De EncyclopAtys
I
"Je crois que mes sentiments pour Jena ne sont pas ceux de l'amour, car c'est un sentiment que toi seule m'a appris..."
Le Crépuscule de la mousson
Tria, Frutor 9, 4e CA 2562
Ranka s 'était endormi sans grande difficulté. Malgré son jeune âge et le manque qu'il éprouvait pour sa mère absente, le garçon était vif d'esprit. Même si les larmes lui montaient, lorsqu'il regardait Taunwe feindre un sourire chaque fois qu'elle posait les yeux sur lui, Ranka savait qu'il ne fallait pas pleurer. Qu'il ne pouvait pas pleurer.
Telle mère, tel fils. Taunwe Lae Lia soupira, exténuée. Mais elle se ressaisit aussitôt, comme si ce simple fait allait la happer vers le fond. Ses recherches pour retrouver sa bien-aimée restaient sans issue. Pourtant, chaque soir, elle sentait la présence de la Zoraï, l'appelant à l'aide. Chaque soir, elle avait l'impression de se rapprocher de Ki'atal. Ce maigre espoir lui permettait de continuer de croire. La Tryker serra les poings et prit une profonde inspiration. Elle embrassa le front de Ranka avant d'aller elle aussi se coucher sous ses draps froids, pour dormir d'un sommeil sans repos.
Taunwe avançait au cœur d'un épais brouillard. Les yeux fermés, elle poursuivait sa route vers une destination inconnue. Elle se sentait enveloppée par une chaleur rassurante qui la conduisit finalement aux abords d'un plan d'eau corrompu au creux d'un vallon, surplombé d'une tour. Une lueur vacillante, attira Taunwe. Elle la guida à un camp de fortune, d'où une vision familière lui ravit le cœur.
"Ny-amn !"
La Zorai leva la tête vers Taunwe. Elle était assise, prostrée contre une paroi délabrée. A la lumière de l'âtre, la Tryker devina des cheveux courts poussiéreux et un masque barbouillé de crasse. Ki'atal ouvrit doucement la bouche avant de se raviser, puis brusquement, se leva et fondit sur son épouse. Elle semblait en colère et ses lèvres bougeaient frénétiquement, sans qu'aucun son n'en sortit.
"Ny-amn, commença Taunwe surprise, y ne t'entends pas ! Y ne comprends pas ce que tu dis !"
Taunwe tenta de la prendre dans ses bras, de la calmer en l'appelant doucement, mais toutes ses tentatives restaient vaines. Ki'atal se mouvait, de plus en plus véloce, de plus en plus irritée. Des larmes coulaient le long des joues de Taunwe. Elle ne chercha pas à les chasser d'un revers de sa main, l'état de Ki'atal accaparant tous ses sens. La Zorai sembla se calmer, se laissant choir sur le sol, les bras cherchant à s'accrocher aux jambes de son aimée. La colère laissait place à une profonde détresse. Les dernières braises du petit feu de camp s’éteignirent, révélant les traits de Ki'atal. Taunwe sentit alors le crâne rasé de son épouse dans ses paumes. Elle s'agenouilla et découvrit un masque vierge, meurtri. Taunwe resta sans voix, profondément peinée. La voix de Ki'atal, étouffée lui parvint enfin, comme une lointaine plainte.
"Y ameen sul."
Le lendemain, une missive arriva chez Kaikyo, signée de la main de Ki'yumé. Le maraudeur le conviait à Zora, afin de parler des conditions de libération de l'émissaire zorai. Il semblait avoir choisi la date à dessein, afin de pousser encore une fois à des choix impossibles les victimes de son attention perverse. Convaincue que son rêve la guiderait auprès de Ki'atal, Taunwe, persuada Kaikyo et Fey-Lin de rencontrer le maraudeur comme prévu, afin de lui faire gagner du temps, au lieu d'emprunter la route de Pyr avec les autres Initiés. Accompagnée de sa fille, Be'tsy, elle prit la direction du Nexus, vers ce lieu familier qu'elle avait vu en rêve : le camp ranger abandonné, où s'était formée la Commission Tenant.