Automne…
En mouvement…
Couleurs…
Changeantes…
Reflets orangés, tronc, lumière,
Mektoub cabré, le ciel !
Ninweule…
Un cri !
Mearule…
Jena Aiye !

Le Roi Yrkanis se tenait debout, immobile, impassible, hiératique, figure immuable de la puissance des Souverains Matis.

Les wivans s’affairaient autour de Sa Majesté, ôtant une pièce d’armure, baignant un linge immaculé dans une coquille de nacre emplie d’eau pure, massant les muscles douloureux, attentifs aux soupirs du Roi tout en peignant ses cheveux…

Les Envinenai entrèrent, courbés. Parmi les plus vieux des Matis, certains avaient parfois du mal à se redresser. Le Roi nu…Nul autre que les guérisseurs royaux ou que les serviteurs les plus fidèles, n’aurait pu l’entrevoir. Le Roi…

La Reine Lea entra.

Yrkanis s’était assoupi parmi les fleurs de senteur. La lumière de Sagaritis éclaira furtivement son visage blanc avant d’illuminer son pendentif. L’œil de Lea brilla. Elle murmura :

Jena ! Kainae !
Mailya i alyei se veleis Se !
Manya sa mindalenae !
E ne !
Jena ! Kainae !
Ye ne ereis ?
Lae wivanae ?
Lutae
Karanae cil cirhiae ?


« Na Karan... », dit doucement le serviteur.
« Na Karan ! La Cour vous attend… »

Yrkanis ouvrit les yeux et agita la main en direction du wivan. Celui disparut à reculons sans un bruit.

« Ma aiyates Karan ! »
« Ma aiyates uma Karan ! »
« Ma Jena aiyates i Karan ! »

Criaient les Nobles au passage du Roi. Celui-ci inclinait parfois imperceptiblement la tête à l'adresse de l'un d'eux qui gonflait la poitrine alors que les autres, agacés, redoublaient de révérences et d'autres formules.

Yrkanis marcha jusqu'au trône, gravit les marches qui y menaient et se retourna soudain.

« Cuiccio ! » cria t-il.

Le Botaniste et Historien Royal s’avança promptement.

« Je suis là mon Roi ! » lança t-il plus à l'adresse de la Cour qu'à Yrkanis lui-même.
« Cuiccio... Je compte sur vous pour me rapporter tout ce qui se dira ici et d'autres choses que je vous dirai ensuite... »
« Sans aucun doute Na Karan ! »

Le Roi de la Forêt s’assit lentement sur le grand trône ouvragé, partie intégrante de l’Arbre-Palais.

C’était le signe du début des audiences…

D’ordinaire, Yrkanis s’affaissait peu à peu dans son fauteuil, tassé par les doléances stériles, les rapports insipides et les histoires sans reliefs de quelques nobles. Mais ce soir là, le Roi ne s’assoupit pas. Une lettre attira son attention et celle de tous les courtisans présents.

Une écriture nerveuse, qui zébrait le papier d’encre noire, comme autant de coups d’épée sur un cuir mal tanné.Un style à l’emporte pièce, vigoureux, sans détours mais empreint d’intelligence…

Une certaine Akilia, Tempête des Cendres, le défiait. Le menaçait même, annonçant qu’elle poserait bientôt son glorieux séant sur le trône du Roi. Elle attaquerait bientôt Yrkanis à la tête de son clan, exterminerait les suivants du Roi Matis et réduirait son peuple en esclavage…

Des exclamations indignées fusèrent, l’ensemble des nobles était outré, parfois même à outrance…

Yrkanis ne disait rien il observait…

Les visages, les attitudes, les regards.

Il écoutait…

Les voix, les cris, les soupirs, les silences…

Le Roi connaissait chacun d’entre eux, il les observait depuis si longtemps, il s’en méfiait, en aimait certain sans accorder sa confiance à aucun…

La Cour du Souverain des Matis était plus vivante que jamais. L’assemblée des nobles dansait, bruissait comme le feuillage des alineai dans la Route des Charmeurs... Des charmeurs… Qu’étaient-ils d’autre ?

Yrkanis se leva, son visage était lisse, sans émotion… Que pensait-il à cet instant ?

« I liyumelame ereis ena ! », dit-il d’un ton monocorde.

« La guerre est là… »
« C’est pour elle que vous vous préparez depuis si longtemps… »
« Troquez donc les parures pour les Paroks. »
« Je vous attends sur le champ de bataille… »

Chroniques des temps du Roi Yrkanis, par Cuiccio Perinia, Historien Royal


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