Un chemin qu'il nous faut tous parcourir

De EncyclopAtys

Révision datée du 29 janvier 2025 à 15:17 par Kigan (discussion | contributions) ('Je crois que mes sentiments pour Jena ne sont pas ceux de l'amour, car c'est un sentiment que toi seule m'a appris...' Le Crépuscule de la mousson)

'Je crois que mes sentiments pour Jena ne sont pas ceux de l'amour, car c'est un sentiment que toi seule m'a appris...'

Tria, Frutor 9, 4e CA 2562

Ranka s 'était endormi sans grande difficulté. Malgré son jeune âge et le manque qu'il éprouvait pour sa mère absente, le garçon était vif d'esprit. Même si les larmes lui montaient, lorsqu'il regardait Taunwe feindre un sourire chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui, Ranka savait qu'il ne fallait pas pleurer. Qu'il ne pouvait pas pleurer.

Telle mère, tel fils. Taunwe Lae Lia soupira, exténuée. Mais elle se ressaisit aussitôt, comme si ce simple fait allait la happer vers le fond. Ses recherches pour retrouver sa bien-aimée restaient sans issue. Pourtant, chaque soir, elle sentait la présence de la Zoraï, l'appelant à l'aide. Chaque soir, elle avait l'impression de se rapprocher de Ki'atal. Ce maigre espoir lui permettait de continuer de croire. La Tryker serra les poings et prit une profonde inspiration. Elle embrassa le front de Ranka avant d'aller elle aussi se coucher sous ses draps froids, pour dormir d'un sommeil sans repos.

Taunwe avançait au cœur d'un épais brouillard. Les yeux fermés, elle poursuivait sa route vers une destination inconnue. Elle se sentait enveloppée par une chaleur rassurante qui la conduisit finalement aux abords d'un plan d'eau corrompu au creux d'un vallon, surplombé d'une tour. Une lueur vacillante, attira Taunwe. Elle la guida à un camp de fortune, d'où une vision familière lui ravit le cœur.

"Ny-amn !"

La Zorai leva la tête vers Taunwe. Elle était assise, prostrée contre une paroi délabrée. A la lumière de l'âtre, la Tryker devina des cheveux courts poussiéreux et un masque barbouillé de crasse. Ki'atal ouvrit doucement la bouche avant de se raviser, puis brusquement, se leva et fondit sur son épouse. Elle semblait en colère et ses lèvres bougeaient frénétiquement, sans qu'aucun son n'en sortit.

"Ny-amn, commença Taunwe surprise, y ne t'entends pas ! Y ne comprends pas ce que tu dis !"

Taunwe tenta de la prendre dans ses bras, de la calmer en l'appelant doucement, mais toutes ses tentatives restaient vaines. Ki'atal se mouvait, de plus en plus véloce, de plus en plus irritée. Des larmes coulaient le long des joues de Taunwe. Elle ne chercha pas à les chasser d'un revers de sa main, l'état de Ki'atal accaparant tous ses sens. La Zorai sembla se calmer, se laissant choir sur le sol, les bras cherchant à s'accrocher aux jambes de son aimée. La colère laissait place à une profonde détresse. Les dernières braises du petit feu de camp s’éteignirent, révélant les traits de Ki'atal. Taunwe sentit alors le crâne rasé de son épouse dans ses paumes. Elle s'agenouilla et découvrit un masque vierge, meurtri. Taunwe resta sans voix, profondément peinée. La voix de Ki'atal, étouffée lui parvint enfin, comme une lointaine plainte.

"Y ameen sul."

Le lendemain, une missive arriva chez Kaikyo, signée de la main de Ki'yumé. Le maraudeur le conviait à Zora, afin de parler des conditions de libération de l'émissaire zorai. Il semblait avoir choisi la date à dessein, afin de pousser encore une fois à des choix impossibles les victimes de son attention perverse. Convaincue que son rêve la guiderait auprès de Ki'atal, Taunwe, persuada Kaikyo et Fey-Lin de rencontrer le maraudeur comme prévu, afin de lui faire gagner du temps, au lieu d'emprunter la route de Pyr avec les autres Initiés. Accompagnée de sa fille, Be'tsy, elle prit la direction du Nexus, vers ce lieu familier qu'elle avait vu en rêve : le camp ranger abandonné, où s'était formée la Commission Tenant.

Texte de Betsy.

II

"Tout comme j'ai semé les graines de l'existence au vent..."

Livre des Révélations


Quarta, Frutor 10, 4e CA 2562

Zora s'éteignait peu à peu. Les assauts kitins des derniers temps avaient mis la capitale zoraï en émoi. Les habitants de la Jungle s'en étaient allés en une longue procession vers la première étape de l'Exode : la cité impériale de Pyr. Les derniers gardes dynastiques en faction prenaient la route à leur tour, accompagnés des Sentinelles Kamis, laissant la Cité-Temple en proie aux assauts de l'envahisseur kitin. Ayant convenu de retrouver Ki'yumé aux abords, dans le Noeud de la Démence, Kaikyo avançait, tendu. Derrière lui, légèrement en retrait, Fey-Lin était aux aguets, incapable de se séparer de l'homin auquel elle s'était récemment unie. À ses côtés trottait Ranka, dont elle avait tenu à assurer la garde en l'absence de ses mères.

Ki'yumé ne tarda pas à s'annoncer, d'un rire tonitruant. Sa tenue était en loque et il semblait heureux comme un enfant espiègle. Sur son corps se mélait la crasse, le sang, les traces de combats anciens et récents. Il tenait à la main un dard de kirosta qu'il brandissait comme une arme dérisoire. En voyant Kaikyo, il s'avança, un large sourire fendant son masque craquelé.

"Mon frère ! Tu es venu me voir !"

Kaikyo soupira et afficha un rictus.

"Woha ! Tu m'as demandé de venir pour parler de mon amie, que tu retiens, alors je suis venu."

Ki'yumé afficha un air faussement contrit.

"Ah yui, la pauvre, tu la verrais, cela me déchirerait le coeur, si j'en avais un. Elle semble... comment dire ? Un peu abattue. Elle ne veut plus jouer... Pfff, moi qui croyait que j'allais pouvoir m'amuser avec elle et tous ces fiers kitins... Que de possibilités s'offraient à moi !!! Hahahahaha !"

Voyant Fey-Lin, il fit un petit signe moqueur, une révérence provocatrice. Il s'apprêtait à lancer une plaisanterie douteuse à son intention lorsqu'il sentit du mouvement proche. Avant même que quiconque ait pu réagir, deux kitins des Profondeurs étaient sur eux, jaillis des épaisses bambouseraies environnantes. Le premier, un Kinrey, filait comme le vent vers Fey-Lin et Ranka tandis qu'un Kipucka s'avançait avec vigueur, les griffes pointées dans le dos de Ki'yumé.

Enfilant ses amplificateurs en un éclair, Kaikyo se jeta devant sa bien-aimée tandis que des ondes de froid jaillissaient de son corps en direction du second insecte. Incapable d'esquiver les coups, il s'exposait sans défense, faisant de son corps un bouclier pour Fey-Lin et Ranka tandis que l'air se chargeait de glace. Il reçut un premier coup au travers de l'épaule mais maintint sa concentration pour occuper l'autre énorme kipucka. Un second coup lui entailla la cuisse sans qu'il ne cesse de conjurer la glace.

Il ne fallut guère de temps à Ki'yumé pour dégainer son épée et se joindre au combat. Le froid avait affaibli le kitin et en quelques passes, son arme finit par trancher le crâne épais. Il se retourna alors vers l'Éveillé qui l'avait sauvé. Il était toujours debout, épuisé, invoquant des lames de glace qui frappaient désormais le Kinrey. Derrière lui, Fey-Lin soutenait de ses sorts la santé de son époux, avec de moins en moins de succès. En un bond, la lame de Ki'yumé se joignit au combat et harcela l'énorme insecte. Sa science des armes était mise à dure épreuve, le kitin frappait avec adresse les deux homins face à lui, ne s'épuisant que lentement. Lorsque le Kinrey finit par s'effondrer, le guerrier se trouvait à côté de l'Éveillé et lui hurla :

"Mais qu'as-tu fait ?! Pourquoi jouer au martyr, maudit kwaï ?! Je n'avais pas besoin de ton aide, je suis immortel !!!"

Il le vit alors s'effondrer, un des dards encore fiché dans la poitrine. En s'affaissant, Kaikyo souffla "Un frère se sacrifie pour son frère..."

Texte de Kaikyo.