Les Arcanes de Coriolis ou l’histoire du Culte du Grand Dragon : Différence entre versions

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''Ce document d'archive, rédigé à [[Jen-Laï]] en 2533 puis volé en 2553, fut retrouvé sur la dépouille d'un initié du [[Culte du Grand Dragon]].''
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''Ce cube d'ambre a été créé à [[Jen-Laï]] en 2533. En 2597, il a fait l'objet d'une restauration à l'occasion du sommet académique de Pyr.''
  
Pour connaître la véritable histoire du [[Culte du Grand Dragon]], il nous faut remonter dans le temps jusqu'à l'année de Jena 2435, où, sous le règne d'[[Abylus l'Érudit]], l'Empire autorisa une expédition minière à se rendre dans les plaines de Coriolis afin d'y exécuter des fouilles sur des ruines mystérieuses.
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Pour connaître la véritable histoire du [[Culte du Grand Dragon]], il nous faut remonter dans le temps jusqu’à l’année de Jena 2435, où, sous le règne d’[[Abylus L'Érudit]], l’Empire autorisa une expédition minière à se rendre dans les plaines de Coriolis afin d’y exécuter des fouilles sur des ruines mystérieuses.
Les fouilles durèrent pendant plus de deux cycles atysiens, durant lesquels les familles des mineurs vivaient au rythme des lettres qui leur parvenaient par la caravane reliant la ville de [[Coriolis]] à celle de [[Fyre]]. L'espoir de ces familles fut brisé lorsque la nouvelle du Grand Incendie leur parvint. La ville de Coriolis, ainsi que le site des fouilles étaient en cendres, ne laissant aucun doute quant au sort de l'expédition minière. La correspondance entre les mineurs et leur famille prit alors un caractère sacré. Les érudits de l'Académie de Fyre rédigèrent des copies de ces lettres et les rassemblèrent dans un recueil sous le nom d'Arcanes de Coriolis.
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Les fouilles durèrent pendant plus de deux cycles atysiens, durant lesquels les familles des mineurs vivaient au rythme des nouvelles qui leur parvenaient par la caravane reliant la ville de [[Coriolis]] à celle de [[Fyre]]. L’espoir de ces familles fut brisé lorsque la nouvelle du Grand Incendie leur parvint. La ville de Coriolis, ainsi que le site des fouilles étaient en cendres, ne laissant aucun doute quant au sort de l’expédition minière.
Peu superstitieux de nature, c'est pourtant avec une ferveur nouvelle que les patriotes compulsaient cet ouvrage. Car, à la lumière des découvertes dont il regorgeait, le Grand Incendie prenait un sens mystique.
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L'histoire des mineurs disparus prit alors un caractère sacré. Leurs familles formèrent le socle d’un culte secret pratiqué à Fyre : le Culte du Grand Dragon. Ainsi, sur plusieurs générations, les fidèles de ce culte organisèrent des assemblées et vénérèrent Fyrak, le Grand Dragon, sans que le reste de l’Empire considère cela autrement que comme un devoir de mémoire. Cependant le regard que le peuple fyros posait sur cette secte devait se voir modifier par l’événement le plus sombre de l’Histoire atysienne…
Les familles des mineurs disparus formèrent le socle d'un nouveau culte pratiqué à Fyre : le Culte du Grand Dragon. Ainsi, sur plusieurs générations, les fidèles de ce culte organisèrent des assemblées et vénérèrent Fyrak, le Grand Dragon, sans que le reste de l'Empire considère cela autrement que comme un devoir de mémoire. Cependant le regard que le peuple fyros posait sur ce culte devait se voir modifier par l'évènement le plus sombre de l'Histoire atysienne...
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Alors que les kitins déferlaient sur l’Écorce, semant la mort dans leur sillage, les membres dirigeants du Culte du Grand Dragon virent en eux la matérialisation effroyable du Grand Dragon et surent qu'il leur envoyait sa progéniture. On suppose qu’ils furent tous décimés alors qu’ils priaient Fyrak d’épargner ses fidèles.
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Le Grand Essaim aurait pu signer la fin du Culte du Grand Dragon mais il n’en fut rien.
  
 
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Alors que les kitins déferlaient sur l'Écorce, semant la mort dans leur sillage, nombre de fyros virent en eux la matérialisation effroyable des bas-reliefs décrits dans les Arcanes de Coriolis et surent que le Grand Dragon leur envoyait sa progéniture. On suppose que les membres du Culte du Grand Dragon furent tous décimés alors qu'ils priaient Fyrak d'épargner ses fidèles.
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Un jour, Liriope était en train d’aider sa mère à faire sécher la viande sur le toit. Soudain, elles avaient entendu un vrombissement étrange, bientôt suivi d’un mouvement de panique dans les rues de Fyre. À cet instant, Liriope ignorait que toute sa vie était en train de basculer… Une saison seulement avait passé depuis, mais il ne restait rien de son innocence d’enfant. Des images insoutenables hantaient désormais ses nuits. Que seraient-ils tous devenus sans l’aide des membres de cette obscure organisation, la Karavan, qui avaient permis à une poignée d’entre eux d’échapper au génocide ? Et pourtant, plus que jamais, la Karavan faisait l’objet de suspicions car nombre des leurs avaient péri lors du Grand Essaim. Ainsi ceux qui s’autoproclamaient émissaires divins étaient aussi mortels que tout autre homin ! Même en ces heures sombres où chacun pleurait des proches, Liriope sentait bien que ce constat réjouissait les survivants fyros, qu’une ancestrale rivalité opposait à la Karavan.
Le Grand Essaim aurait pu signer la fin du Culte du Grand Dragon mais il n'en fut rien. Il connut une seconde naissance durant l'Exode...
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Que dire de ces années de Jena passées sous l’Écorce, dans la précarité et la peur au ventre ? Des années éreintantes où l’hominité dut son salut à un espoir infaillible en des lendemains meilleurs. Jamais autant que lors de l’Exode, la foi n’unifia les homins… Liriope n’oublierait pas ces nuits d’insomnie où elle observait les survivants zoraïs, ces êtres masqués, qui procédaient à d’étranges cérémonies. Ces nuits-là, elle aussi priait pour que plus jamais les horreurs auxquelles elle avait assisté ne se reproduisent. « Que le Grand Incendiaire nous épargne ! »
Pour la première fois, des survivants zoraïs se mêlèrent aux autres peuples, entourés de leurs divinités, les Kamis. Les survivants fyros, anéantis par la colère foudroyante du Grand Dragon, reconnurent les Kamis comme d'autres figures légendaires des Arcanes de Coriolis. En une cinquantaine d'année cet ouvrage avait acquis une telle popularité qu'aucun patriote n'ignorait ses allusions aux esprits du désert. Par curiosité, certains survivants fyros se joignirent aux assemblées zoraïs réunies autour du Grand Sage Fung-Tun. Ainsi, c'est sous l'Écorce, au milieu d'une hominité exsangue, que naquit le Kamisme fyrakiste, un courant kamiste singulier mêlant, aux enseignements des zoraïs, les croyances issues du Culte du Grand Dragon.
 
  
 
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Un jour, Liriope était en train d'aider sa mère à faire sécher la viande sur le toit. Soudain, elles avaient entendu un vrombissement étrange, bientôt suivi d'un mouvement de panique dans les rues de Fyre. A cet instant, Lirope ignorait que toute sa vie était en train de basculer... Une saison seulement avait passé depuis, mais il ne restait rien de son innocence d'enfant. Des images insoutenables hantaient désormais ses nuits. Que seraient-ils tous devenus sans l'aide des membres de cette obscure organisation, la Karavan, qui avaient permis à une poignée d'entre eux d'échapper au génocide ? Et pourtant, plus que jamais la Karavan faisait l'objet de suspicions car nombre des leurs avaient péri lors du Grand Essaim. Ainsi ceux qui s'autoproclamaient émissaires divins étaient aussi mortels que tout autre homin ! Même en ces heures sombres où chacun pleurait des proches, Liriope sentait bien que ce constat réjouissait les survivants fyros, qu'une ancestrale rivalité opposait à la Karavan.
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Alors que le brasier éternel du Bûcher de Cerakos s’érigeait dans le désert des Nouvelles Terres, les mélopées lancinantes des fyrakistes s’élevaient à nouveau sous la canopée. Des innommables horreurs dont avaient été témoins les survivants fyros, un sentiment était né, que ne pouvaient encore comprendre les autres peuples. Les fyrakistes avaient la conviction d’avoir assisté à la réalisation de quelques prophéties profanes pressenties par les martyres de l’expédition minière des plaines de Coriolis.
Que dire de ces années de Jena passées sous l'Écorce, dans la précarité et la peur au ventre ? Des années éreintantes où l'hominité dut son salut à un espoir infaillible en des lendemains meilleurs. Jamais autant que lors de l'Exode, la foi n'unifia les homins... Liriope n'oublierait pas ces nuits d'insomnie où elle observait les survivants zoraïs, ces êtres masqués, toujours entourés d'esprits atysiens, qui procédaient à d'étranges cérémonies. Ces nuits-là, elle aussi priait pour que plus jamais les horreurs auxquelles elle avait assisté ne se reproduisent. « Que le Grand Incendiaire nous épargne ! »
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L’état de grâce de la communauté fyrakiste prit fin lorsque la Régente Leanon vint à mourir. Deux années après sa prise de fonction, le jeune sharükos Dexton accorda sa protection à son ami, Mabreka Cheng-Ho, banni des terres zoraïs par le Grand Sage Fung-Tun. Le sharükos se montra sensible au kamisme des Révélations professé par le disciple d’Hoï-Cho, qui, durant son exil, convertit un grand nombre de patriotes à ce nouveau courant kamiste. Les fyrakistes virent d’un très mauvais œil cette conversion de masse à Ma-Duk et eurent recours à la violence pour tenter de maintenir leur assise parmi les patriotes. Le sharükos, craignant une flambée de violence, prit alors la décision de bannir les fyrakistes hors du Désert. Sur son ordre, une caravane d’exilés fut escortée par la Garde Impériale jusqu’à la frontière zoraï.
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Arrivés en Pays Malade, les fyrakistes n’eurent d’autre choix que de demander asile à la Théocratie. Après s'être concerté, le Conseil des Sages répondit favorablement à leur requête et installa les réfugiés à Jen-Laï. Plusieurs cycles s’écoulèrent, au cours desquels la communauté fyros s’intégra au peuple masqué. Lorsqu’un incendie ravagea la jungle, les fyrakistes furent les premiers à pointer du doigt les commerçants de l’Empire traversant la jungle. Y voyant un signe du jugement du Grand Dragon, ils prirent les armes pour défendre les frontières zoraïs contre l’Empire. Les troupes impériales tentèrent à maintes reprises de percer les défenses zoraïs sans y parvenir. Jusqu’au jour où le sharükos en personne vint aux frontières, escortant son ami Mabreka Cheng-Ho. Tous les soldats zoraïs baissèrent les armes devant le disciple d’Hoï-Cho. Tous, sauf les fyrakistes qui lui vouaient toujours une haine féroce et qui durent être maîtrisés.
  
 
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Alors que le brasier éternel du Bûcher de Cerakos s'érigeait dans le désert, les mélopées lancinantes du Culte du Grand Dragon s'élevaient à nouveau sous la canopée. Des innommables horreurs dont avaient été témoins les fondateurs du nouveau culte kamiste fyrakiste, un sentiment était né, que ne pouvait encore comprendre les autres peuples. Les fyrakistes avaient la conviction d'avoir assisté à la réalisation de quelques prophéties profanes pressenties par les martyres de l'expédition minière des plaines de Coriolis. La vive émotion qui berçait le cœur des fyrakistes trouva une issue dans l'avènement de la Voie du Repentir qui devint rapidement la clef de voûte du Culte. Certains que leur peuple avait attiré le courroux de Fyrak sur l'hominité, les fyrakistes n'eurent cesse d'étoffer leur pratique religieuse dans l'ultime but d'apaiser le Grand Incendiaire, second aspect du Kami Suprême. Ayant appris du peuple zoraï que la préservation d'Atys prévalait dans le Grand Dessein de Jena, les fyrakistes s'opposèrent de plus en plus vigoureusement à la Karavan. La défiance vis-à-vis de celle-ci était traditionnelle chez les mineurs de l'Empire mais la nouvelle ferveur des membres du Culte lui donna un élan décisif. La Karavan amorça des mesures répressives à l'encontre des mineurs mais les Kamis intervinrent pour les protéger. A peine trois années de Jena après la fondation de Pyr, les fyrakistes obtinrent le bannissement des autels de la Karavan hors des villes impériales.
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Liriope courait à travers la jungle. Elle avait laissé son échoppe à sa fille, pour rejoindre en hâte la Cité-Temple de Jen-Laï. La nouvelle se propageait comme une traînée de poudre dans les quartiers de Zora : le jeune Mabreka Cheng-Ho revenait au Pays, et un traité de paix allait être conclu avec l’Empire. « Fyrak tout Puissant ! » jura la vieille fyros, tout en redoublant d’efforts. Alors qu’elle atteignait les portes de la Cité-Temple où les fyrakistes avaient élu domicile, un garde l’interpella : « Liriope Miko, que t’arrive-t-il ? N’est-ce pas jour de marché, aujourd’hui ? » Reprenant son souffle, la Fyros haleta : « Mabreka Cheng-Ho a été repéré à la frontière ! Il est acclamé par le peuple qui voit en lui son nouveau guide. » Le garde la dévisagea d’un air grave puis tourna les talons. À peine sa silhouette avait-elle disparu qu’un jeune masque sortit de derrière un bosquet. Liriope sursauta : « Nuo Tun, tu as tout entendu ? » Nuo Tun adressa un regard mystérieux à la Fyros : « C’est une bonne chose. L’état de santé de Père l’éloigne de plus en plus de ses responsabilités. J’imagine que son abdication ne sera qu’une formalité. Cependant… » Nuo Tun posa une main sur l’épaule de l’ancienne. « Cependant j’ai une faveur à te demander ».
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Liriope retint son souffle en pénétrant dans les bâtiments flottants de l’Ordre Me-Smer. Reconnaissant un visage familier, elle héla un fyrakiste qui traversait le hall. Celui-ci, respectueux de son grand âge, lui donna le bras et l’accompagna jusqu’à la salle des archives. Alors qu’ils passaient en revue les différents casiers à cubes d’ambre, une rumeur leur parvint du couloir. La nouvelle de l’arrivée de Mabreka Cheng-Ho était parvenue jusqu’à l’Ordre. Le fyrakiste sortit voir ce qu’il se passait, laissant la vieille fyros sans surveillance. Suivant scrupuleusement les indications de Nuo Tun, Liriope se saisit des cubes les plus précieux et sortit discrètement. Déjà, des soldats de la Guilde de Cho investissaient la ville, arrêtant les membres de l’Ordre.
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Nuo Tun attendait Liriope aux portes de la Cité. Il sourit imperceptiblement à son approche. « Je savais pouvoir te faire confiance » dit-il, laconique. Le masque impassible du jeune homin s’inclina en signe de respect.
  
 
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L'état de grâce du culte kamiste fyrakiste prit fin lorsque la Régente Leanon vint à mourir. Deux années après sa prise de fonction, le jeune Sharükos Dexton accorda sa protection à son ami, Mabreka Cheng-Ho, banni des terres zoraïs par le Grand Sage Fung-Tun. Le sharükos se montra sensible au kamisme des Révélations professé par le disciple d'Hoï-Cho, qui, durant son exil, convertit un grand nombre de patriotes à ce nouveau courant kamiste. Les fyrakistes virent d'un très mauvais œil cette conversion de masse à Ma-Duk et eurent recours à la violence pour tenter de maintenir leur assise parmi les patriotes kamistes. Le sharükos, craignant une flambée de violence, prit alors la décision de bannir les fyrakistes hors du Désert. Sur son ordre, une caravane d'exilés fut escortée par la Garde Impériale jusqu'à la frontière zoraï.
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Une fois de plus en disgrâce, les fyrakistes connurent leurs premières dissensions internes. Les fyrakistes modérés, s'étant intégrés, parfois jusquaccéder à des postes de petits fonctionnaires, reconnurent la légitimité de Mabreka-Cho et refusèrent de suivre les fyrakistes les plus fanatiques qui quittèrent la Théocratie pour s'enfoncer dans les Primes Racines. Dans ces profondeurs, les exilés découvrirent une ville fyros du nom de Leron où ils menèrent une vie clandestine plusieurs années durant. Le mystère demeure sur ce qui causa la perte de Leron mais il se murmure que le Culte du Grand Dragon y aurait tenu un rôle prépondérant.
Arrivés en Pays Malade, les fyrakistes n'eurent d'autre choix que de demander asile à la Théocratie. Après concertation interne, le Conseil des Sages répondit favorablement à leur requête et installa les réfugiés à Jen-Laï. Plusieurs cycles s'écoulèrent, au cours desquels la communauté fyros s'intégra au peuple masqué. Lorsqu'un incendie ravagea la jungle, les fyrakistes furent les premiers à pointer du doigt les commerçants de l'Empire traversant la jungle. Y voyant un signe du jugement du Grand Dragon, ils prirent les armes pour défendre les frontières zoraïs contre l'Empire. Les troupes impériales tentèrent à maintes reprises de percer les défenses zoraïs sans y parvenir. Jusqu'au jour où le sharükos en personne vint aux frontières, escortant son ami Mabreka Cheng-Ho. Tous les soldats zoraïs baissèrent les armes devant le disciple d'Hoï-Cho. Tous, sauf les fyrakistes qui lui vouaient toujours une haine féroce et qui durent être maîtrisés.
 
  
 
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Liriope courait à travers la jungle. Elle avait laissé son échoppe à sa fille Jezabel, pour rejoindre en hâte la Cité-Temple de Jen-Laï. La nouvelle se propageait comme une traînée de poudre dans les quartiers de Zora : le jeune Mabreka Cheng-Ho revenait au Pays, et un traité de paix venait d'être conclu avec l'Empire. « Fyrak tout Puissant ! » jura la vieille fyros, tout en redoublant d'efforts. Alors qu'elle atteignait les portes de la Cité-Temple où les fyrakistes avaient élu domicile, un garde l'interpela : « Liriope Miko, que t'arrive-t-il ? N'est-ce pas jour de marché, aujourd'hui ? » Reprenant son souffle, la fyros haleta : « Mabreka Cheng-Ho a été repéré à la frontière ! Il est acclamé par le peuple qui voit en lui leur nouveau guide. » Le Garde la dévisagea d'un air grave puis tourna les talons. A peine sa silhouette avait-elle disparu qu'un jeune masque sortit de derrière un bosquet. Liriope sursauta : « Nuo Yama, tu as tout entendu ? » Nuo Tun sourit mystérieusement à la fyros : « C'est une bonne chose. L'état de santé de Père l'éloigne de plus en plus de ses responsabilités. J'imagine que son abdication ne sera qu'une formalité. Cependant... » Nuo Tun posa une main sur l'épaule de l'ancienne. « Cependant j'ai une faveur à te demander ».
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Plus ils progressaient sous l'Écorce, plus la présence de l'Incendiaire se faisait sentir. La Karavan avait longtemps défendu aux homins de descendre dans les Primes Racines de peur qu'ils ne tirent le Dragon de son sommeil séculaire. Pourtant des fyros avaient toujours bravé cet interdit dans leur quête du Dragon. Aetis guidait à présent les siens à travers des paysages toujours plus obscurs vers la ville qui, d'après sa prédiction, leur offrirait le nouveau départ auquel ils aspiraient. C'est dans ces profondeurs, au plus près de l'Incendiaire, que le Culte renaîtrait, il en était convaincu. Au terme d'un long périple, Leron apparut enfin sous leurs yeux et les traits tirés d'Aetis s'éclairèrent subitement. Son regard croisa celui de ses compagnons et il s'exclama « Saluons le Dragon ». Une toute nouvelle vie s'ouvrait à eux…
Liriope retint son souffle en pénétrant dans les bâtiments flottants de l'Ordre Mé-Smèr. Reconnaissant un visage familier, elle héla un fyrakiste qui traversait le hall. Celui-ci, respectueux de son grand âge, lui donna le bras et l'accompagna jusqu'à la salle des archives. Alors qu'ils passaient en revue les différents casiers à cubes d'ambre, une rumeur leur parvint du couloir. La nouvelle de l'arrivée de Mabreka Cheng-Ho était parvenue jusqu'à l'Ordre. Le fyrakiste sortit voir ce qu'il se passait, laissant la vieille fyros sans surveillance. Suivant scrupuleusement les indications de Nuo Tun, Liriope se saisit des cubes les plus précieux et sortit discrètement. Déjà, des soldats de la Guilde de Cho investissaient la ville, arrêtant les membres de l'Ordre.
 
Nuo Tun attendait Liriope aux portes de la Cité. Il sourit imperceptiblement à son approche. « Je savais pouvoir te faire confiance » dit-il, laconique. Le masque impassible du jeune homin s'inclina en signe de respect. « Je vais te confier d'autres ouvrages qui ne devront pas tomber entre n'importe quelles mains. » Nuo Tun n'eut pas à en dire davantage. La doyenne des fyrakistes s'était vue octroyer le titre de Gardienne des Arcanes par les membres de son Culte qui entendaient protéger leurs ouvrages les plus précieux. C'était aujourd'hui au tour de Nuo Tun de placer en elle sa confiance. Elle ne le décevrait pas, quel qu'en soit le prix à payer.
 
  
 
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Une fois de plus en disgrâce, le culte kamiste fyrakiste connut ses premières dissensions internes. Les fyrakistes les plus modérés, s'étant intégrés, parfois jusqu'à accéder à des postes de petits fonctionnaires, refusèrent de suivre les fyrakistes les plus fanatiques, qui prônaient des actions violentes visant à fragiliser la position du nouveau guide, Mabreka-Cho. Dix années de Jena durant, les réfugiés fyrakistes s'entredéchirèrent, au point que lorsque le sharükos les gracia en signant l'amnistie de 2515, la communauté fyrakiste se dispersa. Les mieux intégrés à la Théocratie virent leur nationalité zoraï reconnue et les autres repartirent pour l'Empire où la plupart entrèrent dans la clandestinité.
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Sous l'impulsion d'Aetis Mekops, le courant fyrakiste de Leron tourna le dos aux enseignements du peuple zoraï pour embrasser une destinée impie. Ils se firent appeler les Initiés du Culte du Grand Dragon, vénérant exclusivement le Grand Incendiaire et allant jusqu'à sacrifier d'innocents homins pour hâter l'avènement de Fyrak. La folie qui s'empara d'Aetis Mekops et des autres Initiés du Culte du Grand Dragon demeure inexpliquée mais elle les conduisit à commettre de nombreuses atrocités.
  
 
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Des recherches approfondies sur le courant fyrakiste de Pyr permettent aujourd'hui de pouvoir consigner son histoire. De retour à Pyr, les fyrakistes fanatiques avaient pris pour habitude de se réunir en assemblées clandestines afin de perpétuer leurs rites. Les saisons passaient et ils commençaient à s'habituer à vivre dans l'ombre lorsqu'une nuit, ils furent contactés par un fyros richement vêtu qui se présenta sous le nom d'[[Aetis Mekops]]. Ils apprirent de sa bouche que le Culte du Grand Dragon n'avait pas disparu de l'Empire mais s'était réorganisé en une société secrète, tendant à renouer avec les pratiques ancestrales d'avant le Grand Essaim. Au contact d'Aetis Mekops, les fyrakistes de Pyr tournèrent définitivement le dos au kamisme et aux enseignements du peuple zoraï pour embrasser une destinée impie. Ils devinrent des initiés du Culte du Grand Dragon, vénérant exclusivement le Grand Incendiaire, sacrifiant d'innocents homins en son nom et travaillant sans relâche à l'avènement de Fyrak. Vouant leur existence à la seule destruction, les initiés du Culte du Grand Dragon allèrent jusqu'à envisager de concevoir une arme leur permettant de venir à bout des représentants atysiens des deux aspects du Kami Suprême. Ni les kamis, ni les kitins ne pourraient plus les empêcher d'invoquer Fyrak. Un plan machiavélique vit alors le jour, qui scella l'avenir du culte tout entier.
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Le feu purificateur du Grand Incendiaire avait fait son œuvre implacable de destruction et, parmi les ruines de Leron, Aetis brandissait le Livre du Dragon, symbole de la renaissance de son Culte. Galvanisés par le message d'Aetis, les fidèles qui l'entouraient étaient désormais prêts à aller jusqu'au bout de ses ignobles desseins. Il n'était plus temps de reculer. L'avenir du Culte était scellé. Laissant derrière eux les cendres de leur ancien refuge, les fanatiques se mirent en route pour atteindre leur prochaine étape. Jen-Laï paierait la première son tribut de sang...
  
 
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Jezabel et son époux Darius se tenaient côte à côte sur le pas de la porte, observant tendrement leur fils endormi. Jezabel se tourna vers sa mère et lui sourit. « Veille bien sur lui ! » Jezabel ne s'était encore jamais séparée de son fils et sa gorge se noua alors que son mari l'entraînait déjà vers la porte. Liriope était fière de sa fille et de son gendre. L'armure de la Garde Dynastique leur seyait à merveille. Ils reviendraient victorieux de leur campagne au Nœud de la Démence, elle en était convaincue. Elle leur fit un rapide signe de la main, tandis qu'ils prenaient la direction de l'étable, puis se prépara à aller se coucher. Allongée sur son lit, la doyenne ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle ressassait inlassablement les découvertes dont elle était devenue la dépositaire. Nuo Tun lui avait confié des cubes d'ambre qui avaient bouleversé le cours de sa vie. Impossible de fermer l'œil depuis qu'elle abritait de tels secrets sous son toit. Des images de Goo ne cessaient de hanter ses nuits. Soudain, la vieille homine tressaillit. Son instinct lui indiquait une présence étrangère dans l'appartement. Se redressant péniblement, elle entrevit une ombre penchée sur son bureau. Lorsqu'elle reconnut l'intrus, Liriope ne put retenir une exclamation de surprise mais l'ombre fondit aussitôt sur elle, rapide comme l'éclair. La doyenne eut alors l'horrible impression qu'on pénétrait son esprit et perdit connaissance. Lorsqu'elle émergea de sa torpeur, Liriope se précipita à tâtons jusqu'à la porte de l'appartement pour appeler à l'aide. Sur le seuil, ses pieds butèrent sur le corps d'un enfant. La bouche de la doyenne se déforma dans un cri. Lorsque les initiés de Jen-Laï accoururent, ils la trouvèrent errant dans les premières lueurs de l'aube, portant à bout de bras le corps de l'enfant atrocement mutilé. Le crâne du petit avait été rasé et on y avait dessiné un dragon effroyable avec son sang. On tenta en vain de retirer l'enfant mort des bras de sa grand-mère. Celle qu'on appelait la Gardienne des Arcanes venait de sombrer dans la démence.
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La fille de Liriope se tenait sur le pas de la porte, aux côtés de son époux, et observait tendrement leur fils endormi. Se tournant vers sa mère, elle lui sourit. « Veille bien sur lui ! » Elle ne s’était encore jamais séparée de son fils et sa gorge se noua alors que son mari l’entraînait déjà vers la sortie. Liriope était fière de sa fille et de son gendre. L’armure de la Garde Dynastique leur seyait à merveille. Ils reviendraient victorieux de leur campagne au Nœud de la Démence, elle en était convaincue. Elle leur fit un rapide signe de la main, tandis qu’ils prenaient la direction de l’étable, puis se prépara à aller se coucher. Allongée sur son lit, la doyenne ne parvenait pas à trouver le sommeil. Soudain, la vieille homine tressaillit. Son instinct lui indiquait une présence étrangère dans l’appartement. Se redressant péniblement, elle entrevit une ombre penchée sur son bureau. Lorsqu’elle reconnut l’intrus, Liriope ne put retenir une exclamation de surprise mais l’ombre fondit aussitôt sur elle, rapide comme l’éclair. La doyenne eut alors l’horrible impression qu’on pénétrait son esprit et perdit connaissance. Lorsqu’elle émergea de sa torpeur, Liriope se précipita à tâtons jusqu’à la porte de l’appartement pour appeler à l’aide. Sur le seuil, ses pieds butèrent sur le corps d’un enfant. La bouche de la doyenne se déforma dans un cri. Lorsque les initiés de Jen-Laï accoururent, ils la trouvèrent errant dans les premières lueurs de l’aube, portant à bout de bras le corps de l’enfant atrocement mutilé. Le crâne du petit avait été rasé et on y avait dessiné un dragon effroyable avec son sang. On tenta en vain de retirer l’enfant mort des bras de sa grand-mère. Liriope venait de sombrer dans la démence.
  
 
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Lorsque je vins présenter mes condoléances à la doyenne, je la trouvais prostrée, retranchée dans son monde intérieur. Tout à mon chagrin, je m'assis à côté d'elle, espérant lui communiquer par là mon soutien. Mon frère Darius et ma belle-sœur devaient combattre les kitins en cet instant, totalement ignorants du drame qui s'était abattu sur leur foyer. Se rappelant les paroles de mon maître, le Conservateur Nuo Tun, je me relevais et me dirigeais jusqu'au bureau de Liriope où j'ouvris avec précaution le coffre de la sagesse. Les craintes de mon maître se confirmaient : le coffre était entièrement vide. Quelle profanation ! Seul un homin connaissant bien nos traditions avait pu voler les Arcanes et dessiner ce sceau impie sur le crâne de mon neveu. Serait-ce alors l'un des nôtres ? Après un dernier regard pour l'ancienne, je quittais l'appartement pour rejoindre le bâtiment des Archives de Jen-Laï où Nuo Tun m'attendait. Il posa une main sur mon épaule en silence. Le Conservateur de Jen-Laï me pria de bien vouloir écouter ce qu'il avait à me dire jusqu'au bout sans l'interrompre. Bien entendu j'accédais à la requête de mon maître mais je ne peux décrire combien il fut difficile de taire toute l'horreur qui m'emplissait à mesure que les raisons du drame qui touchait ma famille m'apparaissaient au grand jour. Par Jena et ses gardiens les Kamis ! Comment de telles impiétés pouvaient-elles être perpétrées ? Le pouvoir conféré par la Goo avait fait perdre toute conscience à bien trop d'homins. Le véritable visage du Fléau m'apparut alors. La contrepartie de toute création qui s'insinue en chaque graine de vie et la consume. Les émanations ne seraient-elles que l'expression du Grand Destructeur ?
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Lorsque je vins présenter mes condoléances à la doyenne, je la trouvais prostrée, retranchée dans son monde intérieur. Tout à mon chagrin, je m’assis à côté d’elle, espérant lui communiquer par là mon soutien. Mon frère et ma belle-sœur devaient combattre les kitins en cet instant, totalement ignorants du drame qui s’était abattu sur leur foyer. Me rappelant les paroles de mon maître, le Conservateur Nuo Tun, je me relevai et me dirigeai jusqu’au bureau de Liriope où j’ouvris avec précaution le coffre de la sagesse. Les craintes de mon maître se confirmaient : le coffre était entièrement vide. Quelle profanation ! Seul un homin connaissant bien nos traditions avait pu voler les précieux documents et dessiner ce sceau impie sur le crâne de mon neveu. Serait-ce alors l’un des nôtres ? Après un dernier regard pour l’ancienne, je quittais l’appartement pour rejoindre le bâtiment des Archives de Jen-Laï où Nuo Tun m’attendait. Il posa une main sur mon épaule en silence. Le Conservateur de Jen-Laï me pria de bien vouloir écouter ce qu’il avait à me dire jusqu’au bout sans l’interrompre. Bien entendu j’accédais à la requête de mon maître mais je ne peux décrire combien il fut difficile de taire toute l’horreur qui m’emplissait à mesure que les raisons du drame qui touchait ma famille m’apparaissaient au grand jour. Par Jena et ses gardiens les Kamis ! Comment de telles impiétés pouvaient-elles être perpétrées ? Le véritable visage du Fléau m’apparut alors. La contrepartie de toute création qui s’insinue en chaque graine de vie et la consume. Les émanations de Goo ne seraient-elles que l’expression du Grand Destructeur ?
Fyrak nous réserve à tous une part de son feu purificateur. Quand son jugement s'abat sur nous, il nous faut l'accepter car la magnifique création de Jena ne pourrait exister sans contrepartie naturelle. Je n'avais jamais vu se dessiner un tel désespoir sur le visage de mon frère... Face à la tombe fraîche de leur fils, Darius soutenait le corps affaissé de sa femme. Comment pourraient-ils jamais accepter ce que Fyrak leur imposait ?
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Fyrak nous réserve à tous une part de son feu purificateur. Quand son jugement s’abat sur nous, il nous faut l’accepter car la magnifique création de Jena ne pourrait exister sans contrepartie naturelle. Je n’avais jamais vu se dessiner un tel désespoir sur le visage de mon frère… Face à la tombe fraîche de leur fils, il soutenait le corps affaissé de sa femme. Comment pourraient-ils jamais accepter ce que Fyrak leur imposait ?
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Deux saisons s’écoulèrent avant que Liriope ne rejoigne son petit-fils au plus près des Kamis. La doyenne s’était éteinte progressivement comme si sa graine de vie avait renoncé à la lumière. Une intuition funeste s'était insidieusement emparé de notre petite communauté et, comme pour confirmer nos craintes, on nous rapporta bientôt une série de disparitions suspectes sur chaque continent. Des homins de sexes et d’origines diverses semblaient avoir été kidnappés. Nous avions des raisons de croire que certains d’entre eux subiraient le même sort que mon neveu. Quelque part sur l’Écorce, un siècle après le Grand Incendie, un demi siècle après le Grand Essaim, de dangereux fanatiques tentaient de déchaîner une fois de plus le jugement de Fyrak sur l’hominité.
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Le premier signe de son jugement s’abattit sur Pyr sous les traits d’une invasion de kitins. Bientôt la colère de Fyrak allait s’élever sous la canopée. Par chance les nations s’organisèrent et le Culte du Dragon fut démantelé à temps. Mais je reste persuadé qu’une menace rôde encore autour de nous, tapie à l’ombre des émanations de Goo du Pays Malade…
  
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''Extrait d'un cube d'ambre intitulé « Histoire du Culte du Grand Dragon »,''<br>
 
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''créé par Jezeba Dumuzi, 2533.''
Deux saisons s'écoulèrent avant que Liriope ne rejoigne son petit-fils au plus près des Kamis. La doyenne s'était éteinte progressivement comme si sa graine de vie avait renoncé à la lumière. Il fut décidé que je lui succède en tant que Gardien des Arcanes. Je ne pus qu'accepter l'honneur qui m'était fait malgré mes craintes de connaître un jour moi aussi un destin funeste. Je savais que les commanditaires du vol des Arcanes n'en resteraient pas là. Ils avaient désormais en main les connaissances les plus dangereuses qu'il m'ait été donné de détenir et allaient certainement en faire usage tôt ou tard.
 
Comme pour confirmer mes craintes on nous rapporta bientôt une série de disparitions suspectes sur chaque continent. Des homins de sexes et d'origines diverses semblaient avoir été kidnappés. Nous avions des raisons de croire que certains d'entre eux subiraient le même sort que mon neveu. Quelque part sur l'Écorce, un siècle après le Grand Incendie, un demi siècle après le Grand Essaim, de dangereux fanatiques tentaient de déchaîner une fois de plus le jugement de Fyrak sur l'hominité.
 
Le premier signe de son jugement s'abattit sur Pyr sous les traits d'une invasion de kitins. Bientôt la colère de Fyrak allait s'élever sous la canopée. Par chance les nations s'organisèrent et le Culte du Dragon fut démantelé à temps. Mais je reste persuadé qu'une menace rôde encore autour de nous, tapie à l'ombre des émanations de Goo du Pays Malade...
 
 
 
''Extraits d’un écrit intitulé « Histoire du Culte du Grand Dragon »,''<br>
 
''écrit par Jezeba Dumuzi, 2533 (JY).''
 
  
 
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Version du 12 janvier 2019 à 20:50

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Dernière édition: Tupuna, 12.01.2019
fr:Les Arcanes de Coriolis ou l’histoire du Culte du Grand Dragon

Ce cube d'ambre a été créé à Jen-Laï en 2533. En 2597, il a fait l'objet d'une restauration à l'occasion du sommet académique de Pyr.

Pour connaître la véritable histoire du Culte du Grand Dragon, il nous faut remonter dans le temps jusqu’à l’année de Jena 2435, où, sous le règne d’Abylus L'Érudit, l’Empire autorisa une expédition minière à se rendre dans les plaines de Coriolis afin d’y exécuter des fouilles sur des ruines mystérieuses. Les fouilles durèrent pendant plus de deux cycles atysiens, durant lesquels les familles des mineurs vivaient au rythme des nouvelles qui leur parvenaient par la caravane reliant la ville de Coriolis à celle de Fyre. L’espoir de ces familles fut brisé lorsque la nouvelle du Grand Incendie leur parvint. La ville de Coriolis, ainsi que le site des fouilles étaient en cendres, ne laissant aucun doute quant au sort de l’expédition minière. L'histoire des mineurs disparus prit alors un caractère sacré. Leurs familles formèrent le socle d’un culte secret pratiqué à Fyre : le Culte du Grand Dragon. Ainsi, sur plusieurs générations, les fidèles de ce culte organisèrent des assemblées et vénérèrent Fyrak, le Grand Dragon, sans que le reste de l’Empire considère cela autrement que comme un devoir de mémoire. Cependant le regard que le peuple fyros posait sur cette secte devait se voir modifier par l’événement le plus sombre de l’Histoire atysienne… Alors que les kitins déferlaient sur l’Écorce, semant la mort dans leur sillage, les membres dirigeants du Culte du Grand Dragon virent en eux la matérialisation effroyable du Grand Dragon et surent qu'il leur envoyait sa progéniture. On suppose qu’ils furent tous décimés alors qu’ils priaient Fyrak d’épargner ses fidèles. Le Grand Essaim aurait pu signer la fin du Culte du Grand Dragon mais il n’en fut rien.

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Un jour, Liriope était en train d’aider sa mère à faire sécher la viande sur le toit. Soudain, elles avaient entendu un vrombissement étrange, bientôt suivi d’un mouvement de panique dans les rues de Fyre. À cet instant, Liriope ignorait que toute sa vie était en train de basculer… Une saison seulement avait passé depuis, mais il ne restait rien de son innocence d’enfant. Des images insoutenables hantaient désormais ses nuits. Que seraient-ils tous devenus sans l’aide des membres de cette obscure organisation, la Karavan, qui avaient permis à une poignée d’entre eux d’échapper au génocide ? Et pourtant, plus que jamais, la Karavan faisait l’objet de suspicions car nombre des leurs avaient péri lors du Grand Essaim. Ainsi ceux qui s’autoproclamaient émissaires divins étaient aussi mortels que tout autre homin ! Même en ces heures sombres où chacun pleurait des proches, Liriope sentait bien que ce constat réjouissait les survivants fyros, qu’une ancestrale rivalité opposait à la Karavan. Que dire de ces années de Jena passées sous l’Écorce, dans la précarité et la peur au ventre ? Des années éreintantes où l’hominité dut son salut à un espoir infaillible en des lendemains meilleurs. Jamais autant que lors de l’Exode, la foi n’unifia les homins… Liriope n’oublierait pas ces nuits d’insomnie où elle observait les survivants zoraïs, ces êtres masqués, qui procédaient à d’étranges cérémonies. Ces nuits-là, elle aussi priait pour que plus jamais les horreurs auxquelles elle avait assisté ne se reproduisent. « Que le Grand Incendiaire nous épargne ! »

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Alors que le brasier éternel du Bûcher de Cerakos s’érigeait dans le désert des Nouvelles Terres, les mélopées lancinantes des fyrakistes s’élevaient à nouveau sous la canopée. Des innommables horreurs dont avaient été témoins les survivants fyros, un sentiment était né, que ne pouvaient encore comprendre les autres peuples. Les fyrakistes avaient la conviction d’avoir assisté à la réalisation de quelques prophéties profanes pressenties par les martyres de l’expédition minière des plaines de Coriolis. L’état de grâce de la communauté fyrakiste prit fin lorsque la Régente Leanon vint à mourir. Deux années après sa prise de fonction, le jeune sharükos Dexton accorda sa protection à son ami, Mabreka Cheng-Ho, banni des terres zoraïs par le Grand Sage Fung-Tun. Le sharükos se montra sensible au kamisme des Révélations professé par le disciple d’Hoï-Cho, qui, durant son exil, convertit un grand nombre de patriotes à ce nouveau courant kamiste. Les fyrakistes virent d’un très mauvais œil cette conversion de masse à Ma-Duk et eurent recours à la violence pour tenter de maintenir leur assise parmi les patriotes. Le sharükos, craignant une flambée de violence, prit alors la décision de bannir les fyrakistes hors du Désert. Sur son ordre, une caravane d’exilés fut escortée par la Garde Impériale jusqu’à la frontière zoraï. Arrivés en Pays Malade, les fyrakistes n’eurent d’autre choix que de demander asile à la Théocratie. Après s'être concerté, le Conseil des Sages répondit favorablement à leur requête et installa les réfugiés à Jen-Laï. Plusieurs cycles s’écoulèrent, au cours desquels la communauté fyros s’intégra au peuple masqué. Lorsqu’un incendie ravagea la jungle, les fyrakistes furent les premiers à pointer du doigt les commerçants de l’Empire traversant la jungle. Y voyant un signe du jugement du Grand Dragon, ils prirent les armes pour défendre les frontières zoraïs contre l’Empire. Les troupes impériales tentèrent à maintes reprises de percer les défenses zoraïs sans y parvenir. Jusqu’au jour où le sharükos en personne vint aux frontières, escortant son ami Mabreka Cheng-Ho. Tous les soldats zoraïs baissèrent les armes devant le disciple d’Hoï-Cho. Tous, sauf les fyrakistes qui lui vouaient toujours une haine féroce et qui durent être maîtrisés.

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Liriope courait à travers la jungle. Elle avait laissé son échoppe à sa fille, pour rejoindre en hâte la Cité-Temple de Jen-Laï. La nouvelle se propageait comme une traînée de poudre dans les quartiers de Zora : le jeune Mabreka Cheng-Ho revenait au Pays, et un traité de paix allait être conclu avec l’Empire. « Fyrak tout Puissant ! » jura la vieille fyros, tout en redoublant d’efforts. Alors qu’elle atteignait les portes de la Cité-Temple où les fyrakistes avaient élu domicile, un garde l’interpella : « Liriope Miko, que t’arrive-t-il ? N’est-ce pas jour de marché, aujourd’hui ? » Reprenant son souffle, la Fyros haleta : « Mabreka Cheng-Ho a été repéré à la frontière ! Il est acclamé par le peuple qui voit en lui son nouveau guide. » Le garde la dévisagea d’un air grave puis tourna les talons. À peine sa silhouette avait-elle disparu qu’un jeune masque sortit de derrière un bosquet. Liriope sursauta : « Nuo Tun, tu as tout entendu ? » Nuo Tun adressa un regard mystérieux à la Fyros : « C’est une bonne chose. L’état de santé de Père l’éloigne de plus en plus de ses responsabilités. J’imagine que son abdication ne sera qu’une formalité. Cependant… » Nuo Tun posa une main sur l’épaule de l’ancienne. « Cependant j’ai une faveur à te demander ». Liriope retint son souffle en pénétrant dans les bâtiments flottants de l’Ordre Me-Smer. Reconnaissant un visage familier, elle héla un fyrakiste qui traversait le hall. Celui-ci, respectueux de son grand âge, lui donna le bras et l’accompagna jusqu’à la salle des archives. Alors qu’ils passaient en revue les différents casiers à cubes d’ambre, une rumeur leur parvint du couloir. La nouvelle de l’arrivée de Mabreka Cheng-Ho était parvenue jusqu’à l’Ordre. Le fyrakiste sortit voir ce qu’il se passait, laissant la vieille fyros sans surveillance. Suivant scrupuleusement les indications de Nuo Tun, Liriope se saisit des cubes les plus précieux et sortit discrètement. Déjà, des soldats de la Guilde de Cho investissaient la ville, arrêtant les membres de l’Ordre. Nuo Tun attendait Liriope aux portes de la Cité. Il sourit imperceptiblement à son approche. « Je savais pouvoir te faire confiance » dit-il, laconique. Le masque impassible du jeune homin s’inclina en signe de respect.

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Une fois de plus en disgrâce, les fyrakistes connurent leurs premières dissensions internes. Les fyrakistes modérés, s'étant intégrés, parfois jusqu'à accéder à des postes de petits fonctionnaires, reconnurent la légitimité de Mabreka-Cho et refusèrent de suivre les fyrakistes les plus fanatiques qui quittèrent la Théocratie pour s'enfoncer dans les Primes Racines. Dans ces profondeurs, les exilés découvrirent une ville fyros du nom de Leron où ils menèrent une vie clandestine plusieurs années durant. Le mystère demeure sur ce qui causa la perte de Leron mais il se murmure que le Culte du Grand Dragon y aurait tenu un rôle prépondérant.

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Plus ils progressaient sous l'Écorce, plus la présence de l'Incendiaire se faisait sentir. La Karavan avait longtemps défendu aux homins de descendre dans les Primes Racines de peur qu'ils ne tirent le Dragon de son sommeil séculaire. Pourtant des fyros avaient toujours bravé cet interdit dans leur quête du Dragon. Aetis guidait à présent les siens à travers des paysages toujours plus obscurs vers la ville qui, d'après sa prédiction, leur offrirait le nouveau départ auquel ils aspiraient. C'est dans ces profondeurs, au plus près de l'Incendiaire, que le Culte renaîtrait, il en était convaincu. Au terme d'un long périple, Leron apparut enfin sous leurs yeux et les traits tirés d'Aetis s'éclairèrent subitement. Son regard croisa celui de ses compagnons et il s'exclama « Saluons le Dragon ». Une toute nouvelle vie s'ouvrait à eux…

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Sous l'impulsion d'Aetis Mekops, le courant fyrakiste de Leron tourna le dos aux enseignements du peuple zoraï pour embrasser une destinée impie. Ils se firent appeler les Initiés du Culte du Grand Dragon, vénérant exclusivement le Grand Incendiaire et allant jusqu'à sacrifier d'innocents homins pour hâter l'avènement de Fyrak. La folie qui s'empara d'Aetis Mekops et des autres Initiés du Culte du Grand Dragon demeure inexpliquée mais elle les conduisit à commettre de nombreuses atrocités.

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Le feu purificateur du Grand Incendiaire avait fait son œuvre implacable de destruction et, parmi les ruines de Leron, Aetis brandissait le Livre du Dragon, symbole de la renaissance de son Culte. Galvanisés par le message d'Aetis, les fidèles qui l'entouraient étaient désormais prêts à aller jusqu'au bout de ses ignobles desseins. Il n'était plus temps de reculer. L'avenir du Culte était scellé. Laissant derrière eux les cendres de leur ancien refuge, les fanatiques se mirent en route pour atteindre leur prochaine étape. Jen-Laï paierait la première son tribut de sang...

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La fille de Liriope se tenait sur le pas de la porte, aux côtés de son époux, et observait tendrement leur fils endormi. Se tournant vers sa mère, elle lui sourit. « Veille bien sur lui ! » Elle ne s’était encore jamais séparée de son fils et sa gorge se noua alors que son mari l’entraînait déjà vers la sortie. Liriope était fière de sa fille et de son gendre. L’armure de la Garde Dynastique leur seyait à merveille. Ils reviendraient victorieux de leur campagne au Nœud de la Démence, elle en était convaincue. Elle leur fit un rapide signe de la main, tandis qu’ils prenaient la direction de l’étable, puis se prépara à aller se coucher. Allongée sur son lit, la doyenne ne parvenait pas à trouver le sommeil. Soudain, la vieille homine tressaillit. Son instinct lui indiquait une présence étrangère dans l’appartement. Se redressant péniblement, elle entrevit une ombre penchée sur son bureau. Lorsqu’elle reconnut l’intrus, Liriope ne put retenir une exclamation de surprise mais l’ombre fondit aussitôt sur elle, rapide comme l’éclair. La doyenne eut alors l’horrible impression qu’on pénétrait son esprit et perdit connaissance. Lorsqu’elle émergea de sa torpeur, Liriope se précipita à tâtons jusqu’à la porte de l’appartement pour appeler à l’aide. Sur le seuil, ses pieds butèrent sur le corps d’un enfant. La bouche de la doyenne se déforma dans un cri. Lorsque les initiés de Jen-Laï accoururent, ils la trouvèrent errant dans les premières lueurs de l’aube, portant à bout de bras le corps de l’enfant atrocement mutilé. Le crâne du petit avait été rasé et on y avait dessiné un dragon effroyable avec son sang. On tenta en vain de retirer l’enfant mort des bras de sa grand-mère. Liriope venait de sombrer dans la démence.

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Lorsque je vins présenter mes condoléances à la doyenne, je la trouvais prostrée, retranchée dans son monde intérieur. Tout à mon chagrin, je m’assis à côté d’elle, espérant lui communiquer par là mon soutien. Mon frère et ma belle-sœur devaient combattre les kitins en cet instant, totalement ignorants du drame qui s’était abattu sur leur foyer. Me rappelant les paroles de mon maître, le Conservateur Nuo Tun, je me relevai et me dirigeai jusqu’au bureau de Liriope où j’ouvris avec précaution le coffre de la sagesse. Les craintes de mon maître se confirmaient : le coffre était entièrement vide. Quelle profanation ! Seul un homin connaissant bien nos traditions avait pu voler les précieux documents et dessiner ce sceau impie sur le crâne de mon neveu. Serait-ce alors l’un des nôtres ? Après un dernier regard pour l’ancienne, je quittais l’appartement pour rejoindre le bâtiment des Archives de Jen-Laï où Nuo Tun m’attendait. Il posa une main sur mon épaule en silence. Le Conservateur de Jen-Laï me pria de bien vouloir écouter ce qu’il avait à me dire jusqu’au bout sans l’interrompre. Bien entendu j’accédais à la requête de mon maître mais je ne peux décrire combien il fut difficile de taire toute l’horreur qui m’emplissait à mesure que les raisons du drame qui touchait ma famille m’apparaissaient au grand jour. Par Jena et ses gardiens les Kamis ! Comment de telles impiétés pouvaient-elles être perpétrées ? Le véritable visage du Fléau m’apparut alors. La contrepartie de toute création qui s’insinue en chaque graine de vie et la consume. Les émanations de Goo ne seraient-elles que l’expression du Grand Destructeur ? Fyrak nous réserve à tous une part de son feu purificateur. Quand son jugement s’abat sur nous, il nous faut l’accepter car la magnifique création de Jena ne pourrait exister sans contrepartie naturelle. Je n’avais jamais vu se dessiner un tel désespoir sur le visage de mon frère… Face à la tombe fraîche de leur fils, il soutenait le corps affaissé de sa femme. Comment pourraient-ils jamais accepter ce que Fyrak leur imposait ? Deux saisons s’écoulèrent avant que Liriope ne rejoigne son petit-fils au plus près des Kamis. La doyenne s’était éteinte progressivement comme si sa graine de vie avait renoncé à la lumière. Une intuition funeste s'était insidieusement emparé de notre petite communauté et, comme pour confirmer nos craintes, on nous rapporta bientôt une série de disparitions suspectes sur chaque continent. Des homins de sexes et d’origines diverses semblaient avoir été kidnappés. Nous avions des raisons de croire que certains d’entre eux subiraient le même sort que mon neveu. Quelque part sur l’Écorce, un siècle après le Grand Incendie, un demi siècle après le Grand Essaim, de dangereux fanatiques tentaient de déchaîner une fois de plus le jugement de Fyrak sur l’hominité. Le premier signe de son jugement s’abattit sur Pyr sous les traits d’une invasion de kitins. Bientôt la colère de Fyrak allait s’élever sous la canopée. Par chance les nations s’organisèrent et le Culte du Dragon fut démantelé à temps. Mais je reste persuadé qu’une menace rôde encore autour de nous, tapie à l’ombre des émanations de Goo du Pays Malade…

Extrait d'un cube d'ambre intitulé « Histoire du Culte du Grand Dragon »,
créé par Jezeba Dumuzi, 2533.

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