appartient, Zakharias, il te faudra être fort ...

Kadraan se retourna et quitta la pièce s'en en ajouter d'avantage. Il fallait désormais laisser au jeune Matis le temps du recueillement.

Zakharias

Le Commandant en chef des Libres sortit de la pièce et laissa le jeune homin fasse à ses interrogations.

Mais, en une seconde, Zakharias prit sa décision. Il ne voulait pas renouer avec son passé.

D'un bond, il se leva, puis se précipita à l'extérieur d'un pas rapide pour trouver Kadraan.

Kadraan

Kadraan entendit derrière lui la porte souvrir à la volée. Il se retourna et vit le Matis se précipiter dans sa direction.

- Que se passe t-il, Zakharias ? Tu as besoin d'autre chose ?

Zakharias

Le jeune homin avait cherché Kadraan plusieurs minutes avant d'arriver en trombe dans sa cabane. Il était encore tout essouflé lorsqu'il commença à parler :

- Commandant, vous m'avez dit de faire un choix, vous m'avez dit d'être fort ! Je veux apprendre la force à vos côtés ! Je ne veux pas retourner chez moi, ce n'est plus chez moi ! Je veux combattre à avec vous, je veux rentrer chez les Libres Frontaliers !

Zakharias était excité. Il avait pris sa décision sur l'instant, sur un coup de tête, pourtant il savait que c'était la décision à prendre, oui, c'était la bonne décision.

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