Konshu/Background4

De EncyclopAtys

Le soleil était déjà haut dans le ciel, lorsque le Fyros arriva en vue de la porte de l’Est ; lavé et paré de sa nouvelle armure de pourpre au blason des libres frontaliers, il darda les gardes du regard qui le saluèrent quasiment comme s’il avait été l’un des leurs.

Konshu passa la place du marché et continua dans le dédales de ruelles jusqu’à atteindre une fontaine, là, il délaça son heaume et se rafraîchit des rigueurs de sa marche matinale. Installés sous des auvents, les marchands et les natifs regardaient la foule remonter en direction du square impérial ou du quartier d’habitations de la Dune, près de là où résidaient les guildes. L’odeur des herbes sortait des encensoirs pendus sur la devanture des étals, les grandes théières brillantes fleuraient bon sur leurs réchauds. Le Fyros se dit qu’un thé brûlant serait idéal pour faire cesser sa transpiration, et quelques fruits secs de l’étal du marchand l’accompagneraient très bien ; il allait céder à cette gourmandise, quand le chahut que faisait une troupe d’enfants non loin de là, attira son attention.


« Ouh le Karavanier ! Ouh le Karavanier ! »


Le chant venait d’une petite bande de jeunes Fyros, qui tournait autour d’un jeune Tryker prostré, en lui jetant des gravillons. Konshu accrocha son casque au crochet prévu à cet effet sur son baudrier, puis s’avança pour briser la cruelle farandole… Il n’avait jamais rien connu de tel, dans son enfance.


« Filons, v’là la garde ! »


Les enfants déguerpirent à l’approche de l’adulte en armure rouge, laissant le gamin qu’ils tourmentaient, seul, accroupi et en train de pleurer ; Konshu se baissa et essaya d’établir un contact visuel comme il le faisait effrontément avec toutes les personnes qu’il rencontrait, mais visiblement, il faisait encore plus peur au petit Tryker que les gosses qui s’en étaient pris à lui.


« Chuis pas Kitin, j’vais pas t’manger gamin. »


Visiblement, ça ne faisait guère d’effet ; malgré tout son bon cœur, Konshu se sentait désarmé face à ce genre de situations.


« Faut pas pleurer, les pleurs ça fait du bruit et l’bruit ça attire les Kitins… Ma m’man elle disait toujours ça ; mais là ça risque pas… Et pis des p’tits cailloux sur un p’tit homin ça doit faire aussi mal que des gros cailloux qu’on lance sur un gros homin, pas vrai ? »


Il y avait un petit jouet en fer sur le sol, il avait l’air abîmé comme si quelqu’un lui avait rageusement marché dessus ; c’était un petit Yubo de forme grossière. Konshu prit la chose entre ses gros doigts, et alors un miracle s’accomplit, les yeux du petit garçon suivirent ses mouvements. Faisant une moue très concentrée, l’apprenti forgeron regarda sous le ventre de la bête et farfouillant sur le sol, retrouva le ressort qui avait sauté… Après quelques efforts infructueux, il se lécha les lèvres, et la sueur au front, remonta le mécanisme du jouet ; une fois posé sur le sol, le petit Yubo se mit à avancer. On n’ entendait plus, à part le brouhaha du passage des gens, que le petit cliquetis des mécanismes du jouet ; et le guerrier Fyros dans sa lourde armure, le suivait des mêmes yeux brillants que le petit Tyrker devant lui, il ne pleurait plus.


« C’est vraiment un chouette truc que t’as là, tu dois z’être un ch’tit homin vachement spécial pour avoir un truc pareil. »


Konshu tendit le jouet vers le petit garçon avec un sourire simple et plein de bonhomie, le petit Tryker essuya ses larmes d’un revers des manches trop grandes qui lui tombaient sur les mains, puis il prit le jouet, parlant d’une petite voix enfantine.


« C’est mon papa qui l’a fait, mais j’ai perdu mon papa. »


Le Fyros aux cheveux en bataille plissa les lèvres, visiblement attentif, on eut dit un grand singe épouillant un congénère.


« S’pas grave, moi aussi j’ai perdu mon papa… C’tait dans l’noir, mais là y fait jour donc on va l’retrouver ton tiens, d’ac-o-d’ac ? »


Le petit garçon était sur le point de refondre en larmes, ce qui plongea le guerrier Fyros dans un moment d’intense panique ; et comme toujours dans ses moments là, aucun mot ne lui venait à l’esprit, il compensa par un acte. Agrippant le Tryker par la taille, il le jucha sur ses épaules et se redressa avant d’attaquer un panoramique de la place ; quelques passants éberlués regardaient la scène.


« PAPA ! PAPA ! »


Le petit bonhomme tendait son doigt vers une ruelle donnant sur le chemin des bonnes affaires ; Konshu s’élança, criant « Place ! » à tue tête pour fendre la foule. Lorsqu’ils arrivèrent enfin près de la charrette où se trouvait le couple de marchands Tryker, Konshu s’aperçut que la première réaction de l’homin fut de pâlir à la vue de son armure carmin ; il s’arrêta à quelques pas puis s’accroupit pour faire descendre le petit garçon de ses épaules. Les retrouvailles amenèrent un sourire satisfait sur les lèvres du Fyros, et lorsque le marchand Tryker voulut délier sa bourse, il se recula comme si un Kipesta allait lui cracher des flammes au visage.


« J’veux pas d’vos sous l’ami, ce s’rait pas bien honorable. »


Le Tryker était probablement aussi gêné que lui ; c’est le petit garçon qui, avec la sagesse très simple qu’ont les enfants, mit fin à ce moment d’incompréhension mutuelle. Il posa son jouet dans la main de Konshu et courut vite se cacher dans les jupons de sa mère. C’est ainsi qu’ils se séparèrent, disparaissant dans le flot humain qui parcourait les artères de Pyr, sur un simple geste de la main.

Cette aventure avait rendu Konshu très pensif ; les propos que lui avaient tenu Ewene fille de Malawene, ou messire Edge, prenaient soudain un sens très réel… Les gens de la surface se disputaient à cause de leurs particularités raciales ou religieuses. C’était quelque chose de tout à fait incompréhensible pour le réfugié des primes racines, il n’y avait jamais eu dans son existence que deux ennemis, les Kitins et la faim.