L'enfant joue dans la sciure. Il doit avoir deux, trois ans… de ses petites mains, il pétrit la poussière fine, utilisant quelques bouts de bois pour se créer un château ou un paysage imaginaire. Du bout de son bâton, il dessine des arabesques dans le sol, créant des motifs aussitôt effacés par le vent du désert.
Il fait chaud, comme toujours dans le désert, mais un vent léger frémit et soulève ses cheveux bruns. Non loin de là, sa mère le contemple, un sourire attendri sur les lèvres. Elle est en train de préparer des herbes, celles qui sont nécessaires pour ses décoctions magiques. Elle sait qu'elle n'est pas très aimée dans le campement, sa magie est parfois trop forte et dévastatrice. Mais comme elle sait aussi panser les plaies, c'est une crainte respectueuse qu'on lui accorde, chacun tentant de la croiser le moins possible sans pour autant lui manquer de respect.
Tous sauf un, bien sûr. Estrak l'avait recueillie sans poser de questions, alors qu'elle s'était réfugiée dans le campement de chasseurs, son fils nouveau-né lové dans ses bras. Elle était alors bien mal en point, et si elle n'était tombée par hasard sur ce campement de chasseurs nomades, elle et son fils ne seraient sans doute plus de ce monde. C'était alors Estrak qui avait ordonné qu'on la soigne, confiant l'enfant à une autre homine du village qui avait accouché récemment, et c'était Estrak qui était resté à son chevet, jour et nuit, malgré l'opprobre de sa tribu.
Sans doute l'avait-il aimée au premier regard, lui le chasseur solitaire, veuf depuis bien trop longtemps. Elle l'avait pris en affection, puis avait accepté de partager sa vie et son lit, bien qu'elle n'éprouvât pas les mêmes sentiments pour lui. Sa vie avait été bien assez compliquée, elle avait besoin de calme et de sérénité. L'existence simple des chasseurs lui avait convenu, et Estrak était le meilleur des homins. De plus, ici, personne ne la rechercherait, ni elle ni son fils. Son si précieux fils…
Tout en observant l'enfant du coin de l'œil, elle pose le bol qu'elle avait sur les genoux à terre et sourit. Elle contemple son ventre qui s'arrondit, bientôt une nouvelle vie sur Atys, l'enfant d'Estrak cette fois-ci. Elle contemple les Izams qui volent à l'horizon, le soleil commence à décliner, il fera bientôt nuit. Son homin ne devrait pas tarder avec la chasse du jour, déjà les homines du campement s'activent à réanimer les foyers. Le pain cuit sous les braises, elle en hume l'odeur qui flotte sur le campement. Elle rassemble ses herbes dans un bol, récupère celui-ci d'une main, le glisse dans un sac qu'elle porte en bandoulière, se lève et se dirige vers l'enfant qu'elle saisit dans ses bras. Surpris d'être ainsi interrompu dans son jeu, le bambin gémit, mais sourit dès qu'il reconnaît sa mère. Elle admire les yeux verts de l'enfant, rares chez les Fyros, les yeux de son père… et s'en retourne à sa tente, l'enfant gazouillant dans ses bras.
Encore une journée de passée, une journée ordinaire comme tant d'autres chez les chasseurs, une journée comme hier et comme demain.