La porte claqua. Le Zoraï s'écroula dans l'obscurité. Complètement gelé, il rampa jusqu'à trouver des couvertures qui allaient pouvoir le réchauffer. Malgré son piteux état, il réussit à illuminer l'abri en faisant brûler une torche. Celui-ci était dans un état déplorable. On pouvait voir sur le sol des restes de nourriture, des seringues vides, d'étranges objets, des os, des armes...
D'un geste maintes fois répété, il se servit d'un morceau de tissu comme garrot. Tout en regardant la veine qui commençait à saillir, il saisit l'une des seringues et l'approcha de son bras. Juste avant de l'enfoncer, il entendit une voix.
En silence, l'homin appuya sur le piston. Les tremblement finirent par cesser. La voix se manifesta à nouveau.
Le Zoraï retira la seringue et la jeta à l'autre bout de l'abri.
Le son de la voix oscilla, se déforma progressivement jusqu'à se transformer en un rire aigu.
Curieusement, le Zoraï se leva pour s'approcher du seul miroir de l'abri. Il retira la crasse et s'observa pour la première fois depuis longtemps. Son corps était couvert de cicatrices et de nécroses. Une maigreur alarmante, des yeux cernés sans éclat... Un sourire étrange sur le masque. Le reflet prit la parole :
Effrayé, Kiriga recula en bégayant.
Le reflet hurla, le masque totalement défiguré.
Kiriga tomba à genou.
Une nouvelle fois, la voix se transforma en un rire aigu.
Kiriga brisa le miroir. Il s'écroula dans un coin de la pièce. Il pleurait... Il finit par remarquer qu'un éclat d'ambre. Il le ramassa et se regarda dedans. Son reflet reprit la parole.
Kiriga écrasa le morceau d'ambre et remit sa tête entre ses bras. Entre deux soupirs, il murmura « Jamais... »
Un Zoraï couvert d'une cape noire se matérialisa devant le téléporteur du Bosquet Vierge. C'était la saison des moussons, la pluie tombait abondamment sur le sol verdoyant de la jungle. Kiriga regardait ses mains tremblantes. Il devait se dépêcher. Il se dirigea vers le sud. Après une longue marche, il arriva devant un campement de fortune. Apercevant l'inconnu, un Tryker fonça vers lui en pointant sa pique sur son ventre. Un autre garde le mit en joue avec son fusil :
Un autre Tryker, couvert d'une cape mauve, sortit de l'une des tentes.
Il se tourna vers le Zoraï.
Sans un mot Kiriga laissa tomber une bourse aux pieds du Tryker. Celui-ci la ramassa en silence et alla dans sa tente. Quelques minutes plus tard, il ressortit et donna une boîte à Kiriga.
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La pluie s'était intensifiée. Stoppé net par une intense douleur à la poitrine, comme si un coup de poignard venait de lui être porté, il hurla, avant de s'écrouler. Son cœur brûlant diffusait la douleur dans sa chair comme un poison. Toutes sortes d'images défilaient devant ses yeux. Les visages de ses compagnons aujourd'hui décédés, disparus mais surtout dupés par de faux idéaux. Des souvenirs de victoires, de défaites, de rares moments de joie, de son enfance d'esclave. Puis cette voix, son véritable « lui », tapi dans l'ombre depuis toujours, sa part de noirceur nourrie par des années de haine, de guerres et de crimes...
Kiriga attrapa la boîte et l'ouvrit en dépit des convulsions de plus en plus violentes. Totalement désorienté, il planta la seringue au niveau du cœur. Sur le coup du choc. il s’évanouit. Il n'ouvrit les yeux quelques heures plus tard, miraculeusement sauf. La pluie s'était arrêtée et le jour tombait. Il retira la seringue. Il se releva et murmura ces quelques mots: « Je ne peux plus continuer comme ça... Il faut que cela cesse... je veux que les choses redeviennent comme avant … je veux qu'ils reviennent... »
Il était face à une flaque d'eau, son reflet se déforma et parla à nouveau.
Muet, Kiriga contemplait son reflet puis finit par rassembler ses affaires. Il sortit un pacte de téléportation et l'activa.