Histoire d’un jeune Corsaire

De EncyclopAtys

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de:Die Geschichte eines jungen Korsaren
en:The_Story_of_a_Young_Corsair
fr:Histoire d’un jeune Corsaire

Récit écrit par un vieux chroniqueur Tryker

Première partie

L’eau était fraîche, mais les poissons ne semblaient pas s’en soucier. Ils ondoyaient dans un ballet coloré, sans qu’un son ne soit détecté par une oreille homine. Chacun d’eux semblait savoir exactement où se placer, où se diriger, si bien que leur danse était à chaque instant gracieuse, comme si elle avait été répétée des dizaines et des dizaines d’années. Le jeune Bremmen O’Derry les observait. Il avait toujours été un fier Tryker, et par-dessus tout, un guerrier acharné lorsqu’on en venait au maniement de la Flunker… mais il n’avait jamais rien découvert de plus beau que les spectacles de la nature, comme ceux des bancs de poissons dans ses lacs bien-aimés.

Des vaguelettes se formèrent à la surface, et la seconde suivante, tous les poissons avaient disparu de son champ de vision. Il tourna la tête et vit une patrouille de Trykers se déplaçant dans l’eau à une vitesse hors du commun. Il les reconnut immédiatement : c’étaient les Corsaires. Ils patrouillaient souvent dans le Lac de la Liberté, jamais inquiétés à l’idée de gagner à la nage les îles les plus reculées où ils s’occupaient de taches intéressantes et utiles, c’est sûr… Du moins était-ce ce que Bremmen pensait. Son père avait souvent évoqué son passé, sa jeunesse dans la tribu des Corsaires. Ça l’avait formé, physiquement et mentalement ; ce n’était pas très loin d’un service militaire en fait… sauf qu’ils n’offraient pas réellement leurs services à la Fédération.

Mais le temps de penser et de rêver peut être long. Lorsque Bremmen posa à nouveau ses yeux sur le lac, ils avaient déjà disparu au loin. Il se dressa d’un bond et plongea. Il devait les suivre, il voulait les suivre et rejoindre leur tribu. Tant de jeunes Trykers avaient déjà franchi le cap… et ils étaient si impressionnants à ses yeux, avec leurs deux ou trois ans de plus, et le respect que tous leur témoignaient, y compris lui, lorsqu’ils avaient la chance de les rencontrer. Mais Bremmen pouvait à peine respirer à une si vive allure, et la patrouille ne l’avait même pas aperçu, continuant sur sa lancée. Perdu, au milieu des Lacs, il tenta de rejoindre la première île qu’il vit afin de reprendre son souffle. Ses poumons le brûlaient, comme lorsque son grand père lui avait proposé de fumer la pipe.

- Je veux essayer ! dit Bremmen à son grand-père.

- Bien-sûr, vas y. Avait-il répondu en lui tendant la pipe.

Il avait placé l’objet entre ses lèvres, aspiré un peu de fumée dans la bouche et l’avait recrachée.

- Pas comme ça ! Inspire ! Avait dit le grand-père.

Il avait essayé une fois encore, inspirant d’un coup avant de tousser aussi sec, et de s’étouffer sur place. Et Bremmen n’avait jamais retenté l’expérience… Mais aujourd’hui il avait l’impression d’avoir fumé et de s’être étouffé pendant des heures. Les Corsaires étaient de bons nageurs… sans doute même les meilleurs d’Atys ! Et il ne pouvait plus les voir maintenant. Les poissons avaient repris leurs places originelles et dansaient comme si rien ne les avait jamais troublés.

Bremmen se redressa une nouvelle fois, et escalada le pic escarpé qui se trouvait au milieu de l’île sur laquelle il s’était retrouvé. Du sommet, il pouvait jouir d’une magnifique vue du Lac de la Liberté… et de son île qui était en fait une sorte de longue falaise coincée entre deux petites plages. Du versant ouest, il put observer un objet flottant lumineux qu’il n’avait jamais vu à Fairhaven. C’était à moins de 400m de lui, mais cela restait trop loin pour qu’il arrive à distinguer précisément ce dont il s’agissait. Il regarda alors le ciel, et sourit. D’après ses calculs, il s’agissait à n’en point douter du camp des Corsaires… finalement.

Bremmen dévala la pente, du côté ouest, et regagna la plage. Il n’était plus qu’à quelques brasses de son but maintenant. Il respira plusieurs fois, longuement, pour se préparer, et plongea à nouveau, nageant aussi vite que possible pour faire bonne impression aux Corsaires. Malheureusement, il ne conserva ce rythme que sur 250m… Et termina rouge comme les poissons qu’il avait observés plus tôt, reprenant honteusement son souffle comme un Bodoc.

Il n’osa pas se redresser et regarder autre chose que le sol, comme si cela avait pu lui épargner le regard pénétrant de Codgan Be’Yle. Il fut soulagé lorsqu’il releva la tête, ayant l’impression que personne ne l’avait remarqué… En fait, il avait mis tant de temps à reprendre sa respiration qu’ils s’étaient trouvé d’autres occupations plus intéressantes que de l’examiner.

Bremmen se recoiffa rapidement de ses mains, et s’avança de manière assurée vers le plus proche Corsaire.

- Bonjour, dit-il à l’hôte d’accueil.

- Bonjour mon jeune enfant.

- Jeune enfant ? Je ne suis plus un jeune enfant depuis longtemps ! Je suis un jeune homin, courageux et intrépide !

Bremmen avait laissé sa Flunker glisser dans son dos pour impressionner l’hôte.

- Les homins courageux et intrépides ne prennent généralement pas cinq minutes à reprendre leur souffle, encore moins quand ils nagent lentement... et peu de temps… Peu importe, je m’appelle Codgan Be’Yle. J’accueille les gens qui rendent visite aux Corsaires. Que puis-je faire pour toi ? Essaie d’être prompt, j’ai encore beaucoup à faire…

Bremmen piqua un fard comme jamais. Mais c’était sa seule chance, alors il ne releva pas et essaya d’enchaîner.

- Je m’appelle Bremmen O’Derry. Je suis le fils d’Arty O’Derry, vous le connaissez ?

- Non.

- Mais il était un Corsaire il y a quelques années.

- Ecoute, mon garçon, il y a tellement de jeunes Trykers qui viennent et servent notre cause chaque jour, et qui nous quittent quelques années plus tard… que je ne risque pas de me souvenir de chacun d’eux.

Bremmen s’empêcha de laisser libre court à sa colère lorsque Codgan l’appela “mon garçon”.

- Je suis venu de la lointaine ville de Fairhaven pour vous rencontrer et m’engager chez les Corsaires. Ma Flunker est à votre service si vous acceptez de m’enrôler.

Codgan se mit à rire.

- Bien, bien. Trouve Derren Be’Lauppy alors. Il a sans doute quelques missions à te confier. Reviens après l’avoir aidé… peut-être que j’aurai trouvé quelque chose d’autre pour t’occuper.

- D’accord ! Qui est-il ? demanda Bremmen en observant les homins du camp.

- Il n’est pas là. Derren est un éclaireur. Il devrait se trouver dans les Vents du Songe.

- Les Vents du Songe ? Mais c’est très loin ! Et dangereux, n’est-ce pas ?

- Pas pour un homin courageux et intrépide. Tu ne pensais tout de même pas que j’allais te dire « bienvenue » juste parce que tu aurais parcouru la petite distance qui sépare Fairhaven de notre camp ? Maintenant, vas-y et ne reviens pas avant d’avoir prouvé que tu pouvais être utile.

Bremmen resta bouche-bée. Un test… bien sûr… ou peut-être que l’hôte était trop occupé pour s’occuper seul de tous les jeunes Trykers… Cela importait peu ! Bremmen allait se rendre là-bas et débusquer l’éclaireur.

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Deuxième partie

Trois jours s'étaient déjà écoulés depuis que Bremmen avait pris congé auprès de l'hôte du camp. Il avait atteint les Vents du Songe la nuit précédente et y avait rencontré bien des Trykers... Tous de la tribu des Sculpteurs de Vase... Et aucun d'eux n'était capable de lui dire où Derren Be'Lauppy pouvait bien se trouver... mais au moins, il pouvait dormir dans une tente en attendant de mettre la main sur lui. Sa Flunker lui était d'un grand secours dans la région afin de chasser quelques cloppers et éviter de mourir de faim grâce à leur viande. Il ne craignait pas non plus de mourir de soif : il ne risquait pas de boire toute l'eau du lac. Mais il devait impressionner les Corsaires, aussi il continuait à chercher l'éclaireur à chaque instant.

Il passa ainsi cinq jours. La sixième nuit, tandis qu'il consultait sa carte et inscrivait des croix sur les derniers endroits qu'il avait fouillés, il réalisa qu'il s'était rendu tout bonnement partout, et était quasiment certain que Codgan, l'hôte des Corsaires, s'était moqué de lui... Il décida de rentrer au camp afin de lui dire ce qu'il pensait de son attitude déloyale. Il se fraya un chemin à travers les Cloppers, en les tenant à bonne distance grâce à sa Flunker - il avait beaucoup progressé dans cette discipline, sans le réaliser – quand il vit un homin qu'il n'avait jamais rencontré, juste derrière une meute de Ragus. Celui-ci se promenait tranquillement et prenait des notes en observant les alentours. Etait-ce un heureux hasard de la dernière heure ? Il se précipita vers l'homin et engagea la conversation :

- Bonjour ! Ne seriez-vous pas Derren par hasard ?

- Salut jeune homin, répondit-il en opinant avec un sourire.

Bremmen fut tellement réjoui qu'il ne pensa même pas à demander à Derren où il avait traîné les jours précédents. En réalité, sa fonction d’éclaireur le forçait à se déplacer en permanence pour observer la faune, le comportement des créatures, les avant-postes, les groupes de voyageurs... Ils se présentèrent l'un l'autre. Le Corsaire était particulièrement sympathique, ouvert d'esprit et prêt à beaucoup partager avec quiconque Codgy lui enverrait. Cela d'ailleurs se produisait de plus en plus souvent car la tribu séduisait les jeunes Trykers. La servir promettait beaucoup d'action, d'aventure, et par-dessus tout, la maîtrise des tactiques de guerrilla. Mais Bremmen devrait attendre un peu plus longtemps pour profiter de tout cela. Pour l'instant, il n'avait qu'une mission à remplir : observer les Cutes de la région, et noter l'emplacement de leurs groupes.

Notre jeune homin se déplaça dans les environs, et tenta de localiser les Cutes. Il avait tellement progressé avec sa Flunker que cela ne lui pris que trois jours. Le seul endroit où il n'avait pas encore repéré les Cutes était la Route des Vents. Il l'avait gardée pour la fin, car d'expérience maintenant, il savait qu'elle était beaucoup plus dangereuse que les autres. Les Ragus fulminants qui y rôdaient étaient une vraie plaie pour lui, et il avait eu bien du mal à survivre la dernière fois qu'il s'y était rendu. Il s'avança prudemment en se fondant dans un troupeau de Gnoofs, puis s'aplatit contre le sol pour ramper entre les plantes. Il gardait à chaque instant le sens du vent à l'esprit, afin d'éviter qu'un prédateur ne puisse le sentir de loin, et se dirigea ainsi vers les lacs du sud où il serait en sécurité.

Finalement, il y parvint sain et sauf. Il examina les environs et remarqua quelques groupes de Cutes. Il prit leur direction afin de les observer, et se camoufla dans la flore pour noter leur position sur sa carte. Il avait les yeux rivés sur l'un d'eux et étudiait son comportement quand un cri lui glaça les chairs : un autre Cute revenait près du groupe et Bremmen était pile sur son chemin. Il saisit sa Flunker et tira plusieurs fois sans broncher aux coups que lui portait la créature. Moins d'une minute plus tard elle gisait à ses pieds ; de son côté, notre Tryker était sérieusement blessé car il était plutôt habitué au combat à distance.

Mais le danger n'était pas écarté : quand il se retourna, il vit un énorme Cute qui le menaçait en ouvrant largement les bras. Il avait l'air plus développé que les autres, mais Bremmen ne réfléchit pas. Il était trop blessé et ce Cute le terrifiait, aussi il se précipita vers l'eau. La créature s'arrêta sur le rivage, et croisa le regard du Tryker. «Ils sont comme les Ragus» pensa-t-il. «Ils ne savent pas nager, et ont peur de se noyer. Donc ce sont plus des animaux que des homins...» Bremmen sortit de l’eau de l’autre côté, et retourna auprès de Derren. Il avait absolument tout consigné au sujet de la position des groupes de Cutes, et commençait déjà à se faire une joie à l’idée de devenir un Corsaire.

Peu de temps après, il rencontra l’éclaireur.

- Salut Derren ! dit-il.

- Salut Bremmen !

- J’ai noté la position de chaque groupe de Cutes sur ma carte ! Je pense que vous serez heureux d’y jeter un oeil.

- Hé bien... le problème jeune homin, c’est que c’est impossible. Tu n’as travaillé qu’un petit nombre de jours, et les Cutes se déplacent avec les saisons... Reviens dans un an, répondit Derren avec un large sourire.

- Comment ça ? Vous plaisantez ?!

- En effet ! dit-il en explosant de rire. Allons, donne-moi ta carte, je vais ajouter tes informations à celles que j’ai déjà récupérées.

Derren prit la carte et se mit à la regarder.

- Les Cutes n’étaient pas simples à observer, dit Bremmen. Ils n’ont pas cessé de m’attaquer dès que je me rapprochais un peu trop. J’en ai même vu un énorme, qui avait l’air de mieux se porter que les autres. J’ai pensé un instant qu’il avait peut-être un comportement d’homin... mais il m’a attaqué comme les autres...

- Oh, bah tu as rencontré Doren. Peu importe, ce qu’il faut savoir c’est que les Cutes ne t’attaqueront que si tu les dérange. En fait, ces créatures sont assez placides mais se sentent menacées dès que quelqu’un pénètre sur leur territoire de chasse... Il suffisait de les observer de loin. Mais si tu veux vraiment parler à des Cutes évolués, va voir les Cuzans.

- Les Cuzans ? De quoi s’agit-il ?

- Ce sont des Cutes supérieurs. Ce sera ta prochaine mission : tu devras te rendre dans leur tribu, et revenir me dire de quoi ils se nourrissent.

- Et où se trouvent-ils ?

- Dans les Lagons de la Loria.

- Hein ? Les Lagons ? Mais...

- Bonne chance. Et fais attention à toi là bas, la région n’est pas aussi sûre que les Vents du Songe.

Bremmen resta sidéré quelques secondes, mais releva le défi. Il prit la direction des Lagons de Loria en quittant l’éclaireur.

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Troisième partie

Bremmen n’avait jamais eu aussi faim de sa vie quand il parvint en vue du camp des Cuzans. Sa Flunker ne lui servait à rien depuis qu’il avait traversé le vortex : les créatures de la région étaient si rapides qu’il pouvait à peine les viser. Il avait donc opté pour un déplacement lent et précautionneux pour éviter toute mauvaise rencontre comme il s’était habitué à le faire quand il avait rejoint les Vents du Songe.

Il regarda les Cuzans longuement. Ils ressemblaient beaucoup à des Cutes, finalement... aussi Bremmen préféra rester un peu en retrait au cas où ils soient aussi dangereux que leurs pairs. Mais son estomac le tiraillait et commençait même à faire quelques bruits étranges. Quelques minutes plus tard, un Cuzan vint à lui lentement en tendant de gros fruits. Quelle surprise ce fut pour le jeune homin : ils n’avaient pas le même comportement que les Cutes qu’il avait rencontrés jusqu’ici. Ceux-là n’étaient pas agressifs, et par dessus tout, leur attitude était proche de celle des homins.

- Bonjour Tryker. dit le Cuzan. Tu sembles avoir faim, mange ces quelques fruits et viens. Suis moi jusqu’au camp.

Bremmen engloutit les fruits comme s’il n’avait pas mangé pendant des semaines... Ce qui n’était d’ailleurs pas très loin de la réalité. Rassuré, il suivit le petit Cuzan jusqu’au camp. Quelques autres créatures de la tribu se rassemblèrent alors autour de lui, et commencèrent à fouiller dans ses affaires. Notre Tryker prit le livre qui semblait les intéresser plus particulièrement.

- Vous le voulez ? demanda-t-il.

- Oui ! C’est un livre, il y a des connaissances dedans !

- Prenez-le, il est à vous. En échange des fruits... répondit Bremmen en souriant.

- Merci Tryker. Prends ces fruits, et ces baies. Pour te remercier.

A cet instant là, Bremmen était bien plus heureux d’avoir de la nourriture qu’un livre. En plus, il pourrait racheter le livre à Fairhaven, où il l’avait trouvé la première fois. Une transaction des plus lucratives. Les Cuzans, de leur côté, se regroupèrent autour du livre. Quelques uns tentèrent de le déchiffrer quand l’un d’eux, plus âgé, le prit et le rangea. Sans doute le chef, mais Bremmen n’en était pas sûr et ne voulut pas enquêter pour le moment : il était trop affairé à profiter de son repas frugal.

Notre Tryker resta près d’une semaine avec les Cuzans. Il apprit beaucoup d’eux, les différentes baies qu’ils aimaient, celles qu’ils refusaient de goûter, conformément à ce que Derren lui avait demandé. Ils étaient si reconnaissants pour le livre qu’il leur avait offert qu’ils l’avaient même entraîné sur les points où il y avait des fruits et de la nourriture tandis que Bremmen ne tarissait pas de questions. Finalement, une fois qu’il eut tout consigné, il décida qu’il était temps de retourner voir l’éclaireur.

Sur le chemin du retour, il se camoufla pour éviter autant que possible les carnivores. Il le fit d’ailleurs si bien qu’il passa inaperçu des deux Matis qui s’étaient rencontrés à moins de 20m de lui ; il pouvait même entendre leur conversation.

- Bienvenue.

- Salutations.

- Tout est-il en ordre ?

- Oui. Ils arriveront dans une semaine exactement, et nous attaquerons l’avant poste ce Quinteth, après le coucher du soleil.

- Parfait. L’effet de surprise ne leur laissera aucune chance de résistance. Nous nous reverrons Quinteth.

- Au revoir.

L’un des Matis se retira pour mieux être remplacé par un autre, quelques minutes plus tard.

- Bienvenue.

- Salutations.

- Tout est en ordre. L’avant poste sera pris Quinteth, dans une semaine, au coucher du soleil.

- Nos troupes devraient se séparer avant, afin d’être moins aisément repérables. - Bien sûr. J’ai déjà ordonné aux miennes de faire ainsi. - Les miennes viendront des Vents du Songe. Nous nous séparerons en entrant dans les Lagons de la Loria : la moitié d’entre nous se dirigera droit vers le nord, et l’autre ira vers le sud-est. - Et qu’elles se rassemblent toutes au bon moment, pour que nous soyons prêts à les vaincre. C’est tout ce que je veux, et ce pour quoi je suis payé. - Ce sera fait, comme vous l’ordonnez. Pour la Reine ! - Pour la Reine !

Ils se séparèrent tandis que Bremmen restait stupéfait. Qu’est-ce qu’ils prévoyaient ? D’où venaient-ils ? Qui étaient-ils ? Il y avait tant de questions auxquelles il n’avait pas la réponse. Il nota tout ce qu’il avait entendu, sa position, et l’endroit que l’un des Matis avait désigné en parlant de l’avant poste. Tout cela pouvait être important, si seulement il savait à qui en parler... Il attendit encore un peu afin d’être sûr de ne pas se faire repérer en sortant de son buisson, et se mit à courir tout droit vers le vortex, plus vite qu’il ne l’avait jamais fait, pour s’entretenir avec Derren.

La fin du trajet lui prit encore une journée entière, mais il parvint auprès de l’éclaireur bien plus tôt qu’il ne l’avait espéré.

- Salut Derren !

- Salut Bremmen ! Alors, tu as rencontré les Cuzans ?

- Oui, j’ai tout consigné sur ce parchemin.

Bremmen remit ses notes à Derren et enchaîna tandis qu’il commença à les parcourir :

- Mais j’ai d’autres nouvelles : j’ai entendu quelques Matis parler d’envahir un avant poste dans les Lagons de la Loria.

- Quoi ? dit Derren en délaissant le parchemin pour notre jeune Tryker. Dis m’en plus.

- J’ai tout consigné là. J’ai pensé que ça pourrait intéresser quelqu’un...

- En effet. Les Corsaires seront intéressés ! Mais moi je dois rester ici. Cours auprès de Codgan et donne-lui autant de détails que possible.

- L’hôte d’accueil ?

- Non, Codgan Ba’Nakry, notre chef. Allez ! File !

Bremmen quitta l’éclaireur rapidement, et se dirigea vers le camp des Corsaires l’estomac noué non par la faim, mais parce qu’il réalisait que tout allait dépendre de sa vitesse.

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Quatrième partie

Codgan n’avait pas vraiment prêté attention au jeune Tryker. Il avait seulement pris ses notes, et lui avait demandé s’il savait se battre. Bremmen n’était pas sûr de la réponse à donner, mais avait hoché la tête... Et s’était retrouvé avec une magnifique armure aux couleurs des Corsaires et un groupe d’intervention rapide en direction des Lagons de la Loria. Il leur fallut cinq jours pour se rendre au vortex qui séparait les Lagons des Vents du Songe, mais ils avaient longuement discuté sur le chemin pour mettre un plan au point.

Tout d’abord, ils prévoyaient d’espionner le groupe de Matis qui arriverait par les Vents du Songe, et d’attaquer chacune de ses parties dès qu’il se diviserait. Ensuite... ils essaieraient de trouver d’autres Matis et d’affaiblir leurs forces pour qu’ils n’aient aucune chance d’emporter la victoire lors de l’assaut final. Chaque Corsaire savait exactement ce qu’il avait à faire. Bremmen, lui, devait viser les magiciens à la tête à l’aide de sa Flunker, afin de les assommer.

Ils s’établirent dans un camp rudimentaire qu’ils avaient monté un peu au sud du vortex, dans les Lagons de la Loria. Un éclaireur fut désigné pour visiter les Vents du Songe à la recherche des Matis et les dénombrer. Pendant ce temps, Bremmen alla récolter quelques fruits et champignons tandis que des combattants plus aguerris chassaient des créatures pour leur viande. Ils mangèrent tous ensemble et discutèrent longuement auprès d’un petit feu, en se racontant des légendes sur les Anciennes Terres. Bremmen avait du mal à croire qu’il partageait tant avec les Corsaires. Désormais, son coeur leur était tout acquis. Plus tard, ils s’endormirent et passèrent une bonne nuit dans l’ensemble, malgré les tours de gardes pour certains.

Le matin suivant, l’éclaireur était de retour. Il avala un encas avant de faire son rapport. Il en avait compté seize, donc ils avaient sans doute prévu de se séparer en deux petits groupes de huit personnes. D’après ses calculs, ils devraient arriver à midi. Les Corsaires décidèrent de les attaquer immédiatement à la sortie du vortex : ils étaient largement plus nombreux, et cela leur donnerait plus de temps pour arrêter les autres Matis, ceux qui venaient des Sommets Verdoyants. Ils prirent la direction du nord, et se couvrirent les habits et le visage d’un mélange d’eau et de poussière, afin de ne pas se faire repérer avant qu’ils ne décident d’attaquer.

Le soleil était au zénith lorsque les Matis traversèrent le vortex. Leurs armures noires se détachaient nettement de la couleur des plages des Lagons. Le signal de l’attaque fut donné alors qu’ils venaient de s’arrêter avant de se séparer. Tous les Corsaires s’avancèrent vers l’ennemi. Bremmen attrapa sa Flunker, et frappa un destructeur en plein milieu du front. Le magicien ne tomba pas, mais était complètement assommé. Il visa ensuite les guérisseurs. Les guerriers Matis étaient déjà en train de se ruer sur lui, mais les deux soigneurs furent rapidement assommés et encerclés par les Corsaires. Bremmen s’apprêtait à fuir, mais d’autres guerriers avec de la poussière sur leurs habits et leur visage, se déplaçaient discrètement, et tinrent les ennemis à distance. Ca prit moins de temps que prévu : les Corsaires étaient réellement doués pour la guérilla, leurs adversaires n’avaient aucune chance. Quelques-uns fouillèrent les corps et conservèrent tout ce qui avait de la valeur.

Ils se soignèrent mutuellement leurs blessures... ils en avaient très peu en fait, et aucune perte. Mais leur temps était compté. Ils envoyèrent trois éclaireurs en reconnaissance dans les Lagons de la Loria, et se déplacèrent vers l’avant poste qu’avait désigné le Matis, selon Bremmen, afin d’établir une stratégie. Aucune créature ne leur résista sur leur chemin, et ils furent sur place en quelques heures. Ils examinèrent les environs et se mirent d’accord sur la manière de procéder lors de l’assaut final. Mais avant tout, ils grimpèrent sur une petite dune afin d’avoir une bonne vue et y attendre le retour de leurs éclaireurs.

Les ombres s’allongeaient sur les plages du Lagon de la Loria quand ils décidèrent de s’établir dans un camp comme la nuit précédente. Le lendemain matin, deux des éclaireurs étaient déjà auprès d’eux. Deux groupes de quinze personnes avaient été repérés. L’un venait du nord et l’autre ne devrait plus tarder à être en vue, mais déciderait sans doute de rester un peu en retrait. La dune sur laquelle se trouvaient les Corsaires serait sans doute le lieu sur lequel ils décideraient de s’établir, pour la vue.

Et ils avaient raison. Ils virent les guerriers Matis de loin. Ils étaient environ quinze, comme prévu, et se dirigèrent tout droit vers la dune. Les corsaires s’étaient camouflés comme la veille, et attendirent le bon moment. Même nombre, même stratégie... et même résultat. Bremmen était au comble de la joie. Quelques Corsaires récupérèrent les objets de valeur, et revinrent sur leur dune pour voir deux autres groupes de quinze personnes avancer droit sur l’avant poste. L’un venait du nord, et l’autre du sud. Cette fois-ci, la bataille serait plus difficile mais Bremmen alla parler rapidement au chef et lui suggéra une manière plus facile de remporter la victoire.

- C’est dangereux, et particulièrement risqué pour toi. Tu es sûr de vouloir essayer ça ?

- Oui. Au moins, un seul d’entre nous prendra des risques car si je réussis, nous n’aurons aucune difficulté à les vaincre.

- Très bien. Prends ces vêtements.

Bremmen revêtit une armure Matis, et courut vers le sud droit sur le groupe de Matis. Pendant ce temps, les Corsaires allèrent se poster vers le nord. Notre Tryker était à moins de 50m des Matis quand l’un d’eux fit un signe. Il s’arrêta net et cria :

- Je viens en paix. Quelques uns de vos amis ont eu un problème non loin avec les Cuzans, mais je ne peux pas m’approcher d’eux et les soigner si je suis seul.

Le Matis hésita un instant, et lui fit signe de s’approcher.

- Comment sont-ils habillés ?

- En armures noires monsieur. Ils sont à moins de 500m à l’est. Je peux vous y mener.

- Menés ? Par un Tryker ? Tu rêves pauvre fou !

- Alors je pourrais juste vous montrer l’endroit où ils se trouvent. Vous voyez cet arbre, là bas ?

- Oui.

- Il suffit de vous y rendre. Ensuite, faites encore 200m à l’est.

- Suis-nous, au cas où tu aies menti.

Bremmen déglutit lentement. Il suivit les Matis en essayant de s’éloigner peu à peu, mais l’un des guerriers le repéra et plaça son épée dans son dos en lui ordonnant de le précéder. Il n’eut pas d’autre choix que d’obéir. Ils gagnèrent ainsi l’arbre et regardèrent vers l’est.

- Alors, où sont-ils ? demanda l’un des Matis.

- Ils devraient être là bas, mais nous ne pourrons pas les voir d’aussi loin.

- Continuons alors.

Ils marchèrent 200m, mais, bien sûr, il n’y avait aucune trace de Matis, ni corps, ni même les vestiges d’un combat. Le Matis regarda Bremmen froidement, tandis que notre Tryker pensait que sa dernière heure était venue.

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Cinquième partie

Bremmen transpirait abondamment. Le Matis avait placé son épée juste en dessous de son menton. Il lui demanda ce qu’il complotait. Le Tryker le regarda, tremblant comme un feuille, et bégaya qu’il ne comprenait pas ce qui avait pu se passer quand le Matis tomba.

Les Corsaires ! Ils étaient juste derrière eux. Bremmen ne prit pas le temps de réfléchir et courut vers ses amis. L’un des Matis se prépara à lancer un sort, mais il était trop tard : les guerriers étaient déjà sur eux, rapides comme jamais. Les Matis ne s’y étaient pas du tout préparés, aussi quelques minutes plus tard, ils étaient tous au sol. Bremmen les regarda et leur dit :

- Finalement, je ne suis pas un menteur, il y a bien des Matis qui ont eu un problème ici...

Quelques Corsaires fouillèrent les homins, et Bremmen les y aida.

- Pourquoi est-ce que nous pillons ainsi ?

- C’est notre récompense.

- Mais... d’accord...

Il n’en demanda pas plus, comprenant qu’il n’aurait sans doute pas de réponse, et décida d’interroger Codgan Ba’Nakry plus tard.

Les Corsaires retournèrent au camp avec leur butin. Sur le chemin du retour, Bremmen essaya de comprendre les raisons pour lesquelles les Corsaires avaient si rapidement décidé d’attaquer les Matis, sans même prendre la peine de se renseigner davantage sur leurs intentions. On lui répondit qu’il n’y avait nul besoin de raisons particulières : les Matis étaient là, une bonne cible car ils étaient généralement bien équipés et portaient souvent de nombreux objets de valeur et beaucoup de dappers. Il n’en demanda pas plus.

Une fois de retour au camp, il salua Codgan et commença à discuter avec lui.

- Bonjour Codgan.

- Salut à toi jeune Corsaire.

- Notre mission s’est...

- Je suis déjà au courant de ce qui s’est passé. Va droit au but, je suppose que tu as bien des questions.

- Hé bien on m’a dit que nous n’avions pas d’autre raison d’attaquer les Matis que l’appât du gain...

- Oui. Et avant cela, ils sont nos ennemis.

- Pourquoi sont-ils nos ennemis ? Les Matis et les Trykers sont censés être unis.

- Oui, mais tous les Matis ne sont pas alliés aux Trykers.

- Et eux, ne l’étaient-ils pas ?

- Tu ferais mieux de supposer que non, pour éviter d’avoir un cas de conscience... répondit le chef en souriant.

- Oui. Mais si nous avions tort... La Fédération pourrait bien nous en vouloir...

- La Fédération ? Non, aucune chance. Ils apprécient nos services, et nous paient même pour ceux-ci. Et puis n’oublie pas que le Gouverneur était le chef de notre tribu, avant moi.

- J’en ai entendu parler. D'ailleurs, pourquoi est-il parti ?

- Parce qu’il aspirait à d’autres buts. Et il a eu raison, il fut élu à la place de Beadley Nimby en 2508. D'une façon générale, beaucoup de jeunes Trykers nous rejoignent lorsqu'ils sont jeunes, mais tandis que les années passent ils sont de moins en moins fougueux... et donc moins utiles pour nous.

- Mais c’est étonnant que la Fédération nous paye pour nos services alors qu’ils s’affichent comme des adorateurs de Jena alors que nous...

- Nous sommes de loyaux partisans et avons un rôle de formation des jeunes à l’art de la guerre. Cela ne suffit-il pas ? Et puis... beaucoup de Trykers ne comprennent pas encore qu’ils ne devraient pas écouter la Karavan... que les Kamis sont nos amis de la nature. Mais nous ne pouvons pas forcer nos frères à avoir les mêmes convictions que nous. Attendons qu’ils réalisent d’eux mêmes leur erreur.

Les explications de Codgan étaient empruntes de sagesse et Bremmen était touché en plein cœur. Il comprit tout ce que son père lui avait expliqué, tout ce qu’il lui restait à apprendre des Corsaires. Il s’agenouillait et s’apprêtait à jurer allégeance quand Codgan sourit et lui dit :

- Relève-toi Bremmen, tu es déjà l’un des nôtres.

Il l’accueillit chaleureusement et lui montra une tente qu’il devrait partager avec deux de ses frères. Sa nouvelle maison, sa nouvelle famille. Il y entra pour n’en ressortir que quelques minutes plus tard et voir un jeune Tryker en train de parler avec Codgan Be’Yle. Et peu après, le petit homin nageait vers les Vents du Songe... et s’étouffait tous les cent mètres. Bremmen rit et alla se trouver une occupation pour aider les Corsaires.

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