La rencontre de Takeo fut un élément majeur dans mon existence, et ce à plus d'un titre. Le premier pas d’un enchainement de rencontres qui allaient fortement influencer mon existence.
Compagnon des tous premiers jours dès mon arrivée à Barkdell, il était si prévenant, toujours là pour me faire aller de l'avant. Il faut dire que, de nature réservée et plutôt farouche, je m’ouvrais assez peu aux autres, tandis que Takeo était d’un naturel bien plus sociable.
Il faut lui reconnaître également une bonne dose de patience, car il attendit que je me sente prête à rejoindre le continent - ce qui prit plusieurs mois - alors même que lui même brûlait d'envie de partir.
Probablement parce qu'il avait le béguin pour moi - et moi pour lui, aujourd'hui je ne peux le nier - mais à l'époque, ces sentiments me troublaient et je préférai les enfouir profondément, ne sachant comment les gérer.
Alors ce jour où je fus enfin résolue à quitter la rassurante - quoique relative - sécurité de la zone d'accueil des réfugiés, nous franchîmes ensemble le pas, laissant l'opérateur de la Karavan nous transporter vers notre prochaine destination, sans espoir de retour.
Fairhaven ! Une cité bâtie sur l'eau ; en fait, tout un ensemble de plateformes d'habitations et de commerces, reliées entre elles par des ponts flottants et reliée à la terre ferme par deux autres pontons. Une foule d'habitants déambulant, trykers pour beaucoup bien sûr, mais on y voyait également quelques géants zorais à la démarche chaloupée, des fyros trappus au pas alerte et des matis élancés évoluant avec grace.
Les semaines et mois qui suivirent notre arrivée, tout notre temps était exclusivement dédié à nous aguerrir. Car si les lacs de la Liberté constituaient une région relativement sûre, elle n'était pas dépourvue de dangers : cloppers et goaris étaient aux aguets et fondaient sur nous à la moindre occasion.
C’est ce qui nous fit croiser la route d’Ayamiee, une charmante trykère qui nous repéra lors de l'une de nos sessions de combat dans les Eaux Obscures et resta un moment à superviser notre entraînement.
Takeo m'apprit ensuite qu'elle faisait partie d'une guilde, suggérant que nous pourrions peut-être les rejoindre, car il semblaient sympathiques et nous serions moins seuls.
Fidèle à moi-même, et un peu exaspérée par les nombreuses tentatives de recrutement sauvage que j'avais mis un poing d'honneur à refuser, j'étais naturellement peu encline à me précipiter dans une guilde, mais Takeo parvint une fois encore à me faire sortir de ma réserve et à me convaincre d'accepter d'en rencontrer le chef, Baal. Libre à moi ensuite de me faire ma propre opinion.
Je ne peux que le remercier, où qu'il puisse être aujourd'hui, de l'avoir fait. Cette rencontre allait indiscutablement et durablement influencer le cours de mon existence.
La rencontre avait été organisée aux vents du songe, à moins que ce ne soit aux chutes de la rosée. Ma mémoire n'est plus très fidèle sur ces événements qui remontent à près d'un siècle.
L'homin n'était pas seul, il y avait un certain nombre de trykers présents, tous membres de cette guilde. Mais c'est lui qui mena l'entretien. Il n'était pas très grand, mais était solidement bâti. A l'arrière de son crâne, ses cheveux verts étaient rassemblés en une natte tressée. Ses vêtements étaient simples.
Nous échangeâmes longuement, chacun de nous essayant de connaître nos aspirations respectives. Et plus nous parlions, plus la tension qui m'habitait se relâchait, et plus je me sentais à mon aise avec cet homin. Il était simple, franc et honnête, il parlait sans détour, l'ambition qu'il avait pour sa guilde n'était pas la puissance, la gloriole ou le pouvoir. Ce n'était pas forcément incompatible… mais ce n'en était pas les moteurs.
Au final, je tombais sous le charme de l’homin – en tout bien tout honneur – et je demandai finalement à rejoindre son cryai, dont le nom m’intriguait : la garde des dragons noirs. Je ne tardai pas à être présentée ensuite à l’ensemble des « dragons » qui m'accueillirent chaleureusement.
- Cholle. Officier supérieur, au tempérament fougueux et d’humeur changeante, souvent orageuse, mais fondamentalement bien intentionnée.
- Lex et Talooss, les inséparables, qui partageaient en outre passion immodérée pour le combat à distance.
- Rodius. un adepte de la magie. Aah Rodius, il avait l’âme d’un poète. Et je lui ai brisé le cœur.
- Shwegna, enthousiaste et aventureuse, toujours prompte à partir vers l’inconnu.
- Ayamiee, discrète et timide, toujours prête à aider son prochain.
- Zvorax, sociable, courageux, parfois un peu solitaire, mais fidèle en amitié.
Ce fut le début de ma plus grande aventure. Les événements qui allaient suivre seraient riches de toute une palette d’émotions, mais surtout je me découvris une tendresse particulière pour ma nouvelle famille, pour laquelle je m’engageai corps et âme.